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01/04/2022 | FRANCE | N°21PA05489

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 avril 2022, 21PA05489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2021923 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Hagege, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2021923 du 23 septembre 202

1 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 10 novembre 2020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2021923 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Hagege, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2021923 du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 10 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il ne lui a pas permis de présenter des observations complémentaires préalablement au prononcé de l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté attaqué est entachée d'une erreur de fait ;

- il méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistrée le 26 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Aggiouri a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République du Congo née le 4 mai 1980, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 novembre 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, Mme B... reprend en appel les moyens, qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de l'incompétence, de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen dont seraient entachées les décisions contestées. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges, aux points 2 et 3 de leur jugement.

3. En deuxième lieu, Mme B... soutient que le préfet de police ne l'a pas invitée à présenter des observations ou des pièces complémentaires, à la suite du dépôt de sa demande. Toutefois, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante a été reçue en préfecture de police, le 30 septembre 2020, pour y déposer sa demande de titre de séjour, le préfet de police n'était nullement tenue de solliciter de sa part le dépôt d'éventuelles observations ou pièces complémentaires préalablement au prononcé de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard l'intérêt supérieur de l'enfant ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est mère d'une enfant française, née le 17 avril 2018 à Paris, reconnue, par anticipation, le 2 février 2018, par un ressortissant français. Pour justifier de la réalité de la contribution effective du père à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, Mme B... se borne à produire - outre des photographies - une attestation du père de l'enfant, qui indique, dans des termes sommaires, qu'il a procédé, à son attention, à des versements en espèces, des factures émanant de la ville de Paris, émises à raison de l'accueil de leur enfant au sein d'une crèche collective, qui ont été réglées par Mme B..., ainsi que divers tickets de caisse. Par ailleurs, si la requérante produit une convention relative à l'exercice de l'autorité parentale, signée le 10 février 2019, il n'est pas établi que les termes de celle-ci auraient été respectés, la requérante n'apportant aucun élément de nature à démontrer que le père de leur fille aurait exercé, conformément aux termes de cette convention, son droit de visite et d'hébergement toutes les fins de semaines paires, du vendredi au dimanche, ni qu'il aurait versé la somme mensuelle de 100 euros, fixée par cette convention, au titre de son obligation alimentaire. A cet égard, Mme B... ne saurait se prévaloir utilement des formulaires de transfert de liquidités qu'elle produit, qui sont postérieurs à l'édiction de l'arrêté attaqué. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que le préfet de police, qui n'a pas commis d'erreur de fait, a considéré que le père de l'enfant de Mme B... ne contribuait pas effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, au sens des dispositions alors codifiées au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait doivent être écartés.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Si Mme B... se prévaut de la naissance de sa fille, en France, ainsi que de la relation qu'elle a nouée avec le père de cette dernière, ressortissant français, il ressort des pièces du dossier que les intéressés sont séparés. Par ailleurs, Mme B..., entrée en France en 2017, n'est pas dépourvue d'attaches privées ou familiales en République du Congo, où résident trois autres de ses enfants, nés respectivement en 2004, 2007 et 2009, et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans. Enfin, Mme B... n'établit pas son intégration sociale sur le territoire français. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardée comme ayant porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme B... n'établit pas que le père de sa fille contribuerait effectivement à son entretien et à son éducation. Dans ces conditions, et alors il n'est pas établi que cet enfant, âgé de deux ans à la date de l'arrêté attaqué, ne pourrait suivre sa mère en cas de retour dans son pays d'origine, la décision attaquée n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

10. Enfin, Mme B... ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'arrêté attaqué se borne à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, sans assortir cette mesure d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 1er avril 2022.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05489 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05489
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : HAGEGE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-01;21pa05489 ?
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