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18/10/2022 | FRANCE | N°21PA00673

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 18 octobre 2022, 21PA00673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation, d'enjoindre au vice-recteur de procéder à sa réintégration à compter de la notification du jugement à intervenir et de reconstituer sa carrière à compter de sa date d'éviction, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 250 000 francs CFP en application de l'article L

. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900505 du 12 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation, d'enjoindre au vice-recteur de procéder à sa réintégration à compter de la notification du jugement à intervenir et de reconstituer sa carrière à compter de sa date d'éviction, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 250 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900505 du 12 novembre 2020, le Tribunal administratif de la Nouvelle - Calédonie a rejeté sa demande ;

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2021, Monsieur A..., représenté par

Me Claveleau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du

12 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le vice-recteur de la

Nouvelle-Calédonie a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation ;

3°) d'enjoindre au vice-recteur de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière à compter de son éviction dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a à tort retenu l'existence de gestes et propos à connotation sexuelle en interprétant de manière erronée certains de ses propos, et alors que l'arrêté de révocation mentionnait seulement des " gestes inappropriés " et des propos à connotation sexuelle ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie dès lors que, contrairement à ce que retient la décision attaquée, il n'a jamais reconnu avoir tenu des propos à connotation sexuelle, et dès lors le jugement se fonde sur des faits non établis ;

- le tribunal a à tort jugé que la sanction n'était pas disproportionnée, en dépit notamment de sa manière de servir, de l'absence d'infractions comparables antérieurement, de la mauvaise interprétation de son geste par la stagiaire en cause, et des regrets exprimés lors du conseil de discipline ;

- la sanction litigieuse a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le conseil de discipline n'avait pas été précédé par l'établissement d'un rapport décrivant les faits reprochés et les circonstances dans lesquels ils se sont produits, en méconnaissance de l'article 2 du décret n°84-961 du 25 octobre 1984 ;

- l'avis du conseil de discipline ne lui a pas été communiqué, il n'en connait pas le sens qui n'est pas non plus mentionné dans l'arrêté attaqué et il a dès lors été privé de la possibilité de saisir la commission de recours ;

- la procédure a été menée exclusivement à charge, sans réalisation d'une enquête administrative, et il n'a pas été avisé qu'il encourait la révocation ;

- tant l'avis du conseil de discipline, non communiqué à l'intéressé, que l'arrêté litigieux, sont entachés d'un défaut de motivation ;

- la sanction repose sur des faits dont la matérialité n'est pas établie, et dont l'administration n'a pas contrôlé la véracité, en dépit du profil particulier de la stagiaire en cause ;

- la sanction est disproportionnée par rapport aux faits en cause.

Par une ordonnance du 29 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au

29 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint technique des établissements d'enseignement du cadre Etat, ayant pris ses fonctions en 2004 et étant affecté depuis 2018 au lycée C... en qualité de cuisinier, a fait l'objet en 2019 d'une procédure disciplinaire à la suite de la plainte d'une stagiaire qui avait fait état de ses gestes et propos inappropriés à son égard. A l'issue du conseil de discipline qui s'est tenu le 17 septembre 2019, et qui a émis un avis favorable à la sanction de révocation à la majorité de huit voix sur dix participants, le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie a, par arrêté du 26 septembre 2019, prononcé cette sanction. M. A... a dès lors saisi le tribunal administratif de la Nouvelle Calédonie d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, mais le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 12 novembre 2020 dont il relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, M. A... soutient de nouveau en appel que la sanction litigieuse aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le conseil de discipline n'aurait pas été précédé par l'établissement d'un rapport décrivant les faits reprochés et les circonstances dans lesquels ils se sont produits, en méconnaissance de l'article 2 du décret n°84-961 du

