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20/11/2023 | FRANCE | N°23PA00692

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 novembre 2023, 23PA00692


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2201377 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 février 2023, M. B..., repré

senté par Me Levildier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2023 du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2201377 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 février 2023, M. B..., représenté par Me Levildier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la préfète du Val-de-Marne aurait dû saisir la commission du titre de séjour eu égard à sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elles sont entachées d'une erreur de fait en ce qu'elles mentionnent qu'il ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date des décisions contestées et que ses enfants résident à l'étranger ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2023, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les observations de Me Nourredine, avocate de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant haïtien né en 1979, est entré en France, selon ses déclarations, le 13 mars 2001. Le 6 décembre 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 10 janvier 2022, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 19 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ". La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par ces dispositions a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. L'existence et la transmission de cet avis sont l'un des éléments qui garantissent les droits de la défense de l'étranger en lui permettant de faire valoir auprès de l'autorité qui va prendre la décision ses réactions par rapport à l'avis de la commission du titre de séjour. Il s'agit donc de garanties substantielles.

3. M. B... soutient que la préfète du Val-de-Marne aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision litigieuse dès lors qu'il justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans. Il ressort des pièces du dossier que pour établir sa présence habituelle sur le territoire français au titre de 2017, M. B... verse au dossier des relevés de versements de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour des consultations chez un médecin généraliste et des actes de biologie en février et décembre 2017, des relevés bancaires des 10 juillet 2017 et 9 janvier 2018 établis par la Banque Postale mentionnant notamment des retraits à des distributeurs automatiques en juin 2017 et une remise de chèque en décembre 2017, des courriers des 28 avril et 4 mai 2017 par lesquels ce même établissement bancaire répond respectivement à une réclamation du 30 mars 2017 et à un courrier du 25 avril 2017 adressés par M. B..., des factures d'EDF des 28 mars, 15 mai, 27 septembre et 3 décembre 2017 ainsi que des courriers de relance de cette société des 7 juin et 17 octobre 2017 du fait de retard de paiement. Au titre de 2018, M. B... produit un relevé de versement de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour une consultation chez un médecin généraliste le 22 février 2018, un courrier du ministre des finances du 28 décembre 2018, des relevés bancaires des 9 janvier et 9 mars 2018 établis par la Banque Postale mentionnant notamment des retraits à des distributeurs automatiques en février 2018 ainsi qu'un récépissé de transfert d'argent de décembre 2018, un courrier de cet établissement bancaire du 12 avril 2018, des factures d'EDF des 28 mars et 27 septembre 2018 et des courriers de relance de cette société des 4 janvier, 19 mars et 28 juin 2018 du fait d'un défaut de paiement, une lettre du 13 novembre 2018 par lequel son avocat sollicite des services de la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne un rendez-vous pour déposer sa demande de titre de séjour ainsi qu'un courrier du 10 mai 2018 de la société Free portant sur la résiliation d'un forfait et la relance pour non paiement d'une facture. Au vu de ces nombreuses pièces de nature différente, M. B... doit être regardé comme justifiant de sa résidence habituelle sur le territoire français au titre de 2017 et 2018.

4. Si en reprenant devant la cour la motivation de sa décision de refus de titre de séjour selon laquelle M. B... n'établit pas résider habituellement en France au titre des années 2016, 2017, 2018, 2020 et 2021, la préfète du Val-de-Marne entend contester le jugement en tant que les premiers juges ont estimé que l'intéressé justifie résider habituellement en France au titre de 2016, 2020 et 2021, il ressort des pièces du dossier qu'au titre de 2016, l'intéressé verse aux débats un avis d'opposition administrative du 28 janvier 2016 émanant de la trésorerie du Val-de-Marne du fait du défaut de paiement d'une amende, d'une mise en demeure de payer de la direction générale des finances publiques du 8 août 2016, une déclaration de recette du centre des finances publiques de Créteil attestant d'un versement de 60 euros le 14 novembre 2016, une convocation du 10 mai 2016 du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Créteil dans le cadre d'une médiation, un relevé de versements de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour une consultation chez un spécialiste et des frais de pharmacie du 12 décembre 2016, des relevés bancaires des 11 janvier et 9 février 2016 établis par la Banque Postale mentionnant notamment des retraits à des distributeurs automatiques, un récépissé d'une opération financière du 30 juin 2016, des courriers de la Banque Postale des 14 mars, 27 mai et 19 octobre 2016 portant respectivement mise en demeure avant résiliation de contrat et résiliation de contrat et un avis d'imposition au titre de 2016. Au titre de 2020, M. B... produit un courrier du 11 janvier 2020 lui notifiant une ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Melun, la copie de cette ordonnance par laquelle le juge des référés a enjoint au préfet du Val-de-Marne de lui fixer un rendez-vous en vue du dépôt de sa demande de titre de séjour, des récépissés de demandes de chèques de banque émis par le bureau de la Banque Postale de Vitry-sur-Seine les 22 mai et 27 juin 2020 en cohérence avec la localisation de son lieu de résidence, un récépissé d'opérations financières du 22 août 2020, un avis d'imposition au titre de 2020 et un courrier de l'agence solidarité transports Ile-de-France du 15 septembre 2020. Au titre de 2021, l'intéressé présente un courrier du 26 juillet 2021 des services de la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne lui demandant de compléter son dossier de demande de titre de séjour, une ordonnance émanant du groupe hospitalier Nord-Essonne du 27 mars 2021 et des examens radiologiques du 8 juillet 2021. Il ressort en outre de la lecture de la décision contestée que l'intéressé a été reçu par les services de la préfecture en dernier lieu le 6 décembre 2021. Dans ces conditions, au vu de l'ensemble de ces pièces, M. B... établit sa résidence habituelle en France au titre de 2016, 2020 et 2021.

5. Il résulte des points 3 et 4 que M. B... établit sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Par suite, il est fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision contestée et a, par suite, méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2, privant M. B... d'une garantie. Il s'ensuit que la décision du 10 janvier 2022 de la préfète du Val-de-Marne refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, qui est ainsi dépourvue de base légale.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le moyen retenu par le présent arrêt étant le mieux à même de régler le litige à la date de l'arrêté contesté, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2022 de la préfète du Val-de-Marne.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour sous astreinte doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201377 du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Melun et les décisions du 10 janvier 2022 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. B... en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Melun et à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER

La présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00692

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00692
Date de la décision : 20/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LGAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-20;23pa00692 ?
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