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26/06/2023 | FRANCE | N°22PA04112

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 26 juin 2023, 22PA04112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par une ordonnance n° 2204850 du 7 juillet 2022, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Levy, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'o

rdonnance n° 2204850 du 7 juillet 2022 du président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par une ordonnance n° 2204850 du 7 juillet 2022, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Levy, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2204850 du 7 juillet 2022 du président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision implicite du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le juge de première instance a rejeté sa demande comme irrecevable alors qu'elle était formée contre une décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour et que le préfet ne lui avait pas demandé, dans le délai d'un mois imparti par les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, les pièces manquantes à cette demande ;

- le préfet ne lui ayant pas communiqué les motifs de cette décision implicite dans le délai d'un mois imparti par les dispositions des articles L. 211-2 et L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, cette décision est insuffisamment motivée ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier, première conseillère, a été entendu.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant pakistanais, a sollicité, par un courrier en date du 27 septembre 2021, reçu le 28 septembre suivant, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision implicite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par une ordonnance du 7 juillet 2022, dont M. B... relève appel, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article R 222-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code (...) ". Aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, pour introduire valablement une demande de carte de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions définies par ces dispositions est applicable, que les intéressés se présentent physiquement à la préfecture. L'absence de comparution personnelle du demandeur n'a pas pour effet de retirer la qualité de demande à une démarche réalisée par la voie postale. Il n'est donc pas possible d'estimer que, dans une telle hypothèse, l'absence de demande n'a pu faire naître de décision de refus et donc, pour le juge, d'opposer une irrecevabilité manifeste à la requête critiquant le refus de titre. A défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait en effet naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, délai fixé par l'article R. 432-2 du même code, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auprès du préfet de la

Seine-Saint-Denis par un courrier du 27 septembre 2021 reçu par les services préfectoraux le 28 septembre suivant. En application des dispositions des articles R. 432- 1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence gardé par l'autorité préfectorale pendant quatre mois sur cette demande a fait naître, le 28 janvier 2022, une décision implicite de rejet. Par ailleurs, la seule circonstance que cette demande n'aurait pas comporté l'ensemble des pièces exigées par l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux rubriques 37 " CST portant la mention " vie privée et familiale " et 66 " Admission exceptionnelle au séjour " n'a pu faire obstacle à la naissance d'une décision implicite de rejet, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en application des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, invité l'intéressé à compléter sa demande ou aurait opposé en première instance le caractère incomplet de cette demande. Il suit de là qu'en jugeant que la demande de première instance de M. B... était manifestement irrecevable au motif qu'aucune décision implicite de rejet ne serait née du silence gardé par le préfet de la Seine-Saint-Denis pendant un délai de quatre mois sur sa demande de titre de séjour, faute d'avoir présenté une demande complète, et pouvait être rejetée par ordonnance sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a fait une inexacte application de ces dispositions. Il en résulte que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée du 7 juillet 2022.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité de la décision contestée :

7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'intervention, le 28 janvier 2022, de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, M. B... a sollicité auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis la communication des motifs de cette décision par un courrier reçu par les services préfectoraux le 14 février 2022. En l'absence de réponse à cette demande, M. B... est fondé à soutenir que cette décision implicite de rejet est, pour ce motif, entachée d'illégalité.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer les autres moyens soulevés par le requérant, que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision implicite de refus de séjour née le 28 janvier 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2204850 du 7 juillet 2022 du président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil et la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

F. HO SI FAT

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04112
Date de la décision : 26/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. HO SI FAT
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL LEVY AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-26;22pa04112 ?
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