25 octobre 1984, que l'avis du conseil de discipline ne lui aurait pas été communiqué, qu'il n'en connaitrait pas le sens qui ne serait pas non plus mentionné dans l'arrêté attaqué et qu'il aurait dès lors été privé de la possibilité de saisir la commission de recours, que la procédure aurait été menée exclusivement à charge, sans réalisation d'une enquête administrative, et qu'il n'aurait pas été avisé qu'il encourait la révocation, et enfin que l'avis du conseil de discipline et l'arrêté litigieux seraient entachés d'un défaut de motivation. Toutefois, ces moyens ne peuvent qu'être rejetés, par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis, s'ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction, et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour prononcer la sanction de révocation contestée, le vice-recteur s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait eu des gestes inappropriés et tenu des propos à connotation sexuelle à l'encontre d'une élève mineure réalisant son stage au sein de la cuisine de l'établissement où il exerçait. Si M. A... conteste avoir tenu des propos à caractère sexuel, il ressort toutefois du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline qu'il a bien, à plusieurs reprises, eu des gestes consistant en des tapes sur les fesses de l'élève en cause, sans que le caractère inapproprié d'un tel geste, effectué par un adulte, puisse être nié ou atténué par le fait qu'il se serait agi d'un " jeu ". De plus, s'il conteste le caractère systématique d'une telle pratique à l'égard de la stagiaire en cause, il reconnait néanmoins au début de son audition avoir eu de tels gestes à deux reprises, convenant en fin d'audition qu'ils ont pu avoir lieu " deux à trois fois ", et, ainsi, il ne s'agissait donc pas d'un fait à caractère isolé. Dès lors, si la matérialité des faits n'est pas établie en ce qui concerne les propos licencieux qu'il aurait chuchotés à cette élève, elle l'est en revanche en ce qui concerne les gestes déplacés qu'il a eus à son encontre, sans qu'il puisse faire utilement état à cet égard du profil et de la fragilité psychologique de cette élève, la réalité des gestes ayant été reconnus par lui. Par ailleurs, ces faits revêtent, à l'évidence, un caractère fautif, aggravé par la circonstance, relevée dans la décision litigieuse, que la victime de ces faits était placée sous l'autorité du requérant, et ils sont de nature à justifier que soit prononcé une sanction disciplinaire.

5. De plus si, pour tenter d'établir que la sanction retenue serait disproportionnée par rapport aux faits, M. A... invoque ses bons états de service, dont il justifie par les commentaires élogieux sur son travail qu'il produit, il ressort en revanche des pièces du dossier qu'il avait fait antérieurement l'objet d'une autre procédure disciplinaire, à l'issue de laquelle lui avait été infligée, le 5 septembre 2018, la sanction de déplacement d'office, pour des faits d'agressivité à l'égard d'un supérieur hiérarchique. Or si, comme il le fait valoir, de tels faits différent de ceux en cause dans le présent litige, ils révèlent également une difficulté à se contrôler et à adopter un comportement approprié, et cette sanction précédente peut être prise en considération pour apprécier la manière de servir de l'intéressé. Par ailleurs il ressort également du compte-rendu d'audition de M. A... devant le conseil de discipline, dont il n'apparait nullement que la séance se serait déroulée exclusivement " à charge " comme il le fait valoir, qu'il n'a aucunement pris conscience de la gravité de son geste et de son caractère répréhensible, indiquant en effet que " il joue comme cela avec tout le monde ", en le répétant à deux reprises. Il fait de même valoir que " il était dans le feu de l'action et cela lui prend souvent de toucher les gens " puis expose " qu'il assume ce qu'il a fait mais qu'il ne regrette pas ". Dès lors, et alors même qu'il y a lieu de prendre en compte, comme il le soutient, la nature des fonctions exercées, la sanction de révocation, pour laquelle le conseil de discipline a d'ailleurs émis un avis favorable à la majorité de huit votes sur dix participants, ne revêt pas de caractère disproportionné par rapport à la faute commise, même en ne retenant que les gestes déplacés et non les propos prêtés à l'intéressé.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Nouvelle Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2019 du vice-recteur de la

Nouvelle-Calédonie prononçant à son encontre la sanction disciplinaire de révocation. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au vice-recteur de la

Nouvelle-Calédonie.

Copie sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

M-I. D...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00673


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00673
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CLAVELEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-18;21pa00673 ?
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