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30/06/2023 | FRANCE | N°22PA02581

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2023, 22PA02581


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la maire de Paris a refusé de retirer l'arrêté du 3 mai 2016 le radiant des cadres pour abandon de poste et de condamner la ville de Paris à lui verser la somme globale de 90 662,36 euros en réparation des différents préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de cet arrêté.

Par un jugement n° 2009969 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.>
Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2022, M. A..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la maire de Paris a refusé de retirer l'arrêté du 3 mai 2016 le radiant des cadres pour abandon de poste et de condamner la ville de Paris à lui verser la somme globale de 90 662,36 euros en réparation des différents préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de cet arrêté.

Par un jugement n° 2009969 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2022, M. A..., représenté par la SELAS ORWL Avocats, Me Lourimi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la maire de Paris a refusé de retirer l'arrêté précité, de le réintégrer sur un poste équivalent et de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis ;

3°) de condamner la ville de Paris à lui verser la somme globale de 90 662,36 euros en réparation des différents préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de cet arrêté.

4°) d'enjoindre à la maire de Paris de le réintégrer sur un poste équivalent à celui qu'il occupait à la date de l'arrêté de radiation des cadres, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date de notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son état de santé, caractérisé par des troubles psychiatriques graves l'ayant conduit à de multiples hospitalisations, et dont la ville de Paris a été informée dès le 28 septembre 2015, ne lui permettait pas d'apprécier la portée des deux mises en demeure préalables à sa radiation des cadres ;

- la mise en demeure du 23 octobre 2015 est irrégulière en ce qu'elle vise une période d'absence au cours de laquelle il était en position d'arrêt maladie ;

- la mise en demeure du 4 février 2016 est irrégulière en ce que l'absence de procédure disciplinaire qui est mentionnée n'est pas explicitée dans ses conséquences ;

- ces deux mises en demeure étaient en tout état de cause irrégulières dès lors que son état de santé, connu par la ville de Paris, ne lui permettait pas d'en apprécier la portée ;

- compte tenu de son état de santé, le silence qu'il a gardé sur la mise en demeure du

4 février 2016 ne pouvait permettre de le regarder comme ayant manifesté la volonté de rompre tout lien avec le service ;

- la responsabilité de la ville de Paris est engagée du fait de l'illégalité de la décision de radiation des cadres du 3 mai 2016 ;

- il s'en remet pour le surplus aux pièces et écritures produites en première instance.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés le 2 février 2023 et le 22 mai 2023, la ville de Paris, représentée par Me Falala, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,

- les observations de Me Falala, représentant la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent d'accueil et de surveillance de 1ère classe de la ville de Paris, n'a pas repris son service à l'issue de ses congés d'été 2015. N'ayant pas justifié de son absence à compter du 1er octobre 2015, il a fait l'objet, par lettre du 23 octobre 2015, d'une mise en demeure de reprendre ses fonctions ou de justifier de son absence dans les 48 heures, sous peine d'être radié des cadres pour abandon de poste. Ayant été placé ensuite en congé de maladie jusqu'au 1er novembre 2015 mais n'ayant pas justifié de son absence à compter du

2 novembre 2015, M. A... a fait l'objet, par lettre du 4 février 2016, d'une seconde mise en demeure dans les mêmes termes que la première, dont le pli n'a pas été retiré par lui bien qu'il en ait été avisé. En conséquence de cette dernière mise en demeure restée sans suite, la maire de Paris a pris à l'encontre de M. A..., le 3 mai 2016, un arrêté de radiation des cadres de la ville de Paris pour abandon de poste, prenant effet le lendemain de la date de notification de l'arrêté. Par lettre du 2 juillet 2020, M. A... a demandé le retrait de l'arrêté du 3 mai 2016, sa réintégration sur un emploi équivalent à celui qu'il occupait et l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis, pour un montant global de 90 662,36 euros, en raison de l'illégalité de cet arrêté. La maire de Paris a implicitement rejeté cette demande. M. A... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la maire de Paris a refusé de retirer l'arrêté du 3 mai 2016, à sa réintégration sur un poste équivalent et à la condamnation de la ville de Paris à lui verser la somme de 90 662,36 euros à titre d'indemnisation.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il résulte des termes de la requête que M. A... n'invoque aucun moyen au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision implicite de la ville de Paris, née du silence gardé par elle sur sa demande en date du 2 juillet 2020, par laquelle elle a, notamment, refusé de retirer l'arrêté du 3 mai 2016 portant radiation des cadres de l'intéressé et de le réintégrer sur un poste équivalent. Par suite et en l'absence de toute contestation du bien-fondé du jugement en ce qu'il a statué sur ces conclusions, il y a lieu de les rejeter, par adoption des motifs du tribunal.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié, qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a été placé en congé de maladie ordinaire du 28 septembre 2015 au 1er novembre 2015. Par suite et dès lors que l'agent en position de congé de maladie n'a pas cessé d'exercer ses fonctions, le requérant ne pouvait faire l'objet, à la date du 23 octobre 2015 à laquelle il se trouvait dans cette position, d'une mise en demeure à la suite de laquelle l'autorité administrative aurait été susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point 3, une radiation des cadres pour abandon de poste. S'agissant de la seconde mise en demeure du 4 février 2016, dont le pli qui la contenait a été présenté le 10 février 2016 à M. A..., celle-ci était suffisamment motivée par la mention selon laquelle à défaut de s'y conformer, à savoir de reprendre ses fonctions ou de justifier de son absence dans les 48 heures suivant sa notification, l'intéressé s'exposait au risque d'être radié des cadres pour abandon de poste et qu'elle interviendrait, dans cette hypothèse, " sans procédure disciplinaire préalable ", cette dernière expression n'ayant pas à être davantage explicitée. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de radiation des cadres serait entaché d'un vice de procédure du fait de l'irrégularité de la mise en demeure du

4 février 2016.

