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27/02/2024 | FRANCE | N°22PA03896

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 27 février 2024, 22PA03896


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I- Par une requête n° 2006130 l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Parisienne de Rénovation a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 et, d'autre part, d'enjoindre qu'il soit su

rsis au paiement des impositions contestées.



II- Par une requête n° 2114810 l'EURL Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- Par une requête n° 2006130 l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Parisienne de Rénovation a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 et, d'autre part, d'enjoindre qu'il soit sursis au paiement des impositions contestées.

II- Par une requête n° 2114810 l'EURL Parisienne de Rénovation a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016.

III- Par une requête n° 2114815 M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.

Par un jugement n° 2006130, 2114810, 2114815 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 2006130 tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels l'EURL Parisienne de Rénovation a été assujettie au titre de l'année 2015, à hauteur du dégrèvement de 369 euros d'intérêts de retard sur la taxe sur la valeur ajoutée, accordé le 10 août 2020, et, sur les conclusions de la requête n° 2114815 tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti, à hauteur du dégrèvement de 932 euros en droits au titre de l'année 2015 et de 764 euros en droits et 13 euros en pénalités au titre de l'année 2016, accordé le 8 mars 2022, et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions des demandes de l'EURL Parisienne de Rénovation et de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2022, M. B..., représenté par Me Sanchez, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006130, 2114810, 2114815 du 21 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché de contradiction de motifs dans l'application des règles de charge de preuve concernant la déduction des frais de réception ;

- les frais de réception déduits des bénéfices de la société Parisienne de Rénovation sont justifiés par l'intérêt de l'exploitation, le caractère déductible des charges a été identifié dans son principe et son montant et seule l'identification du client fait défaut ce qui, n'enlève pas le caractère probant à la pièce justificative ;

- la charge exceptionnelle reprise correspond au règlement d'une dette de taxe sur la valeur ajoutée liée à un précédent contrôle qui ne peut se traduire par un désinvestissement taxable en revenus de capitaux mobiliers entre ses mains ;

- l'administration n'apporte pas la preuve d'un désinvestissement et de l'appréhension du revenu distribué correspondant, s'agissant des apports en compte courant d'associé et des dettes fournisseurs ayant effectivement fait l'objet d'un règlement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Parisienne de Rénovation, qui exerce une activité principale de rénovation (décoration intérieure, peinture, revêtement de sols et murs) essentiellement pour des particuliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. L'administration fiscale lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2014 à 2016 par une proposition de rectification du 20 décembre 2018. M. B..., associé unique de l'EURL Parisienne de Rénovation, a également fait l'objet d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel l'administration lui a notifié, par une proposition de rectification du 31 octobre 2017, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2015 et 2016, résultant de la réintégration à son revenu imposable de sommes regardées comme distribuées par l'EURL Parisienne de Rénovation, sur le fondement de l'article 109 1 1° du code général des impôts. Par un jugement n° 2006130, 2114810, 2114815 du 21 juin 2022 dont M. B... interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 932 euros en droits au titre de l'année 2015 et de 764 euros en droits et 13 euros en pénalités au titre de l'année 2016, a rejeté le surplus de la demande de M. B....

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre les impositions attaquées dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs pour demander l'annulation du jugement attaqué, un tel moyen tendant en réalité à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur la preuve du droit à déduction, par l'EURL Parisienne de Rénovation, de frais de réception dont la réintégration a fondé la taxation d'une distribution de bénéfices entre les mains du requérant.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. Aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

4. M. B..., qui n'a produit aucune observation dans le délai qui lui était ouvert pour répondre à la proposition de rectification du 31 octobre 2017 portant sur les années 2015 et 2016, ne peut obtenir la décharge des suppléments d'impositions mis à sa charge au titre de ces années qu'en apportant la preuve de leur exagération selon l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, s'agissant notamment de l'appréhension des sommes taxées entre ses mains sur le fondement de l'article 109 1 1° du code général des impôts.

En ce qui concerne la distribution :

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

Quant aux frais de réception et de restauration :

6. L'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de sommes comptabilisées en charges et supportées par la société Parisienne de Rénovation et a ainsi réintégré dans les résultats de cette dernière des frais de restauration et réception pour des sommes totales respectivement de 4 534 euros en 2015 et 6 647 euros en 2016 au motif que l'exposition de ces charges dans l'intérêt de la société n'avait pas été démontrée. M. B... conteste la réintégration de la totalité des frais de restaurant et de réception en cause.

7. En se bornant à soutenir que la circonstance que les tickets de caisse produits pour les dépenses telles celles exposées auprès des sociétés Leroy Merlin, Relais Parc Monceau, ou BetB Hôtels ne mentionnent pas le nom de la société Parisienne de Rénovation et que les factures afférentes aux repas pris ne précisaient pas les personnes invitées, les noms de ces personnes ayant été rajoutés à la main postérieurement au contrôle, ne peut faire obstacle à la déduction des sommes en litige, et à faire valoir que la fidélisation des clients passe également par la prise de repas communs sur les lieux de chantier et que certaines sommes sont modiques, M. B... n'apporte pas la preuve lui incombant du caractère déductible des dépenses en cause. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a taxé, entre ses mains, la distribution de bénéfices résultant de la réintégration de cette déduction opérée à tort par la société Parisienne de Rénovation.

