La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2022 | FRANCE | N°21PA04195

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 02 juin 2022, 21PA04195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 juin 2020 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique par la société Salamander France SAS.

Par jugement n° 2012862/3-1 du 9 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2021, la société Salamander France SAS, représentée par Me Bloch, demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 2012862/3-1 du 9 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 juin 2020 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique par la société Salamander France SAS.

Par jugement n° 2012862/3-1 du 9 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2021, la société Salamander France SAS, représentée par Me Bloch, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2012862/3-1 du 9 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la requête de première instance de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de la circonstance qu'il ne faisait aucun doute selon elle que les offres de reclassement portaient sur des contrats à durée indéterminée ;

- la décision du 15 juin 2020 de l'inspecteur du travail n'est pas entachée d'erreur de droit du fait de l'absence de mention de la nature du contrat de travail proposé ;

- les moyens soulevés par Mme A... en première instance tirés de l'insuffisante motivation de la décision du 15 juin 2020 de l'inspecteur du travail, du vice de procédure dont elle serait entachée en l'absence de nouvel entretien préalable suite au premier refus d'autorisation de licenciement, de l'erreur d'appréciation en l'absence de réalité du motif économique du licenciement et de respect de l'obligation de reclassement par l'employeur, de l'erreur de fait en l'absence de suppression du poste et de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article D. 1233-2-2 du code du travail du fait de l'absence de mention de la classification du poste et du niveau de rémunération ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2022, Mme A..., représentée par Me Gaillard, conclut au rejet de la requête et à ce que la société Salamander France SAS soit condamnée à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et reprend les moyens qu'elle a développés en première instance.

La procédure a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observations.

Un mémoire a été enregistré pour la société Salamander France SAS le 13 mai 2022 après la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date d'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lerat, représentant la société Salamander France SAS.

Une note en délibéré, présentée pour la société Salamander France SAS, a été enregistrée le 19 mai 2022.

Une note en délibéré, présentée pour Mme A..., a été enregistrée le 24 mai 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée le 9 décembre 1990 en contrat à durée indéterminée par la société Salamander France SAS, spécialisée dans le commerce de détail de chaussures et la vente d'articles de maroquinerie, et exerçait, en dernier lieu, des fonctions de chef de secteur et de responsable de magasin dans la région lyonnaise. Elle a été élue membre suppléante du comité social et économique et a exercé ce mandat à compter du 29 juin 2018. La société Salamander France SAS a sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail de licencier Mme A... pour motif économique et un refus lui a d'abord été opposé par décision du 10 février 2020 dès lors qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, puis par décision du 15 juin 2020, l'inspecteur du travail l'a autorisée à procéder au licenciement de Mme A.... Par jugement n° 2012862/3-1 du 9 juin 2021, dont la société Salamander France SAS relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 15 juin 2020 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme A... pour motif économique.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort, en particulier du point 4 du jugement attaqué, que les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont considéré que les offres de reclassement de Mme A... ne comportaient pas l'indication de la nature du contrat de travail. Par suite, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour ce motif ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise (...) Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". Aux termes de l'article D. 1233-2-1 du code du travail : " I. - Pour l'application de l'article L. 1233-4, l'employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l'actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine. / II. - Ces offres écrites précisent : / a) L'intitulé du poste et son descriptif ; / b) Le nom de l'employeur ; / c) La nature du contrat de travail ; / d) La localisation du poste ; / e) Le niveau de rémunération ; / f) La classification du poste. (...) ".

5. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à cette obligation, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Si, pour juger de la réalité des offres de reclassement, l'inspecteur du travail peut tenir compte de la volonté exprimée par le salarié, l'expression de cette volonté, lorsqu'il s'agit d'un reclassement sur le territoire national, ne peut néanmoins être prise en compte qu'après que des propositions de reclassement concrètes, précises et personnalisées ont été effectivement exprimées, et à condition que l'information du salarié soit complète et exacte.

6. Il ressort des termes du courrier adressé le 11 février 2020 par la société Salamander France SAS à Mme A... qu'une suppression de ses fonctions de chef de secteur lui a été proposée, entrainant celle de la prime afférente et des primes aléatoires se rapportant aux magasins concernés, et que lui ont été proposés le maintien de ses fonctions de responsable du magasin de Villefontaine et quatre offres de reclassement sur des postes comparables de responsable de magasin dans les établissements Paddock de Romainville, de Grenoble, Gutenberg de Strasbourg et déstockage de Strasbourg mentionnant leur adresse respective, la rémunération comprenant un salaire fixe, un intéressement correspondant à un pourcentage sur le chiffre d'affaires du magasin ainsi que des primes en usage dans la profession. En revanche, quand bien même la société Salamander France SAS soutient qu'il ne faisait aucun doute que les offres de reclassement portaient sur des contrats à durée indéterminée, aucune indication n'a été donnée à l'intéressée quant à la nature du contrat de travail proposé, contrairement aux dispositions précitées de l'article D. 1233-2-1 du code du travail. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en autorisant la société Salamander France SAS à procéder au licenciement de Mme A..., l'inspecteur du travail a entaché sa décision du 15 juin 2020 d'une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Salamander France SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 15 juin 2020 par laquelle l'inspecteur du travail l'a autorisée à procéder au licenciement de Mme A... pour motif économique.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société Salamander France SAS au titre des frais liés à l'instance soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, par application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Salamander France SAS la somme de 2 000 euros à verser Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Salamander France SAS est rejetée.

Article 2 : La société Salamander France SAS versera à Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Salamander France SAS, à Mme A... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

A. B... Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04195
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : GAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-02;21pa04195 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award