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17/06/2022 | FRANCE | N°21PA03972

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 juin 2022, 21PA03972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour.

Par un jugement n° 2105137 du 14 juin 2021, le tribunal administratif

de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour.

Par un jugement n° 2105137 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 et 19 juillet 2021, M. D..., représenté par Me Delrieu, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, de lui verser cette somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreurs de fait au regard de son identité et de la circonstance selon laquelle il ne serait pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'à la date où elle a été prise, ni la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) n'avaient statué sur sa demande d'asile ;

- elle méconnait les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait au regard de la circonstance selon laquelle il n'aurait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnait les dispositions du 1° et du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- l'interdiction de retour est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnait les dispositions du deuxième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique, le rapport de M. B... et les observations de Me Delrieu pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1994, est entré en France en avril 2018 selon ses déclarations. Par un arrêté du 17 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. M. D... relève appel du jugement du 14 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence [...], l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". M. D..., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle compétent et n'a pas joint à son appel une telle demande. Par suite, aucune situation d'urgence ne justifiant qu'il soit fait application des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, sa demande d'aide juridictionnelle provisoire ne peut qu'être rejetée.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans ses dispositions alors applicables, désormais codifiées aux articles L. 541-1, L. 541-2 et L. 542-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. "

4. M. D... invoque les dispositions qui précèdent en soutenant que sa demande d'asile était encore en cours d'examen à la date de l'arrêté attaqué. Il produit à cet égard une attestation de demande d'asile, en date du 3 septembre 2020 et valable jusqu'au 21 août 2021, établie au nom de M. C... E.... Il soutient qu'il s'agit de son véritable nom et que le préfet a commis une erreur en retenant le nom " D... " dans l'arrêté attaqué. Le préfet ne conteste pas cette assertion, n'ayant pas produit de mémoire en défense. Au soutien du moyen, le requérant produit de nombreuses pièces établies au nom de " E... " entre 2019 et 2021, notamment l'intégralité des pièces relatives à sa demande d'asile. Il ressort en outre des pièces du dossier que la date de naissance de l'intéressé, qui figure dans l'arrêté contesté, ainsi que son adresse, sont identiques aux mentions de l'attestation de demande d'asile produite. Dans ces conditions et en l'absence d'éléments de nature à remettre en cause le patronyme " E... " revendiqué par le requérant, ce dernier doit être regardé comme établissant que les dénominations " M. D... " et " M. E... " correspondent en fait à la même personne. Par suite, M. D... alias E... était en possession d'une attestation de demande d'asile valide à la date de l'arrêté contesté. Or, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'à cette date, l'OFPRA n'avait pas statué sur sa demande, l'intéressé bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de l'arrêté litigieux. Par suite, M. D... alias E... est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, et doit, en conséquence, être annulée ainsi, par voie de conséquence, que les autres décisions contenues dans l'arrêté du 17 avril 2021.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt n'implique ni la délivrance d'un titre de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour ni aucune autre mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Ainsi qu'il a été dit au point 2, M. D... n'a formé aucune demande d'aide juridictionnelle. Il n'est dès lors pas fondé à invoquer, au bénéfice de son avocat, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Toutefois, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... alias E... de la somme de 1 500 euros sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2105137 du 14 juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 17 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. D... alias E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... alias E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

P. B...La présidente

M. A...La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03972
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : DELRIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-17;21pa03972 ?
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