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29/09/2022 | FRANCE | N°21PA00386

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 21PA00386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sofrapar a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a refusé de renouveler l'autorisation de mise sur le marché du produit Ecobios 3C LA, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux intervenue le 24 septembre 2018.

Par un jugement n° 1809675 du 24 novembre 2020 le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.



Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2021, et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sofrapar a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a refusé de renouveler l'autorisation de mise sur le marché du produit Ecobios 3C LA, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux intervenue le 24 septembre 2018.

Par un jugement n° 1809675 du 24 novembre 2020 le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 19 août 2022, la société Sofrapar, représentée par Me Lepage, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête ;

2°) d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a refusé de renouveler l'autorisation de mise sur le marché du produit Ecobios 3C LA, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux intervenue le 24 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre à l'ANSES de réexaminer sa demande d'homologation et de lui accorder le renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché du produit Ecobios 3C LA à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'ANSES une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, étant parfaitement motivée ;

- la décision contestée, qui porte retrait de l'autorisation de mise sur le marché, est illégale à défaut d'avoir respecté les conditions de délai posées à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le délai de 10 jours qui lui a été accordé pour présenter ses observations à la suite du courrier du 14 février 2017 de l'ANSES ne résulte d'aucun texte et était trop court pour respecter le principe du contradictoire, alors que les dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 21 décembre 1998, visées par l'article R. 255-13 du code rural et de la pêche maritime, qui devaient s'appliquer, prévoient un délai de deux mois pour présenter des observations ;

- la procédure préalable de consultation du comité d'homologation et de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments prévue par l'article 3 de l'arrêté du 21 décembre 1998 n'a pas été respectée ;

- elle n'a pas eu connaissance de l'identité des experts ayant évalué son dossier, de sorte à prévenir des conflits d'intérêt et une atteinte au secret des affaires ;

- en ce qui concerne un produit déjà homologué, la procédure d'autorisation doit être allégée ;

- l'ANSES ne pouvait considérer que la caractérisation du procédé de fabrication et la constance de composition du produit n'étaient pas établis, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le principe de précaution a été méconnu.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juillet et 25 août 2022, l'ANSES, représentée par Me Holleaux, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, et, à titre subsidiaire, à son rejet au fond, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de la société Sofrapar une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête ne contient pas de critique du jugement attaqué et est donc insuffisamment motivée ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2015-890 du 21 juillet 2015 ;

- l'arrêté du 21 décembre 1998, relatif à l'homologation des matières fertilisantes et des supports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Denis substituant Me Lepage pour la société Sofrapar et de Me Le Gall substituant Me Holleaux pour l'ANSES.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sofrapar a été autorisée à mettre sur le marché un produit fertilisant, l'Ecobios 3C LA, le 20 janvier 1994. Cette autorisation a été renouvelée en juillet 2007 avec une date de validité prévue jusqu'au 31 décembre 2014. Le 29 décembre 2014, la société Sofrapar a adressé à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) une demande de renouvellement de cette autorisation. Par un courrier du 14 février 2017, l'ANSES l'a informée de son intention de retirer l'autorisation de mise sur le marché et l'a invitée à présenter ses observations. Le 25 mai 2018, l'ANSES a décidé de ne pas renouveler l'autorisation de mise sur le marché du produit Ecobios 3C LA. La société Sofrapar a formé un recours gracieux contre cette décision le 23 juillet 2018. A la suite d'une demande de l'ANSES de communication de pièces, à laquelle la société Sofrapar a répondu, une décision implicite de rejet de son recours gracieux est intervenue le 24 septembre 2018. La société Sofrapar a contesté ces décisions des 25 mai 2018 et 24 septembre 2018 devant le tribunal administratif de Melun. Par un jugement du 24 novembre 2020, dont elle fait appel, ce tribunal a rejeté sa demande.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'ANSES :

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions contestées :

En ce qui concerne la nature de la décision du 23 juillet 2018 :

