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05/07/2023 | FRANCE | N°22PA05563

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 22PA05563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Maintenance Industrie a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 mai 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité à lui transférer le contrat de travail de M. B... A..., ainsi que les deux décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique qu'elle avait formés contre cette décision.

Par un jugement n° 1906321 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la r

equête de la société Maintenance Industrie.

Par un arrêt n° 20PA01137 du 19 avril 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Maintenance Industrie a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 mai 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité à lui transférer le contrat de travail de M. B... A..., ainsi que les deux décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique qu'elle avait formés contre cette décision.

Par un jugement n° 1906321 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société Maintenance Industrie.

Par un arrêt n° 20PA01137 du 19 avril 2021, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Maintenance Industrie, annulé ce jugement ainsi que la décision de l'inspecteur du travail et les décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique de la société Maintenance Industrie en tant qu'elles autorisent le transfert de plus de 48 % du contrat de travail de M. A... vers celle-ci.

Par une décision n° 453709 du 27 décembre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2020, et après reprise d'instance après cassation, des mémoires enregistrés les 2 et 29 mars 2023, la société Maintenance Industrie, représentée par Me Louis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 4 mai 2018 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le transfert du contrat de travail de M. A... de la société Vega Conseil Sécurité vers la société Maintenance Industrie à hauteur de 100% de sa quotité de travail, ainsi que les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux et hiérarchique ;

3°) en conséquence, autoriser le transfert du contrat de travail de M. A... à hauteur d'une quotité de travail de 48 % ;

4°) à titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire avec la mission de se faire communiquer par la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité les éléments permettant de définir précisément le périmètre des fonctions de M. A... au jour de la décision d'autorisation de transfert de son contrat de travail du 4 mai 2018, et plus précisément les secteurs du marché de la Ville de Paris sur lesquels il intervenait, d'interroger toute personne pouvant contribuer à l'accomplissement de cette mission et se faire communiquer tout document détenu par des tiers, les comparer avec le périmètre du marché attribué à la société Maintenance Industrie, et d'indiquer si les conditions du transfert de M. A... à la société Maintenance Industrie en application des dispositions de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté sont réunies, et dans l'affirmative, de donner son avis

sur la quotité de travail de M. A... pouvant être transférée à la société Maintenance Industrie ;

5°) à titre encore plus subsidiaire, de déclarer la décision de l'inspectrice du travail du 4 mai 2018 qui a autorisé le transfert de M. A... inopposable à la société Maintenance Industrie, sur le fondement des dispositions des articles L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration et R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative précités, ainsi qu'en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat du

19 décembre 1952, n° 7133.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, sa requête de première instance n'est pas tardive ;

- à titre subsidiaire, si la Cour retenait que sa requête de première instance est tardive, la décision du 4 mai 2018 de l'inspectrice du travail lui est inopposable puisqu'elle ne lui a pas été notifiée ;

- le transfert du contrat de travail du salarié, à hauteur de 100 % de sa quotité de travail, n'est pas justifié dans la mesure où il n'était pas affecté exclusivement au marché de prestations de nettoyage précédemment attribué à la société Vega Conseil Sécurité par la ville de Paris et il n'est pas établi qu'il remplit les conditions posées par l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté pour être transféré ;

- le Conseil d'Etat a éludé la question des conditions dans lesquelles doit être transféré un salarié lorsque le marché sur lequel il travaille est divisé en plusieurs lots attribués à des entreprises différentes ;

- l'article 7 paragraphe I alinéa C de la convention collective prévoit que le salarié qui est affecté depuis moins de six mois sur le site repris par l'entreprise entrante mais qui était affecté depuis plus de six mois au marché de l'entreprise sortante avant division de ce marché doit être transféré ; cette disposition n'est pas applicable à la situation de M. A... qui avait six mois d'ancienneté sur le marché de la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité à la date de la reprise ;

- le transfert de M. A... ne peut être autorisé pour plus de 48% de son temps de travail chez Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité dès lors qu'il ressort des avenants à son contrat de travail du 20 février 2017 et du 20 octobre 2017 qu'il était affecté sur tous les sites composant le marché de la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité qui couvrait les 20 arrondissements de Paris et sur tous les sites composant ce marché et que la société Maintenance Industrie n'a repris des sites que sur 9 arrondissements et n'a pas repris les sites culturels composant le marché de Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité ;

- la quotité de travail de M. A... correspondant aux chantiers repris par la société Maintenance Industrie correspond à 35 764,20 m2, ce qui représente 48% de la partie du marché initial ; en outre, il consacrait moins de 52% de son temps de travail à un lot, celui du 13ième arrondissement dont la société Maintenance Industrie n'est pas titulaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, la ministre du travail demande à la Cour de rejeter la requête d'appel de la société Maintenance Industrie.

