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27/01/2023 | FRANCE | N°21PA04048

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 27 janvier 2023, 21PA04048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2018 l'affectant au parquet du tribunal judiciaire de Paris, d'enjoindre à l'Etat de procéder à la reconstitution de sa carrière et de régulariser sa situation administrative, et de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices subis à hauteur de la somme globale de 163 000 euros.

Par un jugement n° 1906009/5-2 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2021 et le 11 o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2018 l'affectant au parquet du tribunal judiciaire de Paris, d'enjoindre à l'Etat de procéder à la reconstitution de sa carrière et de régulariser sa situation administrative, et de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices subis à hauteur de la somme globale de 163 000 euros.

Par un jugement n° 1906009/5-2 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2021 et le 11 octobre 2021, Mme C..., représentée par Me Lebrun, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2018 l'affectant au parquet du tribunal

judiciaire de Paris ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à la reconstitution de sa carrière et de régulariser sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- le jugement ne comporte aucune signature en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est affecté d'une insuffisance de motivation dès lors que le tribunal n'explique pas en quoi Mme C... aurait été mise à même de demander communication de son dossier ;

- l'arrêté du 12 décembre 2018 portant affectation sur un poste au parquet du tribunal judiciaire qui impose un changement d'affectation constitue une sanction disciplinaire déguisée dès lors que cette mesure porte atteinte à la situation professionnelle de Mme C... et illustre l'intention punitive de la part de l'administration ;

- la commission consultative paritaire devait être consultée avant l'affectation litigieuse et elle devait être mise à même de demander la communication de son dossier ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il méconnait les articles 21, 22 et 23 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle bénéficiait d'une expérience antérieure importante sur des postes au sein du cabinet du ministre de la justice sur lesquels elle avait fait l'objet d'une évaluation très positive au titre des années 2015, 2016 et 2017 ;

- il est entaché d'un vice de procédure et d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au

14 octobre 2022 à 12h00.

Un mémoire présenté par Mme C... a été enregistré le 13 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., adjointe administrative du ministère de la justice, a été détachée auprès des services du Premier ministre à compter du 17 octobre 2017. Son détachement n'ayant pas été renouvelé, elle a été réintégrée au sein du ministère de la justice par arrêté du

17 octobre 2018, à compter de cette date, sur un " poste générique " avant d'être affectée au parquet du tribunal judiciaire de Paris à compter du 10 décembre 2018 par arrêté du

12 décembre 2018. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2018 et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale de 163 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort de la minute du jugement, communiquée aux parties, que cette décision a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Elle comporte ainsi l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. L'absence de telles signatures sur l'ampliation du jugement notifiée aux parties est par ailleurs sans incidence sur la régularité de celui-ci.

3. En second lieu, contrairement à ce que soutient Mme C..., le jugement attaqué qui mentionne au point 5 que : " Mme C... a été informée par lettre du

27 novembre 2018 de son affectation au sein du parquet du tribunal judiciaire à compter du

10 décembre 2018. Par suite, la requérante a été mise à même de demander en temps utile la communication de son dossier et de présenter ses observations " apporte suffisamment de précision concernant la possibilité pour la requérante de demander la communication de son dossier.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. / (...) lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions. ". D'autre part, aux termes de l'article 22 du décret du 16 septembre 1985 : " Trois mois au moins avant l'expiration du détachement de longue durée, le fonctionnaire fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement du détachement ou de réintégrer son corps d'origine. A l'expiration du détachement, dans le cas où il n'est pas renouvelé par l'administration ou l'organisme d'accueil pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice des fonctions, le fonctionnaire est réintégré immédiatement et au besoin en surnombre dans son corps d'origine, par arrêté du ministre intéressé, et affecté à un emploi correspondant à son grade " et aux termes de l'article 23 de ce même décret : " Si le fonctionnaire n'a pas fait connaître sa décision dans le délai mentionné à l'alinéa 1er de l'article 22 du présent décret, il est obligatoirement réintégré, par arrêté du ministre intéressé, à la première vacance, dans son corps d'origine et affecté à un emploi correspondant à son grade. Si le fonctionnaire a fait connaître sa décision de solliciter le renouvellement de son détachement dans le délai mentionné à l'alinéa 1er de l'article 22 et que l'administration ou l'organisme d'accueil n'a pas fait connaître sa décision de refuser le renouvellement du détachement dans le délai mentionné au deuxième alinéa de cet article, elle continue à rémunérer le fonctionnaire jusqu'à sa réintégration par arrêté du ministre intéressé, à la première vacance, dans son corps d'origine. Le fonctionnaire a priorité, dans le respect des règles fixées aux deux derniers alinéas de l'article 60 de la loi du

11 janvier 1984 susvisée, pour être affecté au poste qu'il occupait avant son détachement. S'il refuse le poste qui lui est assigné, il ne peut être nommé à un autre emploi que dans le cas où une vacance est ouverte". Enfin, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., en détachement auprès des services du Premier ministre du 17 octobre 2017 au 16 octobre 2018, a par un courriel du