2. Aux termes des dispositions, en vigueur à la date du dépôt de la demande de la société Sofrapar de renouvellement de son autorisation de mise sur le marché, de l'article 5 de l'arrêté du 21 décembre 1998 relatif à l'homologation des matières fertilisantes et des supports : " I. - La date d'expiration d'une homologation est fixée au 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle cette homologation a été accordée. / II. - La demande de renouvellement de l'homologation doit être adressée par son détenteur au ministère de l'agriculture et de la pêche avant le 30 juin de la dernière année de l'homologation en cours. Elle doit être établie comme la demande d'homologation conformément aux dispositions de l'article 2 du présent arrêté. / III. - L'homologation peut être renouvelée, par le ministre de l'agriculture et de la pêche, pour une durée de dix ans, après avis du comité d'homologation et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, à condition que les exigences d'efficacité et d'innocuité soient toujours remplies. ". Si le décret du 21 juillet 2015 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des matières fertilisantes, des adjuvants pour matières fertilisantes et des supports de culture, a réformé les autorisations de mise sur le marché, il prévoit à son article 2 que : " Les dispositions du présent décret entrent en vigueur le 1er août 2015. Les demandes d'homologation (...) déposées avant cette date sont instruites dans les conditions prévues par les articles R. 255-1 à R. 255-26 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction antérieure au présent décret. Le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail statue sur ces demandes. / Les homologations (...) délivrées avant l'entrée en vigueur du présent décret valent, (...), autorisation de mise sur le marché (...) et restent valables jusqu'à leur renouvellement, qui s'effectue dans les conditions prévues par le présent décret. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, comme il a déjà été dit, la société Sofrapar détenait une autorisation de mise sur le marché depuis le 20 janvier 1994, qui a été renouvelée en juillet 2007 avec un terme prévu au 31 décembre 2014, conformément aux dispositions précitées de l'article 5 de l'arrêté du 21 décembre 1998. La demande de renouvellement de son autorisation, ayant été déposée par la société Sofrapar le 29 décembre 2014, au demeurant tardivement, elle devait être instruite dans les conditions prévues par les articles R. 255-1 à R. 255-26 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction antérieure au décret du 21 juillet 2015, et il résulte des termes mêmes précités de l'article 2 du décret du 21 juillet 2015 que l'autorisation de mise sur le marché dont bénéficiait la société Sofrapar ne pouvait être regardée que comme ayant été provisoirement prolongée jusqu'à ce qu'il soit statué sur son renouvellement. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la décision du 25 mai 2018 prise par l'ANSES, qui vise la demande de renouvellement présentée par l'intéressée, consiste bien en un refus de renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché à son terme, comme d'ailleurs ses mentions mêmes l'indiquent, et non pas en un retrait de son autorisation. La circonstance que la société Sofrapar a été destinataire d'un courrier de l'ANSES en date du 14 février 2017 dont l'objet portait " notification de l'intention de retrait de l'autorisation de mise sur le marché ", est sans incidence sur la nature de la décision contestée du 25 mai 2018, cette formulation étant, au surplus, contredite par les termes de ce courrier mentionnant expressément que " l'autorisation de mise sur le marché ne peut être reconduite ". Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision n'aurait pas été prise dans le délai de quatre mois imposé à l'administration par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration pour retirer une décision créatrice de droit, est inopérant.

En ce qui concerne la légalité externe :

Quant au respect du principe du contradictoire :

4. Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article 11 de l'arrêté du 21 décembre 1998 : " Préalablement à toute décision de refus d'homologation ou de retrait d'homologation ou de l'autorisation provisoire de vente ou d'importation, sauf en cas d'urgence, le demandeur ou le détenteur est averti de cette décision et dispose d'un délai de deux mois pour présenter ses observations. ".

5. Les demandes de renouvellement d'homologation étant instruites, selon les dispositions précitées de l'article 5 de l'arrêté du 21 décembre 1998, comme la demande d'homologation et conformément aux dispositions de l'article 2 de cet arrêté, eu égard à leur nature, et en l'absence de dispositions particulières relatives aux décisions de non-renouvellement, ces dernières doivent s'analyser comme des décisions de refus d'homologation au sens des dispositions précitées de l'article 11 du même arrêté.

