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05/12/2022 | FRANCE | N°21PA01578

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 décembre 2022, 21PA01578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 2008759/2-2 en date du 5 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 7 août 2019 du préfet de police, lui a enjoint de délivrer sans délai une autorisation

provisoire de séjour à Mme A... D... et de réexaminer sa situation dans le délai de d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 2008759/2-2 en date du 5 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 7 août 2019 du préfet de police, lui a enjoint de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à Mme A... D... et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme A... D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mars 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2008759/2-2 du 5 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la requête présentée par Mme A... D... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

- la circonstance que les signatures des trois médecins aient été apposées sous forme de fac-similés ne suffit pas à caractériser un vice de procédure ;

Sur les autres moyens soulevés en première instance par Mme A... D... :

- l'arrêté du 7 août 2019 a été prise par une autorité compétente ;

- le préfet ne s'est pas cru lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII n'est entaché d'aucun vice de procédure ;

- l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours ;

- la décision fixant le pays de renvoi est légal en raison de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2021, Mme A... D..., représenté par Me Maillard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;

Sur les moyens communs aux décisions refusant un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :

- les décisions sont entachées d'un vice de procédure dès lors que ni l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, ni les informations sur lesquelles s'est fondé le collège de médecins ne lui ont été communiqués et qu'ainsi, il incombe à l'administration de prouver que l'avis médical comporte les mentions requises par l'arrêté du 27 décembre 2016, que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins, que l'avis a été émis à l'issue d'une délibération collégiale unique, et qu'il n'a pas été signé par des autorités compétentes ;

- elles sont entachées d'un vice de procédure dès lors que l'avis médical émis par le

collège de médecins de l'OFII n'est ni authentique ni intègre, que les signatures apposées sur l'avis sont illisibles, qu'en tant que fac-similés numérisés, elles n'ont pas été apposées selon un procédé fiable d'identification et qu'elles sont irrégulières au regard des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005, de l'article 1367 du code civil, de l'article 1er du décret du 28 septembre 2017 et de l'article 26 du règlement (UE) n° 910-2014 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 23 juillet 2014 ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un

défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du

séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il lui est impossible de bénéficier

effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie au Maroc ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé en situation de

compétence liée vis-à-vis de l'avis médical émis par le collège de médecins de l'OFII ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du

séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation

personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

Mme A... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 24 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., ressortissante marocaine, née le 15 février 1960 et entrée en France le 27 octobre 2011 selon ses déclarations, a sollicité le 10 juillet 2019 le renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 7 août 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 5 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de Mme A... D..., cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 24 novembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 425-9 de ce code: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 425-13 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". En outre, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Enfin, l'article 6 de ce même arrêté dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, le Tribunal administratif de Paris a estimé que la signature des trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ayant rendu son avis le 18 juin 2019 présente un caractère irrégulier dès lors que le recours à des fac-similés de signatures ne permet pas d'identifier les auteurs de l'avis et de garantir l'authenticité du document. Toutefois, les signatures apposées sur l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, qui n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, ne sont pas des signatures électroniques. Si Mme A... D... fait valoir que la signature des trois médecins présenterait un caractère irrégulier dès lors que le préfet de police a produit deux avis différents et qu'il n'est pas établi que les trois médecins aient réellement siégé au sein du collège, leurs signatures étant illisibles sur le premier avis produit, elle n'apporte aucun élément de nature à faire douter de ce que l'avis a bien été rendu par ses auteurs. En tout état de cause, le préfet de police a également produit le bordereau de transmission de l'avis par l'OFII, dont il ressort que l'avis du 18 juin 2019 a été établi après délibération d'un collège constitué de trois médecins, correspondant aux trois docteurs dont l'identité est précisée sur le premier avis. Ainsi, aucun élément du dossier ne permet de douter que les trois médecins signataires, dont l'identité est précisée, n'auraient pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII et que ces signatures ne seraient pas authentiques. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 août 2019 au motif qu'il aurait méconnu les dispositions rappelées au point 3. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... D... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par Mme A... D... :

