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07/02/2024 | FRANCE | N°22PA01018

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 07 février 2024, 22PA01018


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) TM Group a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 et du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014, ainsi que des majorations et intérêts de retard correspondants et de l'amende prévue à l'article 1737 du code général des impôts appliquée au titre des années 2010 à 2014.



Par un jugement no 1905233/1-3 du 5 janvier 2022, le Tribunal administratif de Paris a constaté q...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) TM Group a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 et du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014, ainsi que des majorations et intérêts de retard correspondants et de l'amende prévue à l'article 1737 du code général des impôts appliquée au titre des années 2010 à 2014.

Par un jugement no 1905233/1-3 du 5 janvier 2022, le Tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de la société TM Group à hauteur de la somme de 2 760 392 euros correspondant à la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mars et 4 novembre 2022, la société TM Group, représentée par Me Krief, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1905233/1-3 du 5 janvier 2022 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 et du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014, de la majoration et des intérêts de retard correspondant et de l'amende prévue à l'article 1737 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- ayant déjà fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010, 2011 et 2012, elle ne pouvait faire l'objet d'un contrôle sur pièces sur les mêmes exercices ;

- les rectifications proposées dans le cadre de la procédure de contrôle sur pièces n'ont été rendues possibles que par des investigations dont la nature et l'ampleur excluaient un simple contrôle sur pièces ;

- le service n'a pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles il a prononcé le rejet de sa comptabilité ;

- le rejet de sa comptabilité, qui ne repose que sur les déclarations d'une seule personne et non sur des constatations faites par le service au cours du contrôle, est dénué de fondement ;

- les avis de mise en recouvrement sont irréguliers dès lors que :

- ils auraient dû être adressés aux personnes que le service a considéré comme étant les gérants de fait ;

- ils ne mentionnent pas les articles du code général des impôts qui ont fondé les redressements et l'application de l'amende ;

- les propositions de rectification ne sont pas suffisamment motivées s'agissant de l'existence de factures de complaisance ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve de ce que la taxe sur la valeur ajoutée dont la déductibilité a été remise en cause est afférente à des factures de complaisance et de ce qu'elle avait connaissance qu'elle participait à un circuit de fraude ;

- l'insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée constatée par le service au titre de l'exercice clos en 2014 a donné lieu à une régularisation, de sorte que l'administration ne pouvait mettre en recouvrement les sommes en cause, ni constater l'existence d'un profit sur le Trésor ;

- l'application de l'amende prévue à l'article 1737 du code général des impôts n'est pas suffisamment motivée ;

- l'application de cette amende n'est pas justifiée ;

- elle est fondée à demander la décharge des majorations et amendes en application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- l'administration n'aurait pas dû mettre en recouvrement la majoration pour manœuvres frauduleuses.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 juin et 7 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société TM Group, qui exerce une activité de vente de produits de prêt-à-porter féminin et masculin, accessoires de mode et maroquinerie, a d'abord fait l'objet, en 2013, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 12 mai 2009 au 30 septembre 2012 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, notamment, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée par des propositions de rectification des 23 décembre 2013 et 9 juillet 2014. Puis elle a fait l'objet, en 2015 et 2016, d'un contrôle sur pièces au titre de la période allant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 et d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014. A l'issue de ces deux derniers contrôles, l'administration lui a notifié, dans le cadre de la procédure contradictoire, par deux propositions de rectification du 5 octobre 2016, confirmées par deux réponses aux observations du contribuable du 16 décembre 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 et du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014 assortis de majorations et intérêts de retard. L'administration lui a également appliqué l'amende prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre des années 2010 à 2014. La SAS TM Group fait appel du jugement du 5 janvier 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la majoration pour manœuvres frauduleuses, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

3. D'une part, les propositions de rectification du 5 octobre 2016 mentionnent, après avoir rappelé les textes applicables, les motifs ayant conduit le service à remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur certaines factures, regardées comme des factures de complaisance, les impôts concernés, les années auxquelles ces impositions sont établies ainsi que le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société TM Group. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les informations relatives aux treize fournisseurs ayant établi lesdites factures mentionnées dans les propositions de rectification, auxquelles étaient jointes des tableaux retraçant, pour chaque fournisseur, la date de la facture, la date du paiement et le montant, étaient suffisantes pour lui permettre de présenter utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation des propositions de rectification doit être écarté.

4. D'autre part, contrairement à ce que soutient la SAS TM Group, la proposition de rectification du 5 octobre 2016 établie à l'issue de la vérification de comptabilité de la société indique précisément les motifs pour lesquels le vérificateur a prononcé le rejet de sa comptabilité. En effet, celle-ci indique qu'il résulte des déclarations faites par Mme A..., le 12 février 2016, et Mme Tran, le 17 décembre 2014, que la comptabilité de la société TM Group comprenait des factures de complaisance et que la société TM Group était l'organisatrice d'un schéma de fraude. Dès lors, l'administration a indiqué avec précision les motifs pour lesquelles elle a prononcé le rejet de la comptabilité de la société TM Group.

5. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que les avis de mise en recouvrement du 31 mai 2017 seraient irréguliers par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 6 et 7 de leur jugement.

6. Enfin, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période ".

7. D'une part, la société TM Group soutient qu'ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 12 mai 2009 au 30 septembre 2012 ayant abouti à la notification de deux propositions de rectification des 23 décembre 2013 et 9 juillet 2014, l'administration ne pouvait réaliser un contrôle sur pièces portant sur la même période et les mêmes impôts. Toutefois, les dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à ce que l'administration, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, répare dans le délai de reprise les insuffisances ou erreurs dont la découverte résulte de l'examen du dossier du contribuable.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que pour établir les redressements litigieux et considérer que la société TM Group avait enregistré en comptabilisé des factures de complaisance et déduit à tort la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces factures, le service s'est fondé sur les pièces obtenues dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, à savoir les procès-verbaux d'audition de Mme A..., qui a été regardée comme étant la gérante de fait de la société TM Group, et de Mme Tran, secrétaire commerciale de la société, ainsi que les éléments issus des " comptes fournisseurs " de la comptabilité de la société requérante, saisie par l'autorité judiciaire. Si l'administration a, au cours du contrôle et en tout état de cause sur pièces, pris connaissance de certains éléments issus de la comptabilité de la société, elle n'a procédé à aucun examen critique des pièces comptables consultées au regard des déclarations de la contribuable et n'a pas fondé les redressements litigieux, dont le principe résulte de la seule remise en cause de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, au regard des pièces comptables consultées mais aussi et surtout au regard des déclarations faites par Mme A... et Mme Tran au cours de la procédure pénale. La circonstance que la consultation des " comptes fournisseurs " et des factures émises par treize fournisseurs ont permis à l'administration d'évaluer le montant de la taxe déduite à tort n'est pas de nature à établir que celle-ci aurait procédé à une vérification de la comptabilité de la société TM Group. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société requérante, le service n'a pas tenu compte d'éléments relevés au cours de la vérification de comptabilité engagée en 2013 et la circonstance que les deux propositions de rectification du 5 octobre 2016, établies l'une à l'issue du contrôle sur pièces, l'autre à l'issue de la vérification de comptabilité, aient été établies le même jour n'est pas de nature à établir que le contrôle sur pièces aurait constitué une vérification de comptabilité. Dès lors, les moyens tirés de l'irrégularité du contrôle sur pièces portant sur la période du 30 septembre 2009 au 1er octobre 2012 et de ce que la société aurait été privée des garanties attachées à la procédure de vérification de comptabilité doivent être écartés.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

Quant à la remise en cause du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courue du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2014 :

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, pour rejeter la comptabilité de la SAS TM Group comme étant dépourvue de valeur probante, l'administration fiscale a considéré que, compte tenu des déclarations faites par Mme A..., auditionnée dans le cadre de la procédure pénale, celle-ci avait enregistré en comptabilité des factures de complaisance et que cette société était l'organisatrice d'un schéma de fraude. Il résulte des procès-verbaux d'audition de Mme A..., établis dans le cadre de la procédure pénale, les 20 mai 2015 et 12 février 2016, que celle-ci déclaré qu'elle gérait depuis l'année 2010 la société TM Group, que M. C... n'était que le gérant de droit de cette société, qu'elle prenait les décisions et était en possession de la carte bancaire de la société, des chéquiers et des codes pour la réalisation des virements. Elle a également reconnu que " tous les facturiers français " étaient de " faux facturiers " qui permettaient d'écouler le surplus de marchandise non déclaré en provenance de Chine, qu'elle commandait elle-même les " fausses factures ", que son interlocuteur les " fabriquait " et que ces factures étaient ensuite enregistrées dans la comptabilité de la société TM Group, à sa demande, par son fils puis donnaient lieu à une remise d'argent en espèces par ces sociétés. Les déclarations de Mme A... ont été confirmées par celles de la secrétaire commerciale de la société qui a déclaré au cours de son audition du 17 décembre 2014 que, selon elle, les factures émanant des fournisseurs français étaient " fausses " dès lors que la marchandise achetée provenait toujours de Chine. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale a pu, pour considérer qu'elle avait enregistré en comptabilité des factures de complaisance et mis en place un schéma de fraude, se fonder sur les déclarations de Mme A... dès lors que celle-ci a reconnu exercer un pouvoir de décision au sein de la société TM Group et pouvait ainsi être regardée comme la gérante de fait de la société et que la SAS TM Group n'a contesté les constatations du service, quant au rôle de Mme A... dans la société, ni dans ses observations en réponse aux propositions de rectification du 5 octobre 2016 ni même dans le cadre de la présente instance. Pour ces motifs, le service, qui n'était pas tenu de dresser un procès-verbal, a pu rejeter la comptabilité de la société requérante comme étant dépourvue de valeur probante. Par ailleurs, le service ne s'est pas fondé, pour rejeter la comptabilité de la société TM Group sur les ventes non déclarées, les anomalies de stock et quantités d'achats vendus et le taux de marge appliqué. La société requérante ne peut utilement soutenir que ces anomalies ne seraient pas établies. En tout état de cause, le service n'a pas procédé à une reconstitution de recettes pour asseoir les rectifications litigieuses. Dès lors, le moyen tiré de ce que le rejet de la comptabilité de la société requérante ne serait pas justifié doit, en tout état de cause, être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 272 du même code : " (...) / 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. (...) ". Aux termes de l'article 283 dudit code : " (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. (...) ".