6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. Comme il a déjà été dit, il ressort des pièces du dossier que la société Sofrapar a été invitée à présenter ses observations sur la non-reconduction de l'autorisation de mise sur le marché de son produit, par un courrier de l'ANSES en date du 14 février 2017 mentionnant expressément les motifs qui la conduisait à envisager cette décision, soit l'absence, d'une part, d'établissement de la composition intégrale du produit en cause, et, d'autre part, de communication des éléments techniques du procédé de fabrication. Ce courrier a fixé à la société Sofrapar un délai de 10 jours ouvrés à compter de la réception de ce dernier pour présenter ses observations. Il ressort de la décision contestée du 25 mai 2018, qu'elle vise ce courrier de l'ANSES ainsi que " les observations transmises par la société Sofrapar dans le cadre de la procédure contradictoire en date du 3 mars 2017 ". Si la société requérante soutient que la procédure contradictoire n'a pas respecté le délai de deux mois qui devait lui être imparti pour présenter ses observations en vertu de l'article 11 de l'arrêté du 21 décembre 1998, il est constant qu'elle a pu exprimer ses observations de manière détaillée dans son courrier du 1er mars 2017, dans lequel elle indique également que son conseil peut apporter toutes informations utiles concernant la chimie des molécules du produit. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que la méconnaissance du délai de deux mois prévu par l'article 11 de l'arrêté du 21 décembre 1998 ait été, dans les circonstances de l'espèce, susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision de non-renouvellement de l'autorisation du produit, ni que la société Sofrapar ait été privée d'une garantie.

Quant à l'absence d'avis du comité d'homologation des matières fertilisantes et des supports de culture et de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments :

8. Il résulte des dispositions précitées au point 2 du décret du 21 juillet 2015 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des matières fertilisantes, que, s'agissant du renouvellement en litige, au terme de l'expiration de la précédente autorisation le 31 décembre 2014 et du dépôt de la demande de renouvellement par la société requérante le 29 décembre 2014, l'instruction de cette demande était soumise aux conditions prévues par les articles R. 255-1 à R. 255-26 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction antérieure au décret du 21 juillet 2015.

9. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 21 décembre 1998 : " I. - Le ministre de l'agriculture et de la pêche soumet les demandes d'homologation, pour avis, au comité d'homologation des matières fertilisantes et des supports de culture, ci-après dénommé le comité d'homologation. Dans le but d'évaluer les risques que présentent les produits ou ensembles de produits et de s'assurer qu'ils n'ont pas d'effet préjudiciable ni sur la santé humaine ou animale ni sur l'environnement, il soumet ces demandes, pour avis, à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. (...) ". Aux termes de l'article R. 255-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 21 juillet 2015 : " (...) Le ministre chargé de l'agriculture prend, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, les décisions d'octroi des homologations et des autorisations provisoires de vente ou d'importation. (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que si l'article 3 de l'arrêté du 21 décembre 1998 était encore en vigueur pendant la période d'instruction de la demande de renouvellement de la société requérante, ses dispositions étaient devenues inapplicables dès lors qu'il est constant que le comité d'homologation a été supprimé par un décret du 22 septembre 2006 et que l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a été fusionnée avec l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) pour devenir l'ANSES, par une ordonnance du 7 janvier 2010. Si les dispositions en vigueur précitées de l'article R. 255-1 du code rural et de la pêche maritime prévoyaient également la consultation pour avis de l'ANSES, ayant donc remplacé l'AFSSA, par le ministre de l'agriculture, les dispositions précitées de l'article 2 du décret du 21 juillet 2015 ont prévu que dans tous les cas, la compétence pour statuer sur les demandes d'homologation appartiendrait désormais directement au directeur général de l'ANSES, la consultation pour avis de l'agence, prévue pour que le ministre de l'agriculture statue, ayant donc perdu son utilité. Il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que la décision contestée a été prise par le directeur de l'ANSES au regard des conclusions pour avis d'une évaluation conduite par la direction d'évaluation des produits réglementés de cette agence du 29 juillet 2016, que celle-ci vise. Au demeurant, et si la société requérante ne mentionne aucune disposition textuelle obligeant à la communication de cette évaluation au demandeur de l'autorisation, il ressort des pièces produites par l'ANSES en première instance que par un courrier du 29 juillet 2016 émanant de sa direction de l'évaluation, celle-ci lui a fait parvenir une copie des conclusions de cette évaluation. Le moyen du défaut de consultation préalable à la décision de l'ANSES doit donc être écarté.

