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02/12/2022 | FRANCE | N°22PA00051

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 02 décembre 2022, 22PA00051


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

En premier lieu, le 10 décembre 2021, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de suspendre l'exécution de l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'

asile se soit prononcée sur sa demande d'asile, en application de l'article L. 752-5...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

En premier lieu, le 10 décembre 2021, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de suspendre l'exécution de l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile se soit prononcée sur sa demande d'asile, en application de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2126595 du 14 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

En deuxième lieu, le 6 janvier 2022, M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, d'autre part, de suspendre l'exécution de cet arrêté dans l'attente du jugement.

Par une ordonnance n° 2200262, 2200263 du 17 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

I.- Par une requête enregistrée le 6 janvier 2022 sous le n° 22PA00051, et un mémoire en réplique enregistré le 25 février 2022, M. B..., représenté par Me Saligari demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2126595 du 14 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

3°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 22 juillet 2021 du préfet du Doubs jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur le recours en annulation qu'il a formé contre la décision du 10 février 2021 par laquelle l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande de protection internationale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Saligari de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

5°) en cas de refus d'admission à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son profit, de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le juge de première instance a insuffisamment motivé son ordonnance et n'a pas procédé à un examen personnel de sa situation ;

- sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 22 juillet 2021 du préfet du Doubs n'est pas tardive, contrairement à ce qui a été jugé par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

- la suspension est justifiée dès lors que l'arrêté du 22 juillet 2021 méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 8 de cette même convention et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable, à titre subsidiaire, qu'elle est devenue sans objet et à titre infiniment subsidiaire, qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

II.- Par une requête enregistrée le 17 mars 2022 sous le n° 22PA01255, et un mémoire en réplique enregistré le 17 juin 2022, M. B..., représenté par Me Saligari demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance n° 2200262, 2200263 du 17 février 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfecture compétente de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfecture compétente de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Saligari de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

6°) en cas de refus d'admission à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son profit, de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait, d'erreurs de droit et de défaut d'examen de sa situation ;

- sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2021 n'est pas tardive ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet des conclusions aux fins d'annulation de son arrêté du 22 juillet 2021 et au non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté.

Il soutient à titre principal, que la demande de M. B... devant le tribunal était tardive et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par deux décisions des 6 mai et 8 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demandes d'aide juridictionnelle de M. B....

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Delrieu, substituant Me Saligari, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe né le 26 novembre 1981, a présenté au tribunal administratif de Paris une demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile se soit prononcée sur sa demande d'asile, en application de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a également présenté à ce même tribunal une seconde demande, tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2021 du préfet du Doubs et, d'autre part, à la suspension de l'exécution de cet arrêté. M. B... relève appel du jugement en date du 14 décembre 2021 et de l'ordonnance du 17 février 2022, par lesquels le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées nos 22PA00051 et 22PA01255, présentées par M. B..., concernent la situation d'une même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur les demandes d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

3. Par deux décisions des 6 mai et 8 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demande d'aide juridictionnelle de M. B.... Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 22 juillet 2021 du préfet du Doubs :

4. Aux termes de l'article L. 753-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, demander au président du tribunal administratif de suspendre l'exécution de l'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. "

5. Par une décision lue en audience publique le 10 mars 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours que M. B... avait introduit contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 février 2021 rejetant sa demande d'asile. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la Cour ordonne la suspension de l'exécution de l'arrêté du 22 juillet 2021 en application des dispositions précitées de l'article L. 753-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont plus d'objet. Au demeurant, M. B... a saisi, le 14 décembre 2021, la Cour européenne des droits de l'homme, en application de l'article 39 de son règlement intérieur, afin d'obtenir la suspension de la mesure d'éloignement en litige, et le 16 décembre 2021, la Cour a fait droit à sa demande jusqu'au 7 janvier 2022, cette mesure ayant été prorogée jusqu'à nouvel ordre le 6 janvier 2022.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2022 du préfet du Doubs :

6. Aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure.

Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5. ". Aux termes du II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code. "

7. M. B... fait valoir que la notification de l'arrêté du 22 juillet 2021 par courrier en recommandé avec accusé de réception, présenté à son domicile le 26 juillet 2021 mais qu'il n'a pas retiré, ne pouvait pas faire courir le délai de recours de quarante-huit heures fixé par les dispositions précitées. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été remis à M. B... en mains propres lors de son placement en rétention administrative, le 9 décembre 2021, comme en atteste le fait que l'intéressé l'a ensuite produit à l'appui de sa demande, introduite devant le tribunal administratif de Paris le

10 décembre 2021, tendant à la suspension sur le fondement de l'article L. 753-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'à l'appui de sa demande de suspension présentée le 14 décembre 2021 devant la Cour européenne des droits de l'homme. Dès lors, le délai de recours de quarante-huit heures contre cet arrêté a commencé de courir, au plus tard, le 10 décembre 2021, et était expiré à la date à laquelle M. B... a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à son annulation, le 6 janvier 2022.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à sa plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 14 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

22 juillet 2021 du préfet du Doubs.

Sur les frais liés aux instances :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées par M. B... dans les deux requêtes, tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ni sur les conclusions de la requête n° 22PA00051 tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 22 juillet 2021 du préfet du Doubs.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 décembre 2022.

La rapporteure,

C. C...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 22PA00051, 22PA01255 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00051
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SALIGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-02;22pa00051 ?
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