5. En second lieu, M. A... fait valoir qu'il résulte des nombreux certificats produits que son état psychiatrique ne lui permettait pas d'apprécier la portée des deux mises en demeure précitées, notamment celle du 4 février 2016 qui a fondé l'arrêté de radiation des cadres du

3 mai 2016. Il résulte de l'instruction que M. A... a produit, pour la première fois, à l'appui de son mémoire en réplique de première instance du 23 octobre 2020, deux certificats de médecins comoriens, en date respectivement des 16 octobre 2020 et 20 octobre 2020, faisant état, pour le premier, d'un suivi de consultation de l'intéressé de novembre 2015 à avril 2016 pour un "trouble anxio-dépressif" et, pour le second, de deux périodes d'hospitalisation pour "accès palustre grave", du 21 novembre 2015 au 28 novembre 2015 et du 4 février 2016 au

18 février 2016. Si ces certificats sont susceptibles, par eux-mêmes, d'établir que M. A... se serait trouvé aux Comores entre novembre 2015 et avril 2016, ce dernier a toutefois déclaré, dans sa requête, que " fin 2015, (il) a pu regagner la France. Cependant, dès son retour, son affection a entraîné des complications - et notamment d'importantes lésions cérébrales - ayant conduit son médecin traitant à demander son hospitalisation en service psychiatrique. A défaut de places disponibles dans les établissements de sa région, (il) s'est vu recommander de solliciter une place dans son pays d'origine, les Comores. / Il convient de préciser que son état de santé physique et mental ne lui permettait évidemment pas de communiquer avec qui que ce soit, y compris avec son employeur. Le 8 avril 2016, (il) est ainsi retourné aux Comores où il a été hospitalisé en services psychiatriques (...) ". Ces propos, faisant état de la présence de

M. A... en France entre " fin 2015 " et le 8 avril 2016, date de son " retour " aux Comores, sont en contradiction manifeste avec les certificats précités des 16 octobre 2020 et

20 octobre 2020, dont le contenu, pris isolément, est de nature à faire nécessairement présumer la présence du requérant aux Comores entre novembre 2015 et avril 2016, et spécialement pendant la période allant du 4 février 2016 au 18 février 2016. Par suite et compte tenu de cette contradiction, ces deux certificats doivent être regardés comme ayant une faible valeur probante et ne pouvant dès lors permettre d'établir que l'état de santé de M. A... aurait été tel, en particulier lors de la période courant à compter du 10 février 2016, date de présentation du pli contenant la deuxième lettre de mise en demeure, qu'il n'aurait pas été en mesure d'apprécier la portée de cette lettre. M. A... se trouvant, selon ses propres déclarations, en France lors de cette période, n'invoque aucune justification d'ordre matériel ou médical pour expliquer qu'il n'a pas été retirer ce pli alors qu'il en avait été avisé. Par ailleurs, à supposer qu'il n'ait pas été présent à son domicile à la date du 10 février 2016 et postérieurement, il appartenait alors au requérant de prendre toutes dispositions afin d'avoir connaissance de son courrier en temps utile, notamment en le faisant suivre ou en avisant son employeur de toute nouvelle adresse. Dans ces conditions, M. A... ne produisant, excepté les deux certificats précités, aucun autre document à caractère médical permettant d'apprécier son état de santé antérieurement au

3 mai 2016, date de sa radiation des cadres, n'est pas fondé à soutenir que cet état de santé ne lui aurait pas permis d'apprécier la portée de la mise en demeure du 4 février 2016.

6. Enfin, M. A..., qui se trouvait, ainsi qu'il résulte notamment de la mise en demeure du 4 février 2016, en situation d'absence irrégulière à compter du 2 novembre 2015, ne s'est pas présenté depuis cette date à son poste de travail et n'a fait connaître aucune intention à l'administration avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, soit 48 heures suivant sa notification, ni avant le 3 mai 2016, date de l'arrêté de radiation des cadres. De plus et ainsi qu'il a été dit au point 5, le requérant n'établit pas s'être trouvé dans l'impossibilité, pendant la période allant du 10 février 2016 au 3 mai 2016, d'apprécier la portée de la mise en demeure du 4 février 2016 ni d'exprimer sa volonté. Dans ces conditions, en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, il doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant rompu le lien qui l'unissait à l'administration. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant à son encontre une décision de radiation des cadres de la ville de Paris, la maire de Paris aurait commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'arrêté de radiation des cadres du

3 mai 2016 n'est entaché d'aucune illégalité fautive. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la ville de Paris serait engagée et, en conséquence, à demander à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme que la ville de Paris demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2023.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

M. HEERS La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22PA02581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02581
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-30;22pa02581 ?
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