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20/09/2022 | FRANCE | N°21PA06028

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 septembre 2022, 21PA06028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse D..., a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n°20118

55 du 26 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse D..., a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n°2011855 du 26 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me Charles, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 26 octobre 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 octobre 2020 mentionné ci-dessus ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence, mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;

- son auteur ne s'est pas approprié les termes de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- en l'absence de communication de l'avis du collège de médecins de l'OFII et de la délibération qui doit l'avoir précédé, la procédure doit être regardée comme irrégulière ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10°) de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué est intervenu en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle repose sur une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Charles, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 10 juillet 1972 à Iferhounene (Algérie), entrée en France le 11 février 2017 munie d'un visa court séjour, a sollicité son admission au séjour dans le cadre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien visé ci-dessus. Par un arrêté du 13 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Mme A... fait appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien visé ci-dessus " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ( ...) ". Aux termes de l'article R. 313 23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) ". L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) ".

3. Pour refuser l'admission au séjour de Mme A..., l'arrêté attaqué se réfère à l'avis émis le 9 juillet 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dont il ressort que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays, et comporte l'exposé de l'ensemble des autres considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, la décision de refus d'admission au séjour est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, si Mme A... semble mettre en doute l'existence de l'avis du collège de médecins de l'OFII, cet avis a été produit par le préfet devant la Cour le 20 décembre 2021. Il en ressort qu'il a, contrairement à ce qu'elle insinue, été précédé d'une délibération du collège de médecins de l'OFII. A supposer qu'elle ait entendu en contester la régularité pour d'autres motifs, elle ne les a pas précisés dans sa requête.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté attaqué, rappelée ci-dessus, que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de Mme A..., ou qu'il se serait cru lié par les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII.

6. En quatrième lieu, si Mme A... produit de nombreux certificats médicaux qui attestent qu'elle souffre de la maladie de Behçet sous une forme résistante aux traitements classiques, et nécessitant une biothérapie, ces certificats médicaux sont, ainsi que le tribunal administratif l'a relevé à juste titre, trop succincts pour remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII. Les ouvrages et les articles généraux sur la maladie de Behçet et sur le système de santé algérien auquel elle se réfère par ailleurs, et la circonstance qu'elle n'est pas affiliée à la sécurité sociale algérienne et ne peut travailler en raison de son état de santé, alors qu'elle n'établit pas ne pouvoir bénéficier d'une aide financière de sa famille, ou d'une autre forme de prise en charge sociale de ses dépenses de santé, ne permettent pas non plus de retenir qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état dans son pays. Le moyen tiré d'une violation des stipulations citées ci-dessus doit donc être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien visé ci-dessus " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

8. Si Mme A... se prévaut de la présence en France de son mari et de leurs deux enfants, sans préciser leur situation au regard du séjour, elle ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à ce que, étant aussi de nationalité algérienne, ils l'accompagnent en Algérie. Dans ces conditions et alors même que ses quatre frères et sœur résident en France et sont de nationalité française, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus, ni comme reposant sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

9. En sixième lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen que Mme A... tire d'une violation, par l'obligation de quitter le territoire français, du 10°) de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, ne peut qu'être écarté. Compte tenu des dispositions alors en vigueur de l'article L. 511-1 de ce code, cette mesure n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour.

10. En septième lieu, les moyens tirés de l'insuffisance de la motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français et d'une erreur d'appréciation au regard du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., épouse D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Célérier, président de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.

Le rapporteur,

J-C. C...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06028
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CHARLES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-20;21pa06028 ?
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