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16/02/2023 | FRANCE | N°22PA00866

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 16 février 2023, 22PA00866


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une la mesure d'éloignement.

Par jugement n° 2114696/5-2 du 30 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 f

évrier 2022, Mme B..., représentée par Me Charles, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une la mesure d'éloignement.

Par jugement n° 2114696/5-2 du 30 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2022, Mme B..., représentée par Me Charles, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2114696/5-2 du 30 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivés ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est entaché d'un vice de procédure ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation de son état de santé ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour conduit à une rupture d'égalité par rapport à la situation de sa sœur qui souffre de la même pathologie ;

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 23 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été rendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Charles, avocat de Mme B... .

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 16 octobre 1992 est entrée en France le 10 juillet 2019 selon ses déclarations. Le 30 septembre 2020, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 17 février 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par jugement n° 2114696/5-2 du 30 septembre 2021, dont Mme B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, Mme B... invoque les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivés et que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation. Toutefois, elle n'apporte à l'appui de ces moyens, déjà soulevés devant le Tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges. Il y a dès lors lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par ces derniers au point 2 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes des deux derniers alinéas de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

4. Le préfet de police produit l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 janvier 2021 lequel mentionne expressément qu'il a été rendu " après en avoir délibéré " et est signé des trois médecins qui composaient le collège ce qui atteste, en l'absence de tout élément contraire, du caractère collégial de l'avis rendu sans que le préfet de police ait à produire la preuve de l'existence d'une délibération par visio ou téléconférence contrairement à ce que soutient Mme B.... Par ailleurs, aucun texte n'impose que le sens du délibéré de chacun des médecins doive figurer dans la procédure pour s'assurer que le collège des médecins a effectivement décidé à la majorité. Par suite, le moyen selon lequel l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration serait entaché d'un vice de procédure s ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 10° du même code dans sa numérotation alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une affection neurologique chronique rare une neuromyélite optique ou maladie de Devic qui est invalidante et responsable d'une cécité complète et d'un syndrome médullaire sensitif. Pour rejeter sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 18 janvier 2021 émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indiquant que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement effectif et approprié dans son pays d'origine vers lequel son état de santé lui permet de voyager sans risque. Mme B... conteste la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié en Côte d'Ivoire à savoir du médicament Imurel qu'elle prend et se prévaut du certificat médical établi le 12 mars 2021, soit postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, par le docteur C... du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingt qui précise que " son état nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins dans son pays d'origine, la patiente ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié ". Toutefois, s'il est constant que la pathologie de l'intéressée n'a pas pu être diagnostiquée en Côte d'Ivoire dès lors qu'elle nécessitait des investigations pointues, en revanche, cette circonstance ainsi que les certificats médicaux précités ne permettent pas d'établir que l'Imurel ne serait pas disponible dans ce pays alors, par ailleurs, que si le laboratoire qui commercialise ce médicament indique, dans le courrier du 31 mars 2021, qu'il n'a pas reçu d'autorisation d'utilisation dans ce pays, il mentionne qu'il est néanmoins disponible avec une autorisation spéciale.

8. En outre, si la requérante soutient que la commercialisation d'un traitement aussi coûteux est inenvisageable pour un individu isolé, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations permettant d'en établir le bien-fondé. De plus, Mme B... ne produit aucune pièce permettant d'établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement aux effets équivalents à l'Imurel ni que ce traitement ne serait pas substituable par d'autres molécules en se bornant à se prévaloir de la situation du système de santé ivoirien. Par ailleurs, si Mme B... fait valoir qu'elle ne pourrait avoir accès financièrement au traitement dont elle a besoin, alors qu'elle est aidée financièrement par sa sœur en France, cette circonstance ne fait, toutefois, pas obstacle à ce que cette aide financière se poursuive à distance. Par suite, il résulte de ce qui précède que les éléments produits par Mme B... ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lequel a considéré qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine. Les moyens selon lesquels le refus de titre de séjour attaqué méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'obligation de quitter le territoire français le 10° de l'article 511-4 du code ne peuvent qu'être écartés. Il ne résulte pas de ce qui précède que le préfet de police en prenant les décisions attaquées aurait entaché d'erreur son appréciation de l'état de santé de Mme B.... Enfin, la circonstance que la sœur de la requérante qui souffre de la même pathologie ait obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade n'est pas, à elle seule, de nature à établir qu'une rupture d'égalité aurait commise dans le traitement de leur situation dès lors que Mme B... se borne à se prévaloir de l'existence de la même pathologie sans apporter d'élément qui établirait que les situations des deux sœurs seraient comparables.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme B... se prévaut de sa présence en France depuis 2010, sans toutefois l'établir, et des liens qu'elle entretient avec sa sœur qui l'aide financièrement et affectivement au quotidien alors qu'elle est handicapée à 80 %. Toutefois, ces circonstances sont insuffisantes pour établir qu'en prenant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français attaqués, le préfet de police aurait porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ainsi pas été méconnues. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas davantage fondée à soutenir que ces décisions seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement n°2114696/5-2 du 30 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris. Les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme B... doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'elle a présentées à fin d'injonction et sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.

La rapporteure,

A. A... Le président,

F. HO SI FAT

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00866
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. HO SI FAT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CHARLES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-16;22pa00866 ?
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