Quant aux experts consultés par l'ANSES :

11. Aux termes de l'article L. 1313-1 du code de la santé publique dans sa version en vigueur lors de l'évaluation réalisée par l'ANSES du produit pour lequel la société requérante demandait le renouvellement de son autorisation : " L'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail est un établissement public de l'Etat à caractère administratif. / Elle met en œuvre une expertise scientifique indépendante et pluraliste. / Elle contribue principalement à assurer la sécurité sanitaire humaine dans les domaines de l'environnement, du travail et de l'alimentation. (...) / Elle exerce, pour les produits phytopharmaceutiques et les adjuvants mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que pour les matières fertilisantes, adjuvants pour matières fertilisantes et supports de culture mentionnés à l'article L. 255-1 du même code, des missions relatives à la délivrance, à la modification et au retrait des différentes autorisations préalables à la mise sur le marché et à l'expérimentation. (...) ". Aux termes de l'article L. 1313-2 du même code, dans sa version alors en vigueur : " L'agence accède, à sa demande et dans des conditions préservant la confidentialité des données à l'égard des tiers, aux informations nécessaires à l'exercice de ses missions qui sont détenues par toute personne physique ou morale sans que puisse lui être opposé le secret médical, le secret professionnel ou le secret en matière industrielle et commerciale. Lui sont communiquées, à sa demande, les données, les synthèses et les statistiques qui en sont tirées mais aussi toute information utile à leur interprétation. ". Aux termes de l'article L. 1313-9 de ce code, dans sa version alors en vigueur : " Un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts se prononce sur le respect des principes déontologiques applicables à l'agence, à ses personnels et à ses collaborateurs occasionnels. ". Enfin, aux termes de l'article L. 1313-10 de ce code, dans sa version alors en vigueur : " (...) / IV.- Les agents de l'agence, les membres des comités, conseils et commissions et les personnes qui apportent occasionnellement leur concours à l'agence ou à ces instances sont astreints au secret professionnel pour les informations dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. ".

12. La société requérante ne démontre aucunement que, si elle n'a pas eu connaissance de l'identité des experts étant intervenus sur son dossier, et alors qu'aucun texte ne prévoit que cette information soit donnée, ceux-ci aient pu présenter un conflit d'intérêt pour réaliser l'évaluation de son produit ou porter atteinte au principe du secret professionnel.

En ce qui concerne la légalité interne :

Quant à l'erreur manifeste d'appréciation :