11. En vertu des dispositions combinées des articles précités du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.

12. Pour considérer que les factures émises par treize fournisseurs établis en France étaient des factures de complaisance, l'administration s'est fondée, ainsi qu'il a été dit précédemment, sur les déclarations faites par Mme A..., gérante de fait de la société, qui a indiqué que tous les fournisseurs français étaient de " faux facturiers ", qu'elle commandait les fausses factures auprès de ces fournisseurs et que ces factures permettaient de justifier de l'achat non déclaré de marchandise en provenance de Chine. L'administration a également tenu compte de la circonstance que les sociétés ayant émis les factures litigieuses étaient, en tout ou partie, récentes, ne disposaient d'aucune infrastructure permettant une activité normale, ni d'aucun salarié déclaré, avaient une durée de vie relativement courte et étaient défaillantes dans l'accomplissement de leurs obligations fiscales déclaratives. Par ailleurs, ainsi que le soutient le ministre en défense, la société TM Group savait que les factures reçues de ces fournisseurs étaient des factures de complaisance dès lors que la gérante de fait de cette société a elle-même reconnu qu'elle " commandait " ces factures auprès de ces sociétés et demandait à son fils de les enregistrer en comptabilité, que ces factures étaient payées par virement ou chèque et donnait lieu à une remise d'argent en espèces par le fournisseur qui était payé " avec la TVA ". L'administration établit, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, que les factures émises par les treize sociétés établies en France mentionnées dans les propositions de rectification, et qui ont été enregistrées dans la comptabilité de la SAS TM Group, constituent des factures de complaisance et que la contribuable en avait connaissance. Il appartient ainsi à la société requérante d'apporter toutes justifications utiles en sens contraire. Si la société TM Group soutient que M. C..., qui était le gérant de droit, a contesté sa participation à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne conteste pas sérieusement que dans les faits, Mme A... gérait la société. La circonstance que les factures aient été payées par la société TM Group et qu'il n'existe aucun rapport de dépendance entre elle et les fournisseurs établis en France sont sans incidence sur l'existence de factures de complaisance. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures établies par les treize sociétés établies en France. La société requérante n'est donc pas fondée à solliciter la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause.

Quant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période courue du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 :

13. Le moyen tiré de ce que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée ne seraient pas justifiés doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 9 de leur jugement.

Sur les pénalités :

14. En premier lieu, aux termes de la première phrase de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. (...) ".

15. Si la société TM Group soutient que l'ensemble des majorations et amende dont elle a fait l'objet doivent être déchargées en application des dispositions précitées, il résulte de ce qui précède qu'elle n'établit, en tout état de cause, pas qu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut infliger l'amende ainsi prévue à la charge de la personne qui a délivré la facture ou à la charge de la personne destinataire de la facture si elle établit que la personne concernée a soit travesti ou dissimulé l'identité, l'adresse ou les éléments d'identification de son client ou de son fournisseur, soit accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom.

17. D'une part, en indiquant qu'au vu des éléments obtenus au moyen des droits de communication exercés auprès des autorités judiciaires il a été établi que la famille B..., gérant de fait de la société TM Group, " avait été l'instigatrice du système des fausses factures qui bénéficiait à cette dernière en lui permettant de déduire la TVA afférente à ces factures qualifiées de factures de complaisance ", le service a suffisamment motivé l'application de l'amende mentionnée à l'article précité.

18. D'autre part, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration a pu se fonder sur les déclarations faites par Mme A... pour considérer que la société avait déduit la taxe sur la valeur ajoutée grevant des factures de complaisance et qu'elle ne pouvait ignorer que ces factures avaient cette nature. En relevant que la société TM Group avait été l'instigatrice d'un système de factures de complaisance, le service établit que cette société avait accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête nom.

19. Enfin, la société requérante ne peut utilement soutenir que la majoration pour manœuvres frauduleuses, qui a été dégrevée le 19 août 2019 par l'administration, n'aurait pas dû être mise en recouvrement.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS TM Group n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 5 janvier 2022 du Tribunal administratif de Paris et la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, majorations, intérêts de retard et amende mis à sa charge.

Sur les dépens de l'instance :

21. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête ou de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ". La présente instance n'ayant pas comporté de tels frais, les conclusions de la société requérante tendant à l'application de cet article ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SAS TM Group et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la SAS TM Group est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS TM Group et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure ;

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.

La rapporteure,

N. ZEUDMI SAHRAOUILe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01018
Date de la décision : 07/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-07;22pa01018 ?
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