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01/02/2024 | FRANCE | N°22PA03330

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 22PA03330


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



La société SNCF Réseau a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de condamner la société Haber France, à titre principal, à lui verser une provision de 674 001,29 euros toutes taxes comprises (TTC), correspondant aux redevances et indemnités d'occupation du domaine public non payées au cours de la période du 1er janvier 2018 au 28 janvier 2022, augmentée des intérêts moratoires calculés au taux contractuel à compter des dates d'exigibilité figurant su

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SNCF Réseau a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de condamner la société Haber France, à titre principal, à lui verser une provision de 674 001,29 euros toutes taxes comprises (TTC), correspondant aux redevances et indemnités d'occupation du domaine public non payées au cours de la période du 1er janvier 2018 au 28 janvier 2022, augmentée des intérêts moratoires calculés au taux contractuel à compter des dates d'exigibilité figurant sur les factures émises majoré de deux points à compter du 12 juin 2020 avec capitalisation des intérêts échus pour plus d'une année entière, et, à titre subsidiaire, à lui verser une provision de

528 227,69 euros TTC au titre des sommes liées à l'occupation du domaine public non payées au cours de la période du 1er janvier 2018 au 28 janvier 2022, augmentée des intérêts moratoires calculés au taux contractuel à compter des dates d'exigibilité figurant sur les factures émises majoré de deux points à compter du 12 juin 2020 avec capitalisation des intérêts échus pour plus d'une année entière.

Par une ordonnance n° 2115027 du 30 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a condamné la société Haber France à verser à la société SNCF Réseau une provision de 640 000 euros tous intérêts compris et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022, la société Haber France, représentée par

Me Falala, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 30 juin 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la requête de la société SNCF Réseau ;

3°) de mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge administratif n'est pas compétent pour connaître du litige, dès lors que la société SNCF Réseau n'établit pas que la parcelle occupée appartenait au domaine public ;

- l'existence de l'obligation est sérieusement contestable, car, d'une part, les redevances et indemnités d'occupation n'ont pas été fixées conformément aux critères posés par le code général de la propriété des personnes publiques, d'autre part, la société SNCF Réseau n'a pas justifié que le montant dû au titre des impôts et taxes correspondait aux impôts et taxes lui incombant et, enfin, le comportement fautif de la société SNCF Réseau aurait dû conduire à l'exonérer d'une partie au moins des sommes mises à sa charge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, la société SNCF Réseau, représentée par Me Büsch, conclut à la confirmation de l'ordonnance litigieuse, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public " Réseau ferré de France " en vue du renouveau du transport ferroviaire ;

- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Gorse substituant Me Falala, avocat de la société Haber France,

- et les observations de Me Büsch, avocat de la société SNCF Réseau.

Considérant ce qui suit :

1. La société SNCF Réseau, gestionnaire du réseau ferré national au sein du groupe SNCF, a autorisé, par une convention prenant effet le 17 juillet 2015, la société Haber France, qui exerce une activité de grossiste de boissons, à occuper un terrain d'une superficie totale de 5 900 m2, dont 2 900 m2 de terrain nu et 3 000 m2 répartis en trois bâtiments à usage de bureaux et d'entrepôts, sis 69 rue Molière à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Cette convention, dont le terme était fixé au

31 décembre 2017, a été prolongée par avenant du 13 décembre 2017 jusqu'au 30 juin 2018. Par une convention en date du 19 novembre 2018, la société SNCF Réseau a délivré à cette société une nouvelle autorisation d'occupation portant sur un emplacement comportant 1 904 m2 de terrain nu,

2 717 m2 de bâtiment à usage industriel et 183 m2 de locaux à usage de bureaux, pour la période allant du 1er août 2018 au 31 décembre 2020, prolongée jusqu'au 30 juin 2021 par avenant du 12 novembre 2020. Par lettre du 10 juin 2021, la société SNCF Réseau a mis en demeure la société Haber France de lui payer, dans le délai d'un mois, la somme de 516 194,54 euros, au titre des sommes dues au titre de l'occupation de cet emplacement depuis le 1er janvier 2018. SNCF Réseau ayant saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d'une requête tendant à ce que la société requérante soit condamnée à lui verser, à titre de provision, la somme de 674 000,29 euros TTC ou, à défaut, de 528 227,69 euros TTC, le juge des référés du tribunal administratif de Paris l'a, par une ordonnance n°2115027 du 30 juin 2022 dont la société Haber France relève appel, condamnée à verser à la société SNCF Réseau une provision de 640 000 euros tous intérêts compris.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. ". Aux termes de l'article L. 2111-15 de ce code : " Le domaine public ferroviaire est constitué des biens immobiliers appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1, non compris dans l'emprise des biens mentionnés à l'article L. 2111-14 et affectés exclusivement aux services de transports publics guidés le long de leurs parcours en site propre. ". Enfin, selon l'article L. 2141-1 du même code : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement. ".