Elle soutient reprendre les moyens soulevés dans son mémoire de première instance qu'elle joint à son mémoire d'appel.

Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2020 et après reprise d'instance après cassation, un mémoire enregistré le 1er février 2023, un mémoire récapitulatif enregistré le

16 mars 2023 et une pièce complémentaire enregistrée le 12 avril 2023, la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité, représentée par Me Cauchetier conclut au rejet de la requête d'appel de la société Maintenance Industrie et à la mise à la charge de la société Maintenance Industrie le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la requête de première instance est tardive ;

- les moyens soulevés par la société Maintenance Industrie ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Coniglio, représentant la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité.

Considérant ce qui suit :

1. Le marché public de nettoyage de certains locaux de la ville et du département de Paris dont la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité était l'unique titulaire a été, à la suite d'un nouvel appel d'offres, attribué à trois autres sociétés, dont la société Maintenance Industrie. En application de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. A..., délégué du personnel, exerçant les fonctions d'inspecteur, à la société Maintenance Industrie pour la totalité de sa quotité de travail. Par une décision du 4 mai 2018, l'inspectrice du travail responsable de l'unité territoriale de contrôle 3 Section 8 de l'Essonne a autorisé ce transfert. Le recours gracieux formé contre cette décision par la société Maintenance Industrie auprès de l'inspectrice du travail puis son recours hiérarchique formé auprès de la ministre du travail, ont été implicitement rejetés. Par un jugement du 28 janvier 2020, dont la société Maintenance Industrie relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté comme tardive la demande de cette société tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de l'inspectrice du travail et des décisions implicites de rejet de ses recours gracieux et hiérarchique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour rejeter comme tardive la requête de la société Maintenance Industrie enregistrée au greffe du tribunal le 2 avril 2019, les premiers juges ont estimé que l'exercice par cette société, le 12 octobre 2018, d'un recours hiérarchique devant le ministre du travail, après le rejet implicite de son recours gracieux formé le 11 juin 2018 contre la décision de l'inspecteur du travail du 4 mai 2018, n'avait pas pu avoir pour effet de conserver une nouvelle fois le délai de recours contentieux dès lors qu'il s'agissait d'un second recours administratif formé contre la même décision et que, par suite, la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique revêtant un caractère purement confirmatif, elle n'avait pu ouvrir un nouveau délai de recours contentieux.

3. Aux termes de l'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives. / (...) ". Aux termes des articles L. 112-3 et L. 112-6 de ce code : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) / (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. / (...) ". Aux termes de l'article L. 231-4 du même code : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ".

4. D'une part, en prescrivant aux autorités administratives d'accuser réception de toute demande dans des conditions dont le non-respect entraîne l'inopposabilité des délais de recours, le législateur a entendu viser, conformément à sa volonté de protéger les droits des citoyens dans leurs relations avec les autorités administratives, les recours formés par les personnes contestant une décision prise à leur égard par une autorité administrative. Il n'a, en revanche, pas entendu porter atteinte à la stabilité de la situation s'attachant, pour le bénéficiaire d'une autorisation administrative, à l'expiration du délai de recours normalement applicable à cette autorisation. Il en résulte que l'intervention de ces dispositions législatives demeure sans incidence sur les règles applicables aux recours administratifs, gracieux ou hiérarchiques, formés par des tiers à l'encontre d'autorisations individuelles créant des droits au profit de leurs bénéficiaires. Il ressort du même avis que les dispositions de l'article

R. 421-5 du code de justice administrative, selon lesquelles " les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ", ne sont pas non plus applicables à la détermination du délai imparti aux tiers pour saisir la juridiction compétente à la suite d'une décision rejetant un recours gracieux ou hiérarchique formé par eux à l'encontre de décisions individuelles créant des droits au profit de leurs bénéficiaires.

5. D'autre part, un recours hiérarchique formé postérieurement au rejet d'un recours gracieux ne peut conserver une nouvelle fois le délai de recours contentieux.

