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17/07/2023 | FRANCE | N°22PA02721

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 juillet 2023, 22PA02721


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 20 janvier 2020 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Le Grand âge " a renouvelé son placement en disponibilité d'office du 11 janvier au 10 octobre 2020.

Par un jugement n° 2002582 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2022

, Mme C... D..., représentée par Me Guerreau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 20 janvier 2020 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Le Grand âge " a renouvelé son placement en disponibilité d'office du 11 janvier au 10 octobre 2020.

Par un jugement n° 2002582 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2022, Mme C... D..., représentée par Me Guerreau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002582 du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Melun, ensemble la décision attaquée du 20 janvier 2020 du directeur de l'EHPAD " Le Grand âge " ;

2°) de mettre à la charge de l'EHPAD " Le Grand âge " le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision, qui ne motive pas en fait la recherche d'un poste de reclassement, méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision du 14 octobre 2019 sur le fondement de laquelle elle a été adoptée ;

- la décision du 14 octobre 2019 a en effet été adoptée au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été préalablement invitée à former une demande de reclassement ;

- cette première décision est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle était, à la date de son adoption, apte à reprendre son poste dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ;

- la décision attaquée du 20 janvier 2020 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où elle était, à la date de son adoption, inapte à l'exercice de tout emploi ;

- elle est également entachée d'un détournement de pouvoir en ce qu'elle a eu pour seul objet de faire obstacle à son licenciement et au versement de l'indemnité correspondante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, l'EHPAD " Le Grand âge ", représenté par Me Lesné, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme C... D... lui verse, en application de l'article L. 761-1 du code justice administrative, une somme de 2 500 euros.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante sont inopérants ou infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Perroy,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... D..., titularisée le 17 juillet 2010 dans le grade d'aide-soignante de classe normale, a exercé ses fonctions au sein de l'EHPAD " Le Grand âge " à compter du 1er février 2012. Elle a, le 9 juillet 2016, été victime d'une chute sur le dos dans le cadre de ses fonctions en sorte qu'elle a été placée en arrêt maladie imputable au service du 12 juillet 2016 au 10 avril 2018. Par un courrier du 29 avril 2018, Mme C... D... a sollicité un reclassement professionnel en raison de son état de santé. A la suite de l'avis favorable de la commission de réforme départementale du 25 septembre 2018, par une décision du 12 octobre 2018, le directeur de l'EHPAD " Le Grand âge " a déclaré Mme C... D... définitivement et totalement inapte à ses fonctions d'aide-soignante et l'a placée en congé de maladie ordinaire du 11 avril 2018 au 10 avril 2019, avant de la placer, par décision du 14 octobre 2019, en disponibilité d'office du 11 avril 2019 au 10 janvier 2020. Enfin, par une décision du 20 janvier 2020, la même autorité a renouvelé le placement en disponibilité d'office de l'intéressée pour la période allant du 11 janvier au 10 octobre 2020. Par sa requête, Mme C... D... demande à la Cour l'annulation du jugement n° 2002582 du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2020 renouvelant son placement en disponibilité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, les décisions maintenant d'office un fonctionnaire en disponibilité en raison de l'expiration de ses droits statutaires à congé de maladie ne relèvent d'aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 20 janvier 2020 prolongeant la mise en disponibilité de la requérante est inopérant et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

4. La requérante se prévaut, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du 14 octobre 2019 la plaçant en disponibilité d'office du 11 avril 2019 au 10 janvier 2020. La décision attaquée du 20 janvier 2020 a toutefois été adoptée, sur le fondement des articles 71 de la loi du 9 janvier 1986 et 17 du décret du 19 avril 1988, en considération de l'épuisement des droits à congé maladie de Mme C... D..., de l'avis du comité médical départemental du 10 janvier 2020 et de l'avancement de la procédure de reclassement. La décision du 14 octobre 2019 ne peut ainsi être regardée comme constituant la base légale de la décision attaquée, laquelle n'a pas non plus été prise pour l'application de cette première décision. Par suite, à supposer même que la décision du 14 octobre 2019 n'était pas devenue définitive lorsque a été soulevée, le 19 mars 2020, l'exception d'illégalité, Mme C... D... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision du 14 octobre 2019 au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2020.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service qu'après l'avis favorable du comité médical. Si l'avis du comité médical est défavorable, le fonctionnaire est soit mis en disponibilité, soit, s'il le demande, reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme des agents des collectivités locales (...) ".

