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30/01/2024 | FRANCE | N°22PA02356

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 30 janvier 2024, 22PA02356


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Temo a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 28 mai 2019 par laquelle le maire de la commune du Blanc-Mesnil a refusé d'abroger l'arrêté du 13 novembre 2018 prononçant la fermeture au public du " Café de la Paix ", situé au 21, avenue Henri Barbusse au Blanc-Mesnil, et l'interdiction provisoire de l'activité de ce commerce, et d'enjoindre au maire d'autoriser la réouverture de cet étab

lissement.



Par un jugement n° 2000330 du 22 mars 2022, le Tribunal administratif de M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Temo a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 28 mai 2019 par laquelle le maire de la commune du Blanc-Mesnil a refusé d'abroger l'arrêté du 13 novembre 2018 prononçant la fermeture au public du " Café de la Paix ", situé au 21, avenue Henri Barbusse au Blanc-Mesnil, et l'interdiction provisoire de l'activité de ce commerce, et d'enjoindre au maire d'autoriser la réouverture de cet établissement.

Par un jugement n° 2000330 du 22 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2022, la société Temo, représentée par Me Srilingam, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 22 mars 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 13 novembre 2018 prononçant la fermeture au public du " Café de la Paix " situé au Blanc-Mesnil et l'interdiction provisoire de l'activité de ce commerce ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions des 28 février et 28 mai 2019 par lesquelles le maire du Blanc-Mesnil a refusé d'abroger l'arrêté du 13 novembre 2018 ;

4°) d'enjoindre au maire d'autoriser la réouverture de cet établissement dans un délai de sept jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut et dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de réexaminer sa situation administrative ;

5°) de mettre à la charge de la commune du Blanc-Mesnil la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a, à tort, écarté comme inopérants les moyens tirés de vices de forme et de procédure, qui visaient l'arrêté de fermeture administrative du 13 novembre 2018 ;

- l'arrêté du 13 novembre 2018 est entaché de vices de forme et de procédure au regard des dispositions de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation, en ce qu'il ne fixe pas la nature des aménagements et travaux à réaliser ainsi que leur délai d'exécution, et n'a pas été précédé de la saisine pour avis de la commission de sécurité compétente ;

- les décisions litigieuses sont disproportionnées au regard des manquements reprochés ;

- elles ont été prises, pour l'arrêté du 13 novembre 2018, sans qu'elle n'ait été mise en mesure de faire valoir ses observations et sans mise en demeure préalable, et pour les deux autres décisions, sans qu'aucun organisme expert n'ait été consulté ;

- ces décisions sont entachées d'erreur de droit au regard de l'article L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation, dans la mesure où elle n'était pas tenue d'obtenir une autorisation d'aménagement pour mise en conformité des locaux en matière d'accessibilité des personnes handicapées et de sécurité incendie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, la commune du Blanc-Mesnil, représentée par Me Cazin, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Temo sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions à fin d'injonction de la société Temo sont irrecevables, dans la mesure où elle n'est plus titulaire du bail commercial en vertu duquel elle louait les locaux ;

- les moyens soulevés par la société Temo contre la décision du 13 novembre 2018, devenue définitive, sont irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par la société Temo ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 5 octobre 2022, la société Temo conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que l'annulation des décisions des 28 février et 28 mai 2019, pour vice de procédure, en l'absence d'avis de la commission de sécurité, s'impose.

Par une ordonnance du 21 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 novembre 2023.

