La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2023 | FRANCE | N°22PA02958

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 juin 2023, 22PA02958


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 mars 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé sa demande de détachement auprès de l'Office français pour la biodiversité.

Par un jugement n° 2107035 du 2 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 28 juin 2022, 30 juin 2022 et 15 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Rio

u, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 2 mai 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 mars 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé sa demande de détachement auprès de l'Office français pour la biodiversité.

Par un jugement n° 2107035 du 2 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 28 juin 2022, 30 juin 2022 et 15 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Riou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 2 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 8 mars 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé sa demande de détachement auprès de l'Office français pour la biodiversité ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prononcer son détachement auprès de l'Office français pour la biodiversité, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, faute pour les juges de première instance d'avoir relevé d'office l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- en retenant qu'il était tenu à une obligation d'affectation de huit années consécutives en région Île-de-France, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision en litige du 8 mars 2021 a été signée par une autorité dont la compétence n'est pas établie ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Sa demande était prioritaire au regard de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 compte tenu de sa situation familiale. S'il était tenu à une obligation d'engagement au service de l'Etat pour une durée de quatre ans, aucune disposition législative et réglementaire, en particulier l'article 6 du décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004, n'imposait une obligation d'affectation en région parisienne de huit années consécutives ou ne s'opposait pendant cette période à l'exercice d'autres fonctions dans une autre région.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Riou, représentant M. B....

Une note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2023, a été présentée pour M. B... et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., nommé gardien de la paix stagiaire le 1er avril 2014, à la suite de sa réussite au concours à affectation régionale en Île-de-France, a sollicité son détachement auprès de l'Office français pour la biodiversité (OFB). Par une décision du 8 mars 2021, le ministre de l'intérieur a rejeté cette demande. Par la présente requête, M. B... relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que M. B... n'a pas soulevé devant eux le moyen tiré de ce que la décision contestée du 8 mars 2021 aurait été signée par une autorité incompétente. Ainsi, en l'absence de toute contestation sur ce point, le tribunal administratif ne pouvait soulever d'office l'incompétence de l'auteur de cette décision déférée à sa censure que si cette incompétence ressortait des pièces du dossier au vu duquel il statuait. Tel n'était pas le cas en l'espèce dans la mesure où la décision contestée a été signée pour le chef du bureau des gradés et gardiens de la paix, par Mme Sylvie Hervé-Magne en sa qualité de conseillère d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer. Par suite, les premiers juges n'ont pas commis d'irrégularité en ne soulevant pas d'office le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été signée par une autorité dont la compétence n'était pas justifiée.

3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient entaché le jugement attaqué d'erreurs de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation pour en demander l'annulation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Il résulte des termes de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires que le silence gardé pendant deux mois à compter de la réception de la demande de détachement d'un fonctionnaire vaut acceptation de cette demande. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si M. B... a sollicité son détachement auprès de l'OFB par un courrier du 21 décembre 2020, cette demande a été réceptionnée par l'administration à la date non contestée du 17 février 2021, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de la décision du 8 mars 2021. Par suite, aucune décision implicite d'acceptation de sa demande n'avait pu naître à cette date.

5. En premier lieu, la décision attaquée du 8 mars 2021 a été signée par Mme Sylvie Hervé-Magne, conseillère d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, adjointe au chef du bureau des gradés et gardiens de la paix, qui disposait d'une délégation de signature consentie à cet effet par une décision du 22 février 2021 de M. Simon A..., inspecteur général de l'administration, directeur des ressources et des compétences de la police nationale, qui tenait sa compétence du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit ainsi être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 applicable au litige : " Hormis les cas où le détachement, la mise en disponibilité et le placement en position hors cadres sont de droit, une administration ne peut s'opposer à la demande de l'un de ses fonctionnaires tendant, avec l'accord du service, de l'administration ou de l'organisme public ou privé d'accueil, à être placé dans l'une de ces positions statutaires ou à être intégré directement dans une autre administration qu'en raison des nécessités de service (...) / Les décrets portant statuts particuliers ou fixant des dispositions statutaires communes à plusieurs corps ou cadres d'emplois peuvent (...) imposer une durée minimale de services effectifs dans le corps ou cadre d'emplois ou auprès de l'administration où le fonctionnaire a été affecté pour la première fois après sa nomination dans le corps ou cadre d'emplois ". Aux termes de l'article 6 du décret du 23 décembre 2004 susvisé : " II. -Les concours mentionnés au I peuvent être ouverts pour une affectation régionale en Ile-de-France. Les gardiens de la paix recrutés par un tel concours sont affectés dans cette région pendant une durée minimale de huit ans à compter de leur nomination en qualité de gardien de la paix stagiaire. ". Aux termes de l'article 9 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " La nomination en qualité d'élève dans un corps des services actifs de la police nationale est subordonnée à la souscription de l'engagement préalable de rester au service de l'Etat pendant une période de quatre ans à compter de la titularisation si la durée de la formation initiale est inférieure ou égale à un an, de cinq ans si cette durée est supérieure à un an et inférieure à deux ans, de sept ans si la durée de la formation initiale est égale ou supérieure à deux ans. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que si l'administration ne peut légalement s'opposer à la demande d'un de ses agents tendant à être placé en position de détachement auprès d'une autre administration ou d'un autre organisme pour des motifs autres que ceux tirés des nécessités de service ou d'un avis d'incompatibilité rendu par la commission de déontologie, des restrictions peuvent être apportées à ce principe par les décrets portant statuts particuliers des corps et cadres d'emplois. S'agissant du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, le décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier dudit corps impose, dans son article 6, que les gardiens de la paix, recrutés par la voie d'un concours ouvert pour une affectation régionale en Île-de-France doivent demeurer affectés dans cette région pendant une durée minimale de huit ans à compter de leur nomination en qualité de stagiaire.

8. D'une part, si M. B... soutient que l'administration lui a opposé à tort cette durée d'affectation de huit ans en région parisienne, alors que la durée d'engagement au service de l'Etat prévue à l'article 9 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 est elle-même fixée à quatre ans, il résulte des termes des dispositions précitées que ces obligations, distinctes l'une de l'autre, ne répondent pas aux mêmes objectifs et sont en l'espèce cumulatives. D'autre part, l'obligation d'affectation de huit ans qui s'impose aux gardiens de la paix, recrutés par voie de concours à affectation régionale en Île-de-France, fixée à l'article 6 du décret du 23 décembre 2004, ne saurait s'entendre comme ouvrant la possibilité d'effectuer cette période de manière discontinue. En l'espèce, il est constant que cette obligation d'affectation en région Île-de-France s'imposait à M. B... jusqu'à la date du 31 mars 2022. Dans ces conditions, M. B... ne pouvait prétendre à un détachement auprès d'une autre administration ou d'un autre organisme dans une autre région avant cette date. La circonstance qu'il aurait postulé sur un poste de nature différente de celui de gardien de la paix est en l'espèce sans incidence sur cette obligation d'affectation à laquelle il était tenu pendant huit années consécutives. Enfin, l'intéressé ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 qui régissent les seules demandes de mutation et ne sont pas applicables à la demande de détachement en litige. Au demeurant, la décision attaquée n'a pas porté atteinte à sa situation personnelle et familiale telle que celle-ci se présentait à la date de cette décision. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le ministre de l'intérieur aurait entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés à l'instance doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 juin 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02958


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02958
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : RIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-28;22pa02958 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award