8. Il résulte de ce qui précède que le tribunal n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs en relevant que l'ajout du nom des personnes invitées sur les tickets de caisse ne permettait pas à la société Parisienne de Rénovation de justifier du caractère déductible des frais de réception et de restauration en litige.

Quant à la charge exceptionnelle :

9. La société Parisienne de Rénovation a comptabilisé au compte de charges exceptionnelles n° 678800 un montant de 2 014 euros au titre de l'exercice 2016 correspondant au paiement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant d'un précédent contrôle fiscal sur l'année 2010. Cette charge exceptionnelle n'a pas été admise en déduction dès lors qu'elle se rapporte à une dette fiscale déjà par le jeu de la cascade de taxe sur la valeur ajoutée appliquée par l'administration au stade de la détermination des conséquences financières de ce précédent contrôle.

10. En se bornant à affirmer que la charge exceptionnelle reprise en cause est un règlement d'une taxe sur la valeur ajoutée liée à un précédent contrôle qui ne peut traduire un désinvestissement taxable en revenus de capitaux mobiliers entre ses mains, alors que, comme indiqué ci-dessus, le paiement du rappel en cause avait déjà été déduit au titre de l'impôt sur les sociétés dans le cadre des conséquences financières résultant du précédent contrôle au travers du mécanisme de la " cascade " prévu à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, ce qu'il ne remet pas en cause, M. B... n'apporte pas la preuve lui incombant du caractère déductible de la charge en cause. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a taxé, entre ses mains, la distribution de bénéfices résultant de la réintégration de cette charge déduite à tort par la société Parisienne de Rénovation.

Quant aux dettes fournisseurs non justifiées :

11. La société Parisienne de Rénovation a comptabilisé au compte de charges de gestion courante n° 658000 un montant de 36 465 euros au titre de l'exercice 2016. Lors du contrôle, elle a expliqué que ce montant global de 36 465 euros correspondait à un ensemble de règlements de fournisseurs pour lesquels elle ne disposait pas des factures d'achats, d'où l'existence d'un solde fournisseur divers débiteur en permanence, pour 21 971,86 euros en 2012, 3 241,53 euros en 2013 et 11 250,12 euros en 2014. Dès lors, elle a soldé ces trois comptes fournisseurs débiteurs en 2016 par le débit du compte de charges litigieux. En l'absence de tout justificatif, notamment la production des factures correspondantes, ces charges n'ont pas été admises en déduction et ont été réintégrées, à bon droit, au résultat imposable sur le fondement de l'article 39-1 du code général des impôts.

12. En se bornant à soutenir que l'existence d'un désinvestissement résultant de l'absence de flux à son profit n'est pas établie, alors qu'en sa qualité, non contestée, de maître de l'affaire, M. B... est présumé avoir appréhendé les sommes en cause, regardées à juste titre par l'administration comme constitutives d'une distribution de bénéfices, le requérant n'apporte pas la preuve lui incombant du caractère déductible des sommes en cause.

Quant aux sommes inscrites sur le compte courant d'associé :

13. Lors des opérations de vérification, le service a demandé à la société Parisienne de Rénovation de justifier les mouvements créditeurs du compte courant d'associé n° 455000 au nom de M. B... totalisant un montant de 7 540,52 euros. La société n'ayant produit aucun justificatif, ces apports affectant le compte courant d'associé ont été considérés comme un passif injustifié et réintégrés au résultat imposable de la société vérifiée au titre de l'exercice 2015, sur le fondement de l'article 38-2 du code général des impôts. Toutefois, dans le cadre de sa réclamation contentieuse, la société a fait valoir que la somme de 1 500 euros constituait un règlement par chèque personnel de M. B... et que les autres apports en compte courant proviendraient d'erreurs liées à des imputations erronées sur le compte courant. Au regard de ces éléments, l'administration a prononcé un dégrèvement correspondant à l'apport de 1 500 euros et maintenu les rehaussements pour le montant restant en litige.

14. Dans ses écritures, d'une part, si M. B... soutient que la taxation de cette somme au niveau de la société sur le fondement de l'article 38-2 du code général des impôts ne constitue pas une preuve suffisante d'un désinvestissement, il ne conteste pas que les sommes litigieuses ont été inscrites au crédit de son compte courant, alors qu'il ne justifie d'aucune contrepartie au profit de la société sous la forme, notamment, du règlement de dépenses dans l'intérêt de cette dernière.

15. D'autre part, si le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire, et si cette qualité suffit à présumer le contribuable bénéficiaire des revenus réputés distribués, en application du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, par la société en cause, M. B..., gérant et unique associé de la société Parisienne de Rénovation, seul chargé de sa gestion et de sa direction effective, interlocuteur privilégié de ses fournisseurs, salariés et clients et disposant du contrôle de ses fonds, doit être regardé comme étant le maître de l'affaire. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a taxé entre ses mains, outre la distribution de bénéfices résultant de la réintégration des dettes fournisseurs non justifiées, mentionnées ci-dessus, celle résultant de l'apport non justifié à son compte courant d'associé dans la société Parisienne de Rénovation.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 février 2024.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03896 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03896
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SANCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22pa03896 ?
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