13. Aux termes de l'article L. 255-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " L'autorisation de mise sur le marché et le permis d'introduction d'une matière fertilisante, d'un adjuvant pour matières fertilisantes ou d'un support de culture sont délivrés par l'autorité désignée à l'article L. 1313-5 du code de la santé publique, à l'issue d'une évaluation qui, dans les conditions d'emploi prescrites, révèle son absence d'effet nocif sur la santé humaine, la santé animale et sur l'environnement et son efficacité, selon les cas, à l'égard des végétaux et produits végétaux ou des sols. ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 21 décembre 1998 : " Conformément à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1979 susvisée, tout demandeur doit apporter les éléments permettant de vérifier l'efficacité et l'innocuité du produit ou de l'ensemble de produits présenté à l'homologation, à l'égard de l'homme, des animaux et de leur environnement dans les conditions d'emploi prescrites ou normales. / I. - Toute demande d'homologation doit comprendre (...): / 1. Le formulaire prévu à cet effet, dûment rempli, conformément à l'annexe I du présent arrêté ; / 2. Un dossier administratif contenant toute pièce nécessaire à l'instruction de la demande, dont la liste figure à l'annexe II du présent arrêté ; / 3. Un dossier technique contenant tous les éléments mentionnés à l'annexe III du présent arrêté. (...) ". L'annexe I de cet arrêté, relative au formulaire CERFA, dispose que ce dernier doit être complété par : " a) Feuillet(s) : page spéciale Matières premières-constituants (...) / b) Fiche de fabrication ou tout document décrivant le procédé de fabrication (...) / 3. Fabrication. (...) / b) Tableau 35, Matières premières. / Il doit être complètement rempli et reprendre la liste de toutes les matières premières utilisées pour la fabrication du (des) produit(s). / Pour chaque matière première, doivent figurer sa nature, son nom, son origine et la quantité, exprimée en kg, utilisée pour obtenir 100 kg de produit fini. Ces informations doivent être les plus précises possible. (...) / 4. Produit fini / a) Tableau 41. / Doivent figurer les quantités de chacun des constituants, leur total ramené à 100 kg de produit fini. (...) ". L'annexe III de cet arrêté, relative au dossier technique, dispose que : " Le dossier doit contenir les informations suivantes regroupées en quatre chapitres : / 1. Informations relatives à la santé publique, à l'environnement et à la sécurité ; / 2. Informations agronomiques ; / 3. Informations relatives aux résultats d'analyse accompagnés des méthodes utilisées ; / 4. Toute autre information jugée utile. (...) / 1. Informations relatives à la santé publique, à l'environnement et à la sécurité. / a) Fiche(s) de données de sécurité. (...) / b) Informations complémentaires. / Indiquer, de la façon la plus précise, les substances indésirables et les agents chimiques ou biologiques ayant ou pouvant avoir un impact sur la santé humaine et animale ou sur l'environnement. Apporter tout élément démontrant l'innocuité du (des) produit(s) dans les conditions d'emploi préconisées. (...) / 3. Informations relatives aux méthodes d'analyse et aux résultats. / a) Rapport(s) d'analyse du (des) produit(s). / Fournir les résultats des différentes analyses effectuées sur le(s) produit(s). Ces analyses doivent dater de moins de six mois (...) / Le demandeur de l'homologation doit fournir au laboratoire effectuant les analyses un (des) échantillon(s) représentatif(s) du (des) produit(s) tel(s) qu'il prévoit de le(s) mettre sur le marché. Le rapport d'analyse fourni doit être accompagné de la méthode d'échantillonnage utilisée pour constituer l'échantillon destiné à l'analyse. / Le(s) rapport(s) d'analyse fourni(s) doi(ven)t permettre de caractériser complètement le produit (...) / 5. Cas particulier des produits déjà homologués ou autorisés. Fournir, dans tous les cas, une analyse complète du (des) produit(s), telle que prévue au chapitre 3, a. (...) ".

