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21/06/2023 | FRANCE | N°22PA05230

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 juin 2023, 22PA05230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police du 15 décembre 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2208207/8 du 28 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête e

nregistrée le 8 décembre 2022, M. E..., représenté par Me Maillard, demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police du 15 décembre 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2208207/8 du 28 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2022, M. E..., représenté par Me Maillard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour valable dix ans ou un titre de séjour temporaire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour durant la période de fabrication du titre ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour portant autorisation de travail ou une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont commis plusieurs erreurs d'appréciation ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreurs de fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour rejeter sa demande ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 10.1 f) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le motif tiré de la menace à l'ordre public n'est pas fondé et ne lui est pas opposable dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;

- la décision litigieuse viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et du fait qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée et a méconnu les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa situation personnelle a été insuffisamment appréciée ;

- elle viole l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 octobre 2022, M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Maillard, représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant tunisien né le 11 juillet 1981 et entré en dernier lieu en France, selon ses déclarations, le 2 mars 2007, muni de son passeport revêtu d'un visa Schengen, a bénéficié d'une carte de résident valable dix ans, du 11 avril 2007 au 10 avril 2017, en raison de son mariage avec une ressortissante italienne, dont il a divorcé le 6 janvier 2009. Il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 24 juillet 2019, le préfet de police de Paris a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Paris par un jugement du 24 septembre 2020, qui a également enjoint à l'autorité administrative de réexaminer sa demande. Dans ce cadre, M. E... a sollicité son admission au séjour sur le fondement du f) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Par un arrêté du 15 décembre 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois. Par un jugement du 28 juillet 2022 dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. E... soutient que le jugement est entaché d'erreurs d'appréciation, cette critique, qui ne pourrait avoir d'incidence que sur l'appréciation du bien-fondé des motifs retenus par le tribunal, est sans effet sur celle de la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, par les articles 6 et 10 de l'arrêté n° 2021-00991 du 27 septembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2021-505 de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme Catherine Kergonou, conseillère d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du neuvième bureau, pour signer tous actes relatifs à la police des étrangers, dans la limite de ses attributions, et en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, à Mme A... C..., attachée d'administration, placée sous son autorité. L'article 12 de l'arrêté n° 2021-00350 du 27 avril 2021 et son annexe prévoient que le neuvième bureau est chargé de l'instruction des décisions relatives aux demandes de titre de séjour notamment des ressortissants tunisiens. L'arrêté contesté du 15 décembre 2021 est signé par Mme C..., adjointe à la chef du neuvième bureau, qui bénéficiait d'une délégation régulière à cet effet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M. E... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle et de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'inexactitudes matérielles et commis une erreur de droit en se croyant en situation de compétence liée. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 3 à 6 de leur jugement.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien visé ci-dessus : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) f) Au ressortissant tunisien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ".

6. M. E... fait valoir qu'il remplit les conditions posées au f) de l'article 10 précité dès lors qu'il était en situation régulière depuis plus de dix ans à la date de la décision préfectorale attaquée, d'abord sous couvert d'un titre de séjour valable du 11 avril 2007 au 10 avril 2017 en qualité de conjoint de ressortissant de l'Union européenne puis sous couvert de récépissés de demande de renouvellement de titre de séjour du 10 avril 2017 à la date de l'arrêté litigieux du 15 décembre 2021. Toutefois, les récépissés produits par M. E... ne couvrent pas l'intégralité de cette période et comportent des interruptions de plusieurs mois entre le 18 octobre 2017 et le 10 avril 2018, puis entre le 12 décembre 2018 et le 1er mars 2019, périodes au cours desquelles M. E... ne justifie pas avoir été en situation régulière. Dans ces conditions, l'appelant n'établit pas qu'il remplissait, à la date de l'arrêté attaqué, les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du f) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988.