27 juillet 2018, informé son administration d'origine afin de connaître la procédure à suivre pour sa réintégration. Par un courriel du 17 août 2018, l'administration lui a conseillé de s'inscrire dans le cadre de la mobilité des adjoints administratifs organisée le 15 octobre 2018, afin de bénéficier d'un large choix de poste. Par un courriel du 22 août 2018, Mme C... a présenté sa demande de réintégration en formulant trois vœux d'affectation au sein des services du ministère de la justice. Par un courriel du 5 septembre 2018, le ministère de la justice a conseillé à Mme C... de compléter sa liste de voeux, dès lors que les trois vœux déjà sollicités correspondaient en réalité au même poste, de sorte qu'elle n'avait effectué qu'un seul vœu. Lors de la commission administrative paritaire du 15 octobre 2018, Mme C... n'a pas obtenu d'affectation sur les postes sollicités. Elle a alors été réintégrée au sein du ministère de la justice par arrêté du 17 octobre 2018 sur un " poste générique " puis par arrêté du 12 décembre 2018 affectée au parquet du tribunal judiciaire de Paris à compter du 10 décembre 2018.

6. En premier lieu, Mme C... ayant informé son administration d'origine de son intention de réintégrer le ministère de la justice au plus tôt le 27 juillet 2018, sa réintégration relevait des dispositions du premier alinéa de l'article 23 du décret du 16 septembre 1985 qui prévoient que le fonctionnaire est obligatoirement réintégré à la première vacance, dans son corps d'origine et affecté à un emploi correspondant à son grade.

7. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'exige la consultation de la commission administrative paritaire sur les affectations de fonctionnaires réintégrés dans leur corps à l'expiration d'un détachement. Par suite, l'affectation de Mme C... au parquet du tribunal judiciaire de Paris décidée, après sa réintégration à l'expiration d'un détachement, sur un emploi du corps auquel elle appartient et qui au demeurant n'entraine aucun changement de résidence ne constitue pas une mutation. Par suite, cette affectation a pu intervenir sans être au préalable soumise à la commission administrative paritaire.

8. En troisième lieu, Mme C... reprend ses moyens de première instance tirés du défaut de motivation et de l'absence de procédure contradictoire. Eu égard à ce qui a été rappelé aux points 5 et 6, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

9. En quatrième lieu, Mme C... soutient qu'elle ne pouvait être réintégrée sur un autre poste que celui d'assistante au sein du cabinet du ministre de la justice sur lequel elle était affectée avant son détachement et qu'elle occupait depuis le 1er janvier 2013, dont elle allègue qu'il était vacant. Toutefois, si Mme C..., en position de détachement depuis le

17 octobre 2017, était en droit de prétendre à sa réintégration dans son corps d'origine à compter du 18 octobre 2018, elle n'avait aucun droit à retrouver, compte tenu de son détachement de longue durée, le poste qu'elle occupait avant son détachement et ne pouvait bénéficier de la priorité qu'instaurent les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article 23 du décret du 16 septembre 1985, elle devait seulement être réintégrée à la première vacance, dans son corps d'origine et affectée à un emploi correspondant à son grade.

10. En cinquième lieu, si un changement d'affectation constitue une sanction disciplinaire déguisée dès lors qu'on peut identifier une intention punitive de la part de l'autorité administrative ainsi qu'une atteinte à la situation professionnelle de l'agent notamment en termes de responsabilité et de modification des tâches, les circonstances invoquées d'une part, que le taux de l'indemnité de fonctions de sujétions et d'expertise (IFSE) est plus élevé en administration centrale, la requérante ayant toutefois bénéficié du maintien de ce taux d'indemnité lors de sa réintégration, d'autre part, que les fonctions exercées au sein du parquet du tribunal judiciaire exigent des connaissances techniques et juridiques en droit pénal et financier et que la gestion des archives impliquent le port de charges relativement lourdes et enfin que le poste sur lequel elle a été affectée n'était que provisoirement vacant, ne sont pas de nature à révéler la volonté d'une sanction déguisée ou un comportement de harcèlement au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, Mme C... ayant été réintégrée dans son corps d'origine sur un emploi correspondant à son grade. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'arrêté attaqué révélerait une intention de nuire à l'intéressée et porterait atteinte à sa situation professionnelle au regard de son statut et des droits ou avantages qui s'y rattachent. Par suite,

Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté d'affectation sur l'emploi litigieux serait constitutif d'une sanction disciplinaire déguisée. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de la violation des règles applicables aux procédures en matière disciplinaire prévues aux articles 67 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 et 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 est inopérant. Par suite, le moyen tiré d'un détournement de procédure révélant un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2023.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04048
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : LEBRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-27;21pa04048 ?
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