14. La décision contestée de l'ANSES du 25 mai 2018, refuse le renouvellement de l'autorisation en cause au motif de l'absence de caractérisation du procédé de fabrication et de l'établissement seulement partiel de la constance de composition du produit, empêchant de proposer son classement toxicologique, et par conséquent d'établir qu'il ne présente aucun risque d'effet nocif pour la santé humaine conformément aux exigences des dispositions de l'article L. 255-7 du code rural et de la pêche maritime. Il ressort de la première fiche d'évaluation U3EV conduite par l'ANSES sur le produit en cause, qu'elle relève plusieurs manquements, en premier lieu, au titre du procédé de fabrication, que le notifiant n'a pas fourni la FDS (fiche de données de sécurité) des matières premières déclarées dans le formulaire Cerfa, soit la gélatine alimentaire, les acides gras en C8, le sulfate de cuivre et l'ammoniaque, en deuxième lieu, au titre du devenir et du comportement du produit dans l'environnement, qu'aucun essai n'a été fourni, en troisième lieu, au titre des essais de toxicité vis-à-vis d'organismes terrestres et aquatiques, que le demandeur n'a pas exprimé les concentrations nominales des tests comme demandé lors de la demande d'informations complémentaires et que, s'agissant du milieu aquatique, les conditions de réalisation des tests ne permettent pas de discriminer les effets liés au pH de ceux liés au produit fertilisant, l'utilisation des résultats étant discutable, tandis que s'agissant du milieu terrestre, aucun essai d'écotoxicité n'a été fourni. Dans une fiche d'évaluation UPCMA (unité physico-chimique et méthodes d'analyse), l'ANSES relève que les rapports d'analyse de l'étude de constance de composition n'ont pas été communiqués et doivent être complétés pour les paramètres de l'azote organique de la gélatine hydrolysée, le pétitionnaire justifiant ces lacunes par un incident informatique et une perte totale de données. Elle demande pour garantir la constance du produit, une étude complète de constance de composition du produit ainsi que les rapports d'analyse correspondants. Elle note, pour l'étude d'homogénéité, qu'aucune étude n'a été soumise, pour l'étude d'invariance du produit, que 3 rapports d'analyse seulement ont été fournis pour 2004, 2007 et 2008 et que le nombre d'échantillon est insuffisant, et observe qu'il en ressort que les variations observées excèdent les écarts admissibles déclarés pour l'étude de stabilité, et enfin qu'aucun rapport d'analyse permettant de confirmer la stabilité du produit n'a été fourni. S'agissant des certifications de qualité du produit, l'ANSES note que les attestations de fourniture des matières premières n'ont pas toutes été fournies et que le système de management de la qualité de la fabrication et de la traçabilité des matières premières et des lots de production est décrit de manière partielle et n'est pas considéré comme étant satisfaisant. Elle conclut que les spécifications du produit telles que décrites sur le formulaire Cerfa et la fiche d'information, sont incomplètes, que sa composition n'est pas clairement établie et que les éléments techniques relatifs au procédé de fabrication ne sont pas communiqués. Enfin dans ses conclusions du 29 juillet 2016 arrêtées après évaluation et consultation du comité d'experts spécialisé " matières fertilisantes et supports de culture " le 7 juillet 2016, la direction d'évaluation des produits réglementés de l'ANSES n'a pas levé les critiques déjà mentionnées, retenant que : " La caractérisation de la matière fertilisante ECOBIOS 3C LA n'est pas établie de manière satisfaisante. Sa composition intégrale n'est pas clairement établie et les éléments techniques du procédé de fabrication n'ont pas été communiqués. (...) aucune étude d'homogénéité et de stabilité de la matière fertilisante ECOBIOS 3C LA n'a été réalisée. Par ailleurs, les arguments soumis par le demandeur pour justifier l'absence de ces études ne sont pas considérés comme recevables. (...) Les informations disponibles ne permettent pas de proposer un classement toxicologique pour la préparation ECOBIOS 3C LA. (...) ".