6. Mme C... D... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle était en réalité inapte, non seulement à occuper son poste, mais également tout autre poste, en sorte que la recherche d'un reclassement était vaine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'expertise du docteur A... du 13 avril 2018, l'avis de la commission de réforme du 25 septembre 2018, les conclusions du médecin du travail du 6 novembre 2018, ainsi que les avis du comité médical départemental des 4 octobre 2019 et 10 janvier 2020 ont tous conclu, au terme de rapports circonstanciés éclairés par des rapports d'expertise, que si Mme C... était définitivement et totalement inapte à reprendre un poste d'aide-soignante, elle demeurait apte à l'exercice d'un emploi administratif sédentaire. Pour contester l'ensemble de ces expertises et avis, la requérante, qui n'a pas sollicité la saisine du comité médical supérieur pour contester l'avis du comité médical départemental du 10 janvier 2020sur le fondement immédiat duquel a été adoptée la décision attaquée, se borne à verser aux débats un certificat médical du 20 février 2020 établi par un rhumatologue qui, couplant la pathologie lombaire à l'hypoacousie de la requérante, conclut à " 100 % d'incapacité permanente professionnelle et à 40 % d'incapacité permanente fonctionnelle ". Cependant, ce médecin n'ayant d'une part pas de compétence particulière en médecine ORL, et ne justifiant pas, d'autre part, en quoi les troubles décrits rendraient Mme C... D... inapte à tout emploi, alors qu'il évalue lui-même son incapacité permanente fonctionnelle à 40 %, un tel certificat n'établit pas l'incapacité totale de la requérante à exercer un emploi administratif. Une telle incapacité n'est pas davantage établie par la circonstance que l'intéressée a été reconnue, le 1er février 2017, travailleur handicapée selon un taux compris entre 50 et 80 % par la Maison départementale pour les personnes handicapées, ni par l'allégation selon laquelle son hypoacousie serait incompatible avec un emploi de secrétariat. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'inexacte appréciation de la situation médicale de la requérante ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir en ce qu'elle n'aurait pour objet que de faire obstacle à son licenciement aux fins d'éviter d'avoir à lui verser l'indemnité correspondante. Toutefois, d'une part, il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme C... D... n'était pas définitivement inapte à l'exercice de tout emploi. D'autre part, et alors que l'employeur public n'est en matière de reclassement professionnel tenu qu'à une obligation de moyens, et non à une obligation de résultats, l'EHPAD " Le Grand âge ", qui est un petit établissement de 96 agents ayant déjà reclassé dans des fonctions administratives plusieurs aides-soignants, établit, par la production des différents entretiens dont la requérante a bénéficié auprès des Ressources humaines et des tableaux des postes disponibles ou vacants, la réalité des diligences accomplies en vue de reclasser Mme C... D... dans un emploi compatible avec son état de santé. Enfin et en tout état de cause, l'absence de possibilité de reclassement ou l'inaptitude à tout emploi de Mme C... D..., fonctionnaire hospitalier titulaire, impliqueraient seulement sa mise à la retraite d'office. Par suite, dès lors que l'établissement, qui était fondé à rechercher un reclassement professionnel de la requérante, n'a pas manqué de diligence, de sérieux et de célérité dans cette recherche, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2020 par laquelle le directeur de l'EHPAD " Le Grand âge " a renouvelé son placement en disponibilité d'office du 11 janvier au 10 octobre 2020.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'EHPAD " Le Grand âge ", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la requérante la somme qu'elle lui réclame. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme C... D..., sur le fondement de ces mêmes dispositions, une somme de 1 000 euros à verser à l'EHPAD " Le Grand âge ".

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme C... D... est rejetée.

Article 2 : Mme C... D... versera à l'EHPAD " Le Grand âge " une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... D... et à l'EHPAD " Le Grand âge ".

Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2023.

Le rapporteur,

G. PERROY

La présidente,

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA0272102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02721
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CABINET HOUDART

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-17;22pa02721 ?
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