3. D'une part, selon l'article 11 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997, portant création de l'établissement public " Réseau Ferré de France " en vue du renouveau du transport ferroviaire, les biens immobiliers appartenant à Réseau ferré de France, affectés au transport ferroviaire et aménagés spécialement à cet effet ont le caractère de dépendances du domaine public. Ces dispositions n'ont pas eu d'incidence sur le régime domanial antérieur des biens constitutifs de l'infrastructure ferroviaire, apportés en pleine propriété à Réseau ferré de France en application de l'article 5 de la même loi. Appartiennent ainsi au domaine public des terrains affectés au service public de transport ferroviaire assuré par la Société nationale des chemins de fer, aménagés pour permettre l'embarquement et le débarquement des objets transportés. D'autre part, en l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public (biens directement affectés au service public ou affectés au service public et spécialement aménagés en vue de celui-ci) et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article

L. 2111-1.

4. Si la société Haber France soutient que les éléments apportés par la société SNCF Réseau en première instance ne permettent pas d'établir que le terrain occupé appartient au domaine public, il résulte de l'instruction que ce terrain appartient à la société SNCF Réseau, dénomination de Réseau Ferré de France en application de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire. Il résulte des dispositions de la loi du 13 février 1997, désormais abrogée, mentionnées au point 3, que " les biens immobiliers appartenant à Réseau ferré de France, affectés au transport ferroviaire et aménagés spécialement à cet effet, ont le caractère de domaine public. ". En outre, il ressort de l'étude historique et documentaire en date du 18 novembre 2019 (page 42) que ce terrain, aménagé en halles ferroviaires par la Société nationale des chemins de fer français dans les années 1940, puis mis à disposition du service national des messageries (SERNAM), service de la société nationale des chemins de fer français chargé du transport des colis et bagages avant d'être occupé par la société requérante dès 1998, a été affecté au service public et spécialement aménagé pour les besoins de celui-ci. Enfin, il est constant que la parcelle en cause n'a pas fait l'objet d'une procédure de déclassement. Par suite, la parcelle concernée relevant du domaine public de la société SNCF Réseau, la société Haber France n'est pas fondée à soutenir que le litige ne relève pas de la compétence du juge administratif.

Sur le caractère sérieusement contestable de l'obligation :

5. Aux termes de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ". Aux termes de l'article 8 de la convention d'occupation du 19 novembre 2018 : " l'occupant paie à SNCF Réseau une redevance dont le montant annuel, hors taxes, est fixé à cent quarante-cinq mille (145 000.00 HT) euros. ". L'article 9 de cette convention précise que " le montant de la redevance hors taxes sera indexé à chaque échéance annuelle en fonction des variations de l'indice des loyers des activités (ILAT) publié par l'INSEE ou de celui qui lui serait substitué par les pouvoirs publics. ". Selon l'article 11 de la même convention : " /(...)/2. L'occupant rembourse à SNCF Réseau sur la base d'un forfait annuel global le montant des impôts et taxes que SNCF Réseau est amené à acquitter du fait du bien occupé. / Le montant annuel du forfait est fixé à cinquante-deux mille sept cent cinquante-cinq euros (52 755,00 € HT) hors taxes, TVA en sus, il est payable aux conditions et selon la périodicité fixées pour le paiement de la redevance. ".

6. D'une part, la société Haber France soutient que le montant annuel de la redevance mise à sa charge à partir de juillet 2018 par la convention d'occupation du 19 novembre 2018 a été augmenté de manière excessive au regard de celui prévu par la convention du 17 juillet 2015, passant de 139 500 euros à 145 000 euros TTC alors que la superficie du terrain occupé a diminué, passant de 5 900 à 4 804 m2. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le montant de la redevance mise à la charge de la société requérante serait excessif au regard des avantages de toute nature procurés à celle-ci, alors, au demeurant, que la convention du 19 novembre 2018 précisant le montant de la redevance d'occupation et la durée du 1er août 2018 au 31 décembre 2020 a été signée par la société requérante, sans qu'aucune contestation ait été formulée par elle avant la signature et nonobstant la circonstance que la redevance due pour le mois de juillet 2018 ait été calculée selon les modalités prévues par la convention du 19 novembre 2018, dont les stipulations ne sont entrées en vigueur qu'au 1er août 2018.

7. D'autre part, si la société requérante estime que le montant de 52 755 euros ne correspond pas à un remboursement des impôts et taxes incombant à la société SNCF Réseau, il résulte des termes mêmes de l'article 9.2 des conditions générales annexées à la convention du

19 novembre 2018 et de l'article 11.2 de cette convention, que les parties ont fixé un forfait annuel global de 52 755 euros HT pour les impôts et taxes que la société SNCF Réseau acquitte du fait du bien occupé. Au demeurant, il résulte de l'instruction que le forfait contractuel, qui se fonde sur l'actualisation de la taxe foncière, a été établi sur la base de la valeur locative cadastrale et des taux d'impositions connus à la date de la signature de la convention (taux de 2017). En conséquence, la société Haber France n'est pas fondée à soutenir que le montant forfaitaire dû à la société SNCF Réseau au titre des impôts et taxes et fixé par la convention d'occupation serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Enfin, la société requérante, qui n'établit pas l'existence d'un comportement fautif de la société SNCF Réseau et qui, comme cela a été exposé précédemment, a signé la convention du

19 novembre 2018, n'est pas fondée à demander à être exonérée d'une partie des sommes mises à sa charge.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Haber France à fin d'annulation de l'ordonnance du 30 juin 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Paris doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

10. La société SNCF Réseau n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société Haber France tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

11. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement à la société SNCF Réseau d'une somme de 1 500 euros en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Haber France est rejetée.

Article 2 : La société Haber France versera à la société SNCF Réseau la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Haber France et à la société SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure, Le président,

I. JASMIN-SVERDLIN S. DIÉMERT

La greffière

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03330


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03330
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22pa03330 ?
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