En ce qui concerne l'arrêté du 7 août 2019 dans son ensemble :

6. Par un arrêté du 29 juillet 2019, publié au Bulletin officiel de la ville de Paris du 2 août 2019, le préfet de police a donné à Mme F... C..., attachée d'administration de l'Etat, signataire de l'arrêté en litige, délégation pour signer les actes, notamment en matière de police des étrangers. Le préfet de police produit un exemplaire signé de l'arrêté en cause. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 7 août 2019 doit donc être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions refusant un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :

S'agissant de la régularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII :

7. En premier lieu, l'avis du collège de médecins de l'OFII du 18 juin 2019 a été produit par le préfet de police et comporte les mentions prévues par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité. Si la requérante soutient que cet avis aurait dû lui être communiqué antérieurement par le préfet, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'arrêté du 27 décembre 2016, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au préfet de procéder à une telle communication. Par suite, ce premier moyen doit être écarté.

8. En deuxième lieu, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'avis du collège de médecins de l'OFII est émis au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'OFII et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Toutefois, aucune disposition, ni aucun principe n'imposent que cet avis mentionne les informations disponibles sur lesquelles le collège s'est appuyé pour statuer sur les possibilités de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé, ni que le préfet communique la fiche " Themis " d'instruction de la demande. Par suite, ce deuxième moyen ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, le directeur général de l'OFII a désigné par une décision du 17 janvier 2017 modifiée par une décision du 7 juin 2019 les médecins participant au collège, dont les trois médecins qui y ont siégé lors de sa séance du 18 juin 2019. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, les conditions de composition du collège posées par les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont bien été respectées. Par suite, ce troisième moyen doit être écarté.

10. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, les signatures apposées sur l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, qui n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, ne sont pas des signatures électroniques. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article 1367 du code civil, du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 et du décret du 28 septembre 2017, ainsi que des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, qui renvoient au I de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives est inopérant. Par suite, ce quatrième moyen doit être écarté.

11. En cinquième lieu, l'avis du collège de médecins du 18 juin 2019 comporte les noms lisibles des trois médecins qui l'ont rédigé, au nombre desquels ne figurait pas le médecin ayant établi le rapport médical, et porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Mme A... D... ne se prévaut d'aucune circonstance particulière permettant de remettre en cause le caractère collégial de l'avis médical. En tout état de cause, le préfet de police a également produit le bordereau de transmission de l'avis par l'OFII, dont il ressort que l'avis du 18 juin 2019 a été établi après délibération d'un collège constitué de trois médecins, correspondant aux trois docteurs dont l'identité est précisée sur le premier avis. Par suite, ce dernier moyen ne peut qu'être écarté.

12. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la requérante, la procédure d'avis du collège de médecins de l'OFII n'est pas entachée d'irrégularité.

S'agissant de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

13. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Mme A... D... soutient que le préfet de police a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La requérante se prévaut de l'intensité et de la stabilité de ses liens familiaux sur le territoire français, de sa pleine intégration dans la société française, de sa présence sur le territoire depuis 2011 ainsi que de celle de ses sœurs et neveux et nièces, de sa situation régulière depuis 2014. Elle produit à cet effet des attestations de ses deux sœurs, neveux et nièces afin d'établir la réalité de ses attaches familiales en France et l'existence d'un soutien familial important dans le cadre de sa pathologie, sa sœur la prenant notamment intégralement en charge. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les parents de Mme A... D... sont décédés, qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France. En outre, elle n'établit pas être dépourvue de toutes attaches au Maroc où résident son frère et trois de ses sœurs, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 51 ans. Dans ces conditions, Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, ce moyen doit être écarté.

15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation de Mme A... D.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de police ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

16. En premier lieu, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi et l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que Mme A... D... est célibataire, sans charge de famille et n'est pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 47 ans, que le fait que ses deux sœurs résideraient en France ne lui confère aucun droit au séjour au regard de la législation en vigueur et que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de titre de séjour et doit être regardé comme suffisamment motivé, alors même que toutes les indications relatives à la situation privée et familiale de Mme A... D... n'y sont pas mentionnées. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision doit être écarté comme manquant en fait.

17. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet de police se serait senti lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII dès lors notamment qu'il ressort des termes mêmes de la décision que le préfet a procédé à l'examen de la situation administrative et personnelle de Mme A... D.... Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant à tort en situation de compétence liée et de ce qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... D... doivent être écartés.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° : A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

19. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... est atteinte d'une néoplasie de l'endomètre stade III c nécessitant un suivi régulier en milieu hospitalier. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour accordé à Mme A... D... en raison de son état de santé, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du 18 juin 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si l'état de santé de Mme A... D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque. Mme A... D... soutient, toutefois, qu'elle ne pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Maroc eu égard d'une part aux dysfonctionnements de la prise en charge des cancers au Maroc et d'autre part à l'indisponibilité d'une substance active relevant de son traitement.

20. D'une part, si la requérante produit, pour établir que le suivi qui lui est nécessaire n'est pas disponible au Maroc, deux certificats médicaux du 23 juin 2020, l'un attestant que Mme A... D... doit faire l'objet d'un suivi gynécologique réalisé en milieu hospitalier gynécologique spécifique et que l'ensemble de sa pathologie nécessite un suivi spécialisé dans un pays pouvant proposer cette offre de soins adaptée mais ne précisant pas que ce suivi n'est pas disponible dans son pays d'origine et l'autre précisant que le suivi de son cancer ne peut être effectué qu'en France, ces certificats médicaux sont postérieurs à la décision litigieuse. Il ne ressort pas des autres pièces du dossier, parmi lesquelles un certificat médical daté de 2014 établissant que la prise en charge de Mme A... D... ne pouvait avoir lieu au Maroc, dont la date ne permet cependant pas d'établir cette impossibilité à la date de la décision litigieuse, d'éléments permettant de remettre en cause l'avis du collège de médecins. Enfin, la production par la requérante de documents de l'association Lalla Salma de lutte contre le cancer, en lien avec le plan national de prévention et de contrôle du cancer 2010-2019, décrivant de manière générale les insuffisances du système de prise en charge des cancers au Maroc ne permet pas davantage d'établir qu'elle ne pourrait pas, à titre personnel, bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Ces documents sont insuffisamment circonstanciés pour établir que le suivi médical approprié à l'état de santé de Mme A... D... serait indisponible au Maroc où le préfet de police établit qu'il existe plusieurs structures spécialisées susceptibles de l'accueillir.

21. D'autre part, la requérante allègue que l'antispasmodique urinaire Toviaz qui lui est prescrit, dont la substance active est le Fesoterodine Fumarate, ne figure pas sur la liste nationale de médicaments et produits essentiels au Maroc et que, par suite, elle ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Maroc. Cependant, elle n'établit ni que le Toviaz lui soit prescrit pour le suivi de l'évolution de son cancer, ni que son traitement ne pourrait être remplacé par un autre disponible au Maroc. Dans ces conditions, le refus de titre contesté n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

22. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut, par voie de conséquence, qu'être écartée.

23. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".

24. Ainsi qu'il a été dit aux points 19 à 21, il ne ressort pas des pièces du dossier que la surveillance médicale de la pathologie de Mme A... D... et son traitement seraient indisponibles au Maroc. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

25. En premier lieu, dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de départ volontaire de droit commun prévu par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou ait justifié d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire une telle prolongation. La requérante ne soutient ni n'établit que tel soit le cas en l'espèce. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté comme manquant en fait.

26. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 25, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme A... D....

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

27. Les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut par voie de conséquence qu'être écartée.

28. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 août 2019 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce qu'il ait statué sur son cas et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement.

Sur les frais liés à l'instance :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle, en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au conseil de Mme A... D... de la somme qu'il demande au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2008759/2-2 du 5 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... D... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 3 : La demande de Mme A... D... présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. HO SI B...

Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01578


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01578
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-05;21pa01578 ?
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