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27/01/2023 | FRANCE | N°22PA02328

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 27 janvier 2023, 22PA02328


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2201953 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistr

ée le 20 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Cochet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2201953 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Cochet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 avril 2022, ensemble l'arrêté du préfet de police du 24 décembre 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quatre jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet était tenu, pour lui refuser le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir préalablement pour avis la commission du titre de séjour ;

- les modalités pratiques du renouvellement de son titre de séjour salarié ne peuvent fonder le refus dès lors qu'elles ne sont pas substantielles ;

- le refus de séjour, ensemble la mesure d'éloignement, est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que fonder un refus de titre de séjour sur l'absence d'utilisation de l'adresse mail fournie est disproportionné ;

- le refus de séjour a été adopté en méconnaissance de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est à tout le moins entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- cette décision méconnaît les article L. 421-1 et L. 421-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le délai de trente jours qui lui a été accordé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivé et entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la situation géopolitique en Géorgie fait obstacle à son retour dans ce pays.

Le préfet de police a produit un mémoire en défense qui a été enregistré le 4 janvier 2023, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 23 janvier 1982 à Kharagauli, est entrée en France le 30 octobre 2017 sous couvert d'un visa long séjour " étudiant " avant de se voir munie d'un titre de séjour en qualité d'étudiante valable jusqu'au 30 septembre 2020. Le 1er septembre 2020, elle a sollicité son changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour mention " salarié ", avant de demander le 28 septembre 2021 le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ". Par un arrêté du 24 décembre 2021, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Par sa requête, Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, pour refuser de délivrer à Mme B... le titre de séjour salarié qu'elle a sollicité sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre d'un changement de statut, le préfet de police a relevé que sa demande n'avait pas été suivie d'effet dès lors que son rendez-vous prévu pour le 28 septembre 2020 avec le service de l'immigration professionnelle afin de présenter sa demande avait été déprogrammé le 2 septembre précédent en raison des mesures de lutte contre la Covid-19 décidées par le gouvernement, et qu'il lui avait été proposé de transmettre sa demande par voie dématérialisée ou de présenter toute question par ce biais, sans qu'elle le fasse. Mme C..., qui ne conteste pas ne pas avoir saisi les services préfectoraux afin de leur permettre d'examiner sa demande, n'apporte aucun élément de nature à établir que le refus opposé par le préfet de police serait, à ce titre, entaché d'illégalité.

3. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 425-9 de ce code, ne peut qu'être écarté comme inopérant dès lors que Mme B..., qui ne s'est pas prévalue de problèmes de santé, n'a pas sollicité de titre de séjour " vie privée et familiale " sur leur fondement.

4. En troisième lieu, si l'appelante soutient que le préfet était tenu, pour lui refuser le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir préalablement pour avis la commission du titre de séjour, il résulte de ce qui précède qu'elle n'a pas sollicité de titre de séjour " vie privée et familiale " en sorte que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si Mme B..., qui est entrée en France au mois d'octobre 2017, soutient qu'elle est bien intégrée sur le territoire national pour y avoir étudié et suivi des cours de langue française, elle n'y justifie toutefois d'aucune attache familiale cependant qu'elle n'établit pas être dépourvue de telles attaches en Géorgie, pays qu'elle n'a quitté, à l'âge de trente-cinq ans, que quatre ans auparavant. La circonstance qu'elle travaillait comme aide-ménagère depuis trois ans à la date de l'arrêté attaqué ne justifie pas, à elle seule, que le centre de la vie privée et professionnelle de Mme B... serait constitué en France. Par suite, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ou des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, l'appelante ne peut en tout état de cause pas utilement exciper de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constitue pas l'un des fondements de sa demande de titre.

7. En cinquième lieu, il ne résulte pas des circonstances de fait qui viennent d'être exposées que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus de titre de séjour sur la situation personnelle de Mme B....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, compte tenu de ce qui été dit au point 2, le moyen tiré d'un vice de procédure doit, en tout état de cause, être écarté.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de séjour que le moyen tiré du défaut de base légale de la mesure d'éloignement en conséquence de l'illégalité de cette première décision n'est pas fondé.

10. En troisième lieu, Mme B... renouvelle, dans les mêmes termes, le moyen soulevé devant les premiers juges et tiré de ce qu'elle ne pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement pour avoir droit à un titre de séjour en application de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal aux points 8 et 9 de son jugement.

11. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, l'obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

13. D'une part, en octroyant à Mme B... le délai de droit commun pour exécuter l'obligation de quitter le territoire qu'il a prononcée contre elle, le préfet n'avait pas à faire état d'une motivation particulière, en sorte que le moyen tiré du défaut de motivation de ce délai ne peut qu'être écarté.

14. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelante se serait prévalue d'une circonstance de nature à lui valoir, à titre exceptionnel, une prolongation de ce délai de droit commun, le fait qu'elle travaille comme aide-ménagère ne constituant pas à lui seul, en tout état de cause, un motif de nature à lui valoir droit, à titre exceptionnel, à une prolongation de ce délai. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en assortissant la mesure d'éloignement d'un délai de trente jours pour l'exécuter ne peut, par suite, qu'être écarté.

15. En sixième lieu, les développements de Mme B... sur la situation géopolitique de la Géorgie ne viennent étayer aucun moyen. A supposer même, qu'ils doivent être regardés comme tendant à lui obtenir le bénéfice de la protection prévue à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'est pas établi, par les pièces versées au dossier, que l'appelante encourait un quelconque risque personnel dans l'hypothèse d'un retour dans son pays d'origine.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 24 décembre 2021. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2023.

Le rapporteur,

G. A...

La présidente,

H. VINOTLa greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

N° 22PA0232802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02328
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : COCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-27;22pa02328 ?
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