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18/07/2022 | FRANCE | N°21PA05695

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 juillet 2022, 21PA05695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par une ordonnance n° 2108803 du 24 septembre 2021, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a donné acte du désistement de la requête de Mme E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 novembre 2021, Mme E..., représentée par Me Saligari

, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 11ème chambre du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par une ordonnance n° 2108803 du 24 septembre 2021, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a donné acte du désistement de la requête de Mme E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 novembre 2021, Mme E..., représentée par Me Saligari, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a procédé à la confirmation du maintien de sa requête à fin d'annulation, avant l'expiration du délai d'un mois qui lui était imparti ;

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... E..., ressortissante congolaise née le 10 juillet 1969, est entrée en France en 2007, selon ses déclarations. Le 23 juin 2020, elle a sollicité le renouvellement de sa carte de résident en qualité de conjoint de français. Elle relève appel de l'ordonnance du 24 septembre 2021 par laquelle le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a donné acte du désistement de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 avril 2021 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

2. L'article R. 612-5-2 du code de justice administrative dispose que : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par une requête enregistrée le 29 juin 2021 devant le tribunal administratif de Montreuil, Mme E... a demandé la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 avril 2021. Cette requête a été rejetée par ordonnance du juge des référés du 22 juillet 2021, au motif qu'aucun des moyens soulevés ne paraissait de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté. La lettre de notification de cette ordonnance, en date du 22 juillet 2021, réceptionnée le même jour par le conseil de Mme E..., faisait état de ce que, en application de l'article R. 612-5-2 du code précité, elle serait réputée s'être désistée de sa requête si elle ne produisait pas, sous le numéro d'instance correspondant, un courrier par lequel elle confirmait son maintien, dans un délai d'un mois. Or, par un mémoire dénommé " mémoire en maintien " réceptionné le 9 août 2021, à l'appui de sa requête à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 avril 2021, Mme E... a précisé, en deuxième page, qu'elle entendait maintenir l'ensemble de ses demandes. L'intéressée avait donc expressément confirmé le maintien de sa requête à fin d'annulation.

4. Dans ces conditions, Mme E... est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est irrégulière et qu'elle doit être annulée. Il y a lieu, par suite, d'annuler cette ordonnance, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal et la Cour :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a épousé M. A... le 8 septembre 2006 au Congo et qu'elle est entrée en France en 2007, soit près de quatorze ans avant l'édiction de l'arrêté en litige. Mme E... a notamment été munie d'une carte de résident valable du

8 mars 2010 au 7 mars 2020, en qualité de conjoint de français. Dès le 18 juillet 2007, l'intéressée a été embauchée par la société L'Hotelière de ménage en qualité d'agent de service dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Elle a ensuite travaillé au sein de l'hôtel Brighton à Paris en tant que femme de chambre, en " extra " à compter du mois de juillet 2011, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à partir du 1er avril 2012, soit depuis près de dix années à la date de l'arrêté en litige, ainsi qu'en attestent également les 111 bulletins de salaires produits par la requérante. Enfin, il n'est pas contesté que Mme E... est dépourvue d'attaches familiales proches au Congo, dès lors que son fils est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 20 septembre 2022 et que sa sœur est de nationalité française. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme E..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 29 avril 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme E... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2108803 du 24 septembre 2021 du président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 29 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un titre de séjour à Mme E... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme E... une somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2022.

Le président-rapporteur,

I. B...L'assesseure la plus ancienne,

M. C...

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05695
Date de la décision : 18/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SALIGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-18;21pa05695 ?
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