Les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête de la société Temo à fin d'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2018, qui présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Benmerad, pour la commune du Blanc-Mesnil.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Temo est propriétaire depuis le 20 juin 2017 du fonds de commerce de café, bar, restaurant, brasserie et jeux " Le Café de la Paix " situé dans un local au 21, avenue Henri Barbusse au Blanc-Mesnil, que la commune lui a donné en location par bail commercial. Par un arrêté du 13 novembre 2018, pris dans le cadre de son pouvoir de police générale, le maire du Blanc-Mesnil, a prononcé la fermeture au public de cet établissement et l'interdiction provisoire de son activité. Le 11 décembre 2018, la société s'est prévalue d'un avis favorable du service de la salubrité et a interrogé le maire sur la signature d'un arrêté autorisant la réouverture. Le 26 décembre 2018, le maire a répondu qu'aucun arrêté de réouverture n'avait été pris et que le service de salubrité n'avait pas constaté la réalisation de travaux de remise aux normes. Après avoir fait constater l'état de son établissement par un huissier et la conformité de l'installation électrique par des rapports du bureau de contrôle " Action prévention risques ", la société a, le 12 février 2019, sollicité la réouverture de cet établissement. Le 28 février 2019, le maire a rejeté sa demande au motif qu'elle n'avait pas sollicité l'autorisation d'aménager requise pour un établissement recevant du public. Par courrier du 4 mars 2019, la société a contesté être soumise à cette obligation. En réponse, le maire a, le 28 mai 2019, confirmé sa position. La société Temo demande à la Cour d'annuler le jugement du 22 mars 2022 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 28 février et du 28 mai 2019.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 13 novembre 2018 :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, devant le tribunal administratif, la société requérante n'a attaqué que la décision du 28 mai 2019, par laquelle le maire de la commune du Blanc-Mesnil a refusé la réouverture de l'établissement " Le Café de la Paix ", et a, ainsi, rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé contre la décision du 28 février 2019, par laquelle le maire a refusé l'abrogation de l'arrêté municipal du 13 novembre 2018 portant fermeture administrative de cet établissement. Les conclusions présentées par la société Temo devant la Cour à fin d'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2018, qui présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel, doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions dirigées contre les décisions des 28 février et 28 mai 2019 :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, en vigueur aux dates des décisions attaquées : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article L. 123-4 du même code, dans sa version alors applicable : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux et dans le cadre de leurs compétences respectives, le maire ou le représentant de l'État dans le département peuvent par arrêté, pris après avis de la commission de sécurité compétente, ordonner la fermeture des établissements recevant du public en infraction avec les règles de sécurité propres à ce type d'établissement, jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité (...) ". Aux termes de l'article R. 123-52 de ce code, dans sa version alors applicable : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux, la fermeture des établissements exploités en infraction aux dispositions du présent chapitre peut être ordonnée par le maire, ou par le représentant de l'Etat dans le département dans les conditions fixées aux articles R. 123-27 et R. 123-28. / La décision est prise par arrêté après avis de la commission de sécurité compétente. L'arrêté fixe, le cas échéant, la nature des aménagements et travaux à réaliser ainsi que les délais d'exécution ".

4. Il ressort des motifs de l'arrêté du 13 novembre 2018 que la fermeture de l'établissement exploité par la société Temo a été décidée par le maire, dans le cadre du pouvoir de police générale qu'il tient de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, pour des motifs tenant à la sécurité et à la santé publique ainsi qu'à l'insalubrité des locaux de la société. Il ressort par ailleurs des motifs de la décision du 28 février 2019 refusant d'abroger cette fermeture, qu'elle a été prise, non sur le fondement des articles L. 123-4 et R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation en raison d'infractions aux dispositions relatives aux risques d'incendie et de panique dans les immeubles recevant du public, mais au motif que la société Temo n'avait pas déposé le dossier prévu à l'article R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation pour demander l'autorisation prévue à l'article L. 111-8 de ce code, s'agissant des travaux qui conduisent à la création, à l'aménagement ou à la modification d'un établissement recevant du public. Ainsi, à supposer que la société Temo ait entendu invoquer les dispositions de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation à l'encontre des décisions des 28 février et 28 mai 2019, le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

5. En deuxième lieu, à supposer qu'en invoquant les dispositions de l'article L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation, créées par l'ordonnance 2020-71 du 29 janvier 2020, en vigueur depuis le 1er juillet 2021, la société Temo ait entendu soutenir qu'elle n'était pas tenue d'obtenir l'autorisation prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 111-8 de ce code en vigueur aux dates des décisions attaquées, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bienfondé.

6. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la société Temo ne saurait utilement soutenir que les décisions des 28 février et 28 mai 2019 seraient disproportionnées.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir, la société Temo n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Blanc-Mesnil, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Temo demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Temo une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune du Blanc-Mesnil et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Temo est rejetée.

Article 2 : La société Temo versera une somme de 1 500 euros à la commune du Blanc-Mesnil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Temo et à la commune du Blanc Mesnil.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2024.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02356


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02356
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;22pa02356 ?
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