7. En quatrième lieu, aux termes l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

8. M. E... reprend en appel le moyen déjà soulevé devant les premiers juges, tiré de ce que la décision de rejet de sa demande de carte de résident méconnaîtrait les stipulations citées ci-dessus dès lors qu'il remplit la condition de dix ans de séjour régulier requise pour pouvoir prétendre à la délivrance de plein droit d'une telle carte, et qu'en conséquence le préfet ne pouvait lui opposer le motif tiré de ce que sa présence en France présentait une menace pour l'ordre public. Toutefois, le tribunal a relevé à bon droit que ces mêmes stipulations ne privaient pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant étranger en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public. Or, il ressort des pièces du dossier que M. E... a commis, le 2 octobre 2017, des faits de menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, outrage et rébellion, et qu'il a fait l'objet de quatre condamnations les 2 février 2009, 8 mars 2011, 7 décembre 2011 et 29 janvier 2014 par le tribunal de grande instance et la cour d'appel de Paris, statuant en matière correctionnelle, pour dégradation ou détérioration de biens, usage illicite de stupéfiants, vol et refus de se prêter à des prises d'empreintes digitales. Dans ces conditions, eu égard à la nature ainsi qu'au caractère répété des faits, à la condamnation à une peine d'emprisonnement de dix mois dont sept mois avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve pendant trois ans et même si les derniers faits commis par M. E... datent du 2 octobre 2017 et que la commission du titre de séjour a émis le 29 juin 2021 un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de police a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation ni d'erreur de droit au regard des stipulations précitées, que le comportement de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public et qu'il pouvait dès lors lui refuser l'admission au séjour pour ce motif.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

10. Si M. E... a épousé, le 10 juin 2006, une ressortissante italienne et obtenu en conséquence un titre de séjour valable dix ans du 11 avril 2007 au 10 avril 2017 en qualité de conjoint de ressortissante de l'Union européenne, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'ordonnance de non conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris qu'il s'est séparé de cette dernière le 30 octobre 2007, après seize mois de mariage, et que le divorce a été prononcé le 6 janvier 2009. Il était ainsi, à la date de la décision préfectorale attaquée, célibataire et sans charge de famille en France. Il ne justifie en outre pas qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Si les pièces qu'il produit sont de nature à établir sa résidence habituelle et continue en France depuis l'année 2007 et s'il soutient avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux dès lors que deux de ses frères, son oncle et sa mère vivent en France sous couvert de titres de séjour et qu'il s'est investi dans des actions bénévoles auprès de son voisinage, ces circonstances ne sont pas suffisantes, compte tenu en particulier de la menace pour l'ordre public que représente la persistance de son comportement délictueux, pour témoigner de liens en France d'une intensité telle que le préfet de police aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En sixième lieu, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé, doit être également écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, ne peut être qu'écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; / (...) ".

14. M. E... soutient qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans. Toutefois, comme il a été dit au point 6, il n'établit pas avoir résidé de manière régulière en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. En conséquence, le moyen tiré de la violation des dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

15. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 11, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

16. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, ne peut être qu'écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 et de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.".

18. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus au point 8 que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'une méconnaissance de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fonder son refus d'octroi d'un délai de départ volontaire sur la menace que le comportement de M. E... représentait pour l'ordre public et il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée pour édicter la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire à l'encontre de ce dernier.

19. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 11 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

20. Compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, tiré par voie d'exception de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut être qu'écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

21. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français, tiré par voie d'exception de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut être qu'écarté.

22. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

23. M. E..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, en se bornant à faire état de la présence en France de membres de sa famille. Pour fixer à trente-six mois la durée de cette interdiction, le préfet s'est notamment fondé sur la circonstance que l'intéressé représente une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a commis, le 2 octobre 2017, des faits de menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, outrage et rébellion, et qu'il a fait l'objet de quatre condamnations les 2 février 2009, 8 mars 2011, 7 décembre 2011 et 29 janvier 2014 par le tribunal de grande instance et la cour d'appel de Paris, statuant en matière correctionnelle, pour dégradation ou détérioration de biens, usage illicite de stupéfiants, vol et refus de se prêter à des prises d'empreintes digitales, et qu'il ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation personnelle aurait été insuffisamment appréciée, doit être écarté.

24. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...). ". Aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...). ".

25. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt C-141/12 et C-372/12 du 17 juillet 2014), que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par une autorité d'un État membre est inopérant. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu, garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu exercer une influence sur le contenu de la décision.

26. M. E... soutient qu'il n'a pas été informé préalablement de ce que la mesure d'éloignement était également susceptible d'être assortie d'une interdiction temporaire du territoire français. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. E... a été reçu le 23 août 2021 par un agent de la préfecture de police lors du dépôt de sa demande de titre de séjour et qu'il a pu à cette occasion présenter des observations. Il n'allègue par ailleurs pas qu'il aurait disposé d'informations nouvelles et pertinentes tenant à sa situation personnelle ou familiale qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la décision en litige et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à son édiction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement, ne peut qu'être écarté.

27. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés aux points 10, 11 et 23, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023.

La rapporteure,

G. B...La présidente,

M. D...

Le greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05230 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05230
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : MAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-21;22pa05230 ?
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