6. Toutefois, lorsque l'administration prend l'initiative d'accuser réception d'un recours gracieux ou d'un recours hiérarchique présenté par un tiers contre une décision créant des droits au profit de ses bénéficiaires, et qu'elle lui donne à cette occasion des indications de nature à l'induire en erreur sur le délai qui lui est imparti pour saisir la juridiction compétente, ces indications sont opposables à l'administration, ainsi qu'aux bénéficiaires de la décision, sous réserve que le délai de recours résultant de leur application soit raisonnable, en particulier, au regard des droits créés par la décision au profit des bénéficiaires.

7. En l'espèce, la société Maintenance Industrie, qui avait la qualité de tiers par rapport à la décision de l'inspectrice du travail autorisant le transfert du contrat de travail de

M. A... sollicité par la société Vega Conseil Sécurité, a formé, ainsi qu'il a été dit, un recours gracieux le 11 juin 2018 contre la décision du 4 mai 2018 de l'inspectrice du travail. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de l'Essonne a accusé réception le 22 juin 2018 de ce recours gracieux, en précisant qu'elle disposait d'un délai de deux mois pour statuer et qu'à défaut de réponse le 12 août 2018 la demande serait réputée avoir été implicitement rejetée, et que, dans le cas d'une décision défavorable, implicite ou expresse, la société Maintenance Industrie disposerait d'un délai de deux mois à compter de la naissance d'une telle décision soit pour la contester devant le tribunal administratif compétent soit pour déposer un recours hiérarchique devant le ministre chargé de l'emploi. Cet accusé de réception, qui comporte des indications contraires aux règles, rappelées aux points 4 et 5, relatives aux recours administratifs, gracieux ou hiérarchiques, formés par des tiers à l'encontre d'autorisations individuelles créant des droits au profit de leurs bénéficiaires, était ainsi de nature à induire la société Maintenance Industrie en erreur sur ses possibilités de recours contentieux, en particulier, sur le délai qui lui était imparti pour saisir la juridiction compétente.

8. Constatant qu'une décision de rejet de son recours gracieux était née le 12 août 2018 du silence gardé par l'inspectrice du travail sur son recours, la société Maintenance Industrie, se conformant aux indications de l'inspectrice du travail, a, par courrier daté du

8 octobre 2018 reçu le 12 octobre 2018, soit dans le délai indiqué par l'accusé de réception de son recours gracieux, exercé auprès de la ministre du travail un recours hiérarchique contre le rejet implicite de son recours gracieux. Le ministre a accusé réception de ce recours hiérarchique par courrier du 12 octobre 2018, en précisant qu'il disposait d'un délai de quatre mois pour statuer, de sorte qu'à défaut de réponse le 13 février 2019 le recours serait réputé implicitement rejeté, et que, dans le cas d'une décision défavorable, la société Maintenance Industrie disposerait d'un délai de deux mois pour la contester devant le tribunal administratif. Cet accusé de réception, qui comporte lui aussi des indications contraires aux règles susrappelées était également de nature à induire la société Maintenance Industrie en erreur sur ses possibilités de recours contentieux, en particulier, sur le délai qui lui était imparti pour saisir la juridiction compétente. Constatant qu'une décision de rejet de son recours hiérarchique était née le 12 février 2019 du silence gardé par la ministre du travail sur ce recours, la société Maintenance Industrie, se conformant aux indications de la ministre, a, par une requête enregistrée au tribunal le 2 avril 2019, soit dans le délai fixé par l'accusé de réception de son recours hiérarchique, demandé l'annulation de la décision du 4 mai 2018 de l'inspectrice du travail autorisant le transfert du contrat de travail de M. A... à concurrence d'une quotité de travail de plus de 48 %, ensemble les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux et hiérarchique.

9. Ainsi dans les circonstances de l'espèce, en application du principe énoncé au point 6, le recours hiérarchique présenté par la société Maintenance Industrie doit être regardé comme ayant conservé à nouveau le délai de recours contentieux, compte tenu, d'une part, des mentions erronées des accusés de réception notifiés, respectivement, par l'inspectrice du travail puis par le ministre du travail et, d'autre part, du caractère raisonnable dans lequel le recours contentieux a été exercé par la société Maintenance Industrie au regard des droits créés par la décision litigieuse au profit de la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité et de

M. A..., bénéficiaires de cette décision, le rendant dès lors opposable à l'administration comme à ces bénéficiaires.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, la requête de la société Maintenance Industrie, enregistrée le 2 avril 2019 au tribunal administratif de Paris, n'était pas tardive. Par suite, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la société Maintenance Industrie tendant à l'annulation du jugement du

28 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris.

11. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Maintenance Industrie devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

12. Aux termes des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". L'article L. 2414-1 du même code prévoit que " Le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu'il est investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical et ancien délégué syndical ; (...) ".

13. Selon les stipulations de l'article 7-2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, qui prévoit une garantie d'emploi au bénéfice de certains salariés en cas de changement de prestataire à la suite de la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché : " Obligations à la charge du nouveau prestataire (entreprise entrante) : (...) I.'-'Conditions d'un°maintien de l'emploi : Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100'% du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes': A.'-'Appartenir expressément : (...) - soit à l'un des 2 premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification nationale des emplois (MP1 et MP2) et être affecté exclusivement sur le marché concerné. (...)/ B. Être titulaire : a) Soit d'un contrat à durée indéterminée et, - justifier d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public ; (...) / C. Lorsque le marché initial est redistribué en plusieurs lots, la (ou les) entreprise(s) entrante(s) a (ont) l'obligation d'assurer la continuité des contrats de travail des personnes affectées sur le (ou les) lot(s) qu'elle(s) reprend (reprennent) dès lors que les conditions définies ci-dessus, appréciées alors à l'égard du marché initial détenu par l'entreprise sortante, sont remplies ". Ces stipulations prévoient que lorsqu'un marché détenu par une seule entreprise a été attribué, à la suite d'un nouvel appel d'offre comportant plusieurs lots, à plusieurs prestataires, la condition posée pour le bénéfice de la garantie d'emploi tenant à ce que les salariés relevant de l'un des deux premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification nationale des emplois soient affectés exclusivement sur le marché concerné s'apprécie par rapport au marché initial, et non par rapport au nouveau marché. La circonstance que, dans une telle hypothèse, le périmètre d'activité d'un salarié affecté exclusivement sur le marché initial se trouve réparti entre plusieurs lots du nouveau marché attribués à des prestataires différents ne fait ainsi, en principe, pas obstacle à l'obligation pour ces prestataires d'assurer, chacun pour sa part, la continuité de son contrat de travail.

14. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avenant au contrat de travail du 7 avril 2015 de M. A..., qu'il exerçait les fonctions d'inspecteur " niveau MP échelon 2 " et qu'il était affecté en qualité d'inspecteur à 100 % de son temps de travail au marché de prestations de nettoyage attribué à la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité par la ville de Paris. Il remplissait en conséquence la double condition de classification d'emploi et d'affectation exclusive au marché initial posée par l'article 7-2 de la convention, pour être transféré. En outre, M. A... justifiait d'une affectation sur le marché de la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité d'au moins six mois à la date d'expiration du marché public, conformément aux stipulations de la convention collective.

15. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. A... intervenait sur 41 sites dont 38 seulement ont été repris par la société Maintenance Industrie, trois sites situés dans les 11e et 12e arrondissement, une médiathèque ainsi que deux conservatoires municipaux, ayant été repris par la société Nickel dans le cadre du lot qui lui a été attribué. Il résulte de ce qui a été dit au point 13 qu'il appartenait à ces deux prestataires d'assurer, chacun pour sa part, la continuité du contrat de travail de M. A.... Par suite, la société Maintenance Industrie est fondée à soutenir que l'inspectrice du travail a fait une inexacte appréciation des dispositions conventionnelles précitées en autorisant le transfert du contrat de travail de M. A... pour la totalité de sa quotité de travail de la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité à la société Maintenance Industrie.

16. Par suite, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, d'annuler la décision du 4 mai 2018 de l'inspectrice du travail, ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique formés par la société Maintenance Industrie.

Sur les conclusions tendant à ce que la Cour autorise le transfert de

M. A... à hauteur de 48% de sa quotité de travail :

17. Il n'appartient pas à la Cour d'autoriser le transfert du salarié. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions susvisées ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mis à la charge de la société Maintenance Industrie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité, au titre des frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1906321/3-1 du 28 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La décision du 4 mai 2018 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le transfert du contrat de travail de M. A... pour la totalité de sa quotité de travail de la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité à la société Maintenance Industrie, ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique de cette dernière, sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Maintenance Industrie est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Maintenance Industrie, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à la société Vega Conseil Sécurité Conseil Sécurité et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère ;

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

La présidente-rapporteure,

M. JULLIARDL'assesseure la plus ancienne,

G. MORNETLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

22PA005563 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05563
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP SOUCHON-CATTE-LOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;22pa05563 ?
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