15. Si la société requérante fait valoir que la procédure d'instruction de l'autorisation des produits déjà homologués doit être allégée par rapport à celle d'un produit nouveau, l'ensemble des données nécessaires à cette instruction sont exposés au point 13 ci-dessus, et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ANSES ne s'en soit pas remis à cette liste en ce qui concerne l'ECOBIOS 3C LA. Si la société requérante estime dans ses écritures que son dossier administratif et technique devait être regardé comme complet, elle indique, qu'elle a proposé à l'ANSES de contacter son conseil technique, et, fait remarquer, que les informations qui lui ont été demandées concernant la durée des temps de réaction de son procédé de fabrication, les quantités précises, les températures réactionnelles, relevaient de son savoir-faire pour la protection duquel elle avait demandé à ce que l'ANSES signe un contrat de confidentialité. Elle ne démontre pas, ainsi, qu'elle aurait répondu, aux demandes qui lui ont été faites de fournir toutes les études manquantes mises en exergue par les évaluations déjà mentionnées. Si la société requérante fait valoir, plus précisément, qu'elle n'avait pas à indiquer des matières premières qui ne figurent pas dans son produit, en se référant notamment à son courrier à l'ANSES du 1er mars 2017 dans lequel elle s'appuie sur une notice de cette agence selon laquelle seuls les produits se retrouvant dans le produit fini sont considérés comme matières premières, il ressort des dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 21 décembre 1998 rappelées ci-dessus, seul texte à valeur normative, que doit figurer dans le Cerfa la liste de toutes les matières premières utilisées pour la fabrication du produit. L'ANSES a donc pu, sur le fondement de ce texte, demander à la société Sofrapar, notamment dans sa réponse du 1er août 2018 à son recours gracieux contre la décision contestée, de lui fournir la description précise de l'ensemble des matières premières utilisées lors de la fabrication du produit Ecobios 3C LA, ainsi que leur proportion ramenée à 100 kg de produit fini. En outre, il ne ressort pas du courrier du 10 août 2018 de la société requérante faisant suite à ce courriel de l'ANSES, qu'elle aurait apporté toutes les pièces qui étaient sollicitées par celle-ci et notamment les études d'homogénéité et de stabilité, la composition biochimique détaillée du produit, les fiches de données de sécurité pour l'ensemble des matières premières, et la description détaillée des éléments techniques du procédé de fabrication, incluant les temps de réaction, les températures, les proportions des matières premières et des réactifs. Au demeurant, la société requérante ne pouvait objecter à ces demandes, la protection de son savoir-faire de fabrication, alors que les dispositions des articles L. 1313-2 à L. 1313-10 du code de la santé publique précitées au point 11, organisent les conditions de préservation de la confidentialité de ces données et disposent que le secret professionnel ne peut être opposé aux demandes d'information formulées par l'ANSES dans le cadre de l'exercice de ses missions. Si, enfin, les fiches d'évaluations déjà mentionnées au point précédent, notent, notamment, que le mode d'emploi du produit est adapté aux revendications d'efficacité, et que les usages revendiqués n'entrainent pas de risques pour le consommateur, en ce qui concerne sa teneur en cuivre, ces appréciations ne sont pas contradictoires avec les lacunes du dossier relevées par ailleurs. Dans ces conditions, l'appréciation portée dans la décision contestée, selon laquelle le procédé de fabrication du produit n'est pas suffisamment caractérisé et la constance de sa composition n'est que partiellement établie, ne permettant pas à l'ANSES d'établir que le produit ne présente aucun risque d'effet nocif pour la santé humaine conformément aux dispositions de l'article L. 255-7 du code rural et de la pêche maritime, confirmée par le rejet implicite du recours gracieux de la société requérante, ne peut être regardée comme entachée d'erreur manifeste.

Quant à la violation du principe de précaution :

16. Aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. ". Selon les dispositions de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, la protection des espaces, ressources et milieux naturels, de la qualité de l'air, la qualité de l'eau, des êtres vivants et de la biodiversité : " s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / 1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ; (...) ".

17. La société requérante soutient que le principe de précaution, tel qu'il est rappelé par l'article 5 de la Charte de l'environnement et l'article L. 110-1 du code de l'environnement, précités, aurait été méconnu, en ce que l'ANSES l'a obligée à apporter la preuve de l'innocuité de son produit, alors que celui-ci est commercialisé depuis vingt ans et qu'aucun risque sanitaire potentiel n'a été identifié le concernant, selon elle. Toutefois, comme il a été rappelé au point 2, l'article 5 de l'arrêté du 21 décembre 1998 prévoit que la demande de renouvellement est établie comme la demande d'homologation, celle-ci pouvant être renouvelée à condition que les exigences d'efficacité et d'innocuité soient toujours remplies. Le principe de précaution ne saurait s'opposer à ce que les conditions d'innocuité soient, ainsi, à nouveau vérifiées dans le cadre du renouvellement d'une autorisation, tandis que le produit a pu évoluer dans sa composition ou sa fabrication.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sofrapar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ANSES, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Sofrapar demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Sofrapar une somme de 1 500 euros à verser à l'ANSES.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Sofrapar est rejetée.

Article 2 : La société Sofrapar versera à l'ANSES, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sofrapar et à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00386
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SAS HUGLO LEPAGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-29;21pa00386 ?
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