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27/02/2024 | FRANCE | N°23PA02917

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 27 février 2024, 23PA02917


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 mai 2023 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait éloigné sans délai du territoire français et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement n° 2311343 du 2 juin 2023 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2023, M. A... r...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 mai 2023 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait éloigné sans délai du territoire français et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement n° 2311343 du 2 juin 2023 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 3 juillet 2023, M. A... représenté par Me Garcia, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2311343 du 2 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de police en date du 18 mai 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois ; 2°) d'annuler l'arrêté attaqué ; 3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) d'enjoindre au préfet de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen dans un délai de deux mois ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - la décision portant interdiction de retour est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2023 le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 21 avril 2001, a fait l'objet d'un arrêté en date du 18 mai 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement n° 2311343 du 2 juin 2023 dont M. A... interjette régulièrement appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 dudit code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ". 3. D'une part, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que celui-ci comporte les considérations de droit et de fait de l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français puisqu'il vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le 1° de l'article L. 611-1 précité et mentionne que le requérant est dépourvu de document de voyage, n'apporte pas la preuve de son entrée régulière sur le territoire et n'a pas accompli de démarches en vue de la régularisation de sa situation administrative. L'arrêté indique également que l'intéressé est célibataire sans charge de famille ; le préfet en déduit que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la décision opposée au requérant ne contrevient pas aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, en plus de ce qui a été développé supra, l'arrêté vise les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que le comportement de l'intéressé a été signalé par les services de police le 17 mai 2023 pour vol dans un local d'entrepôt de marchandises et que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, à savoir une obligation de quitter le territoire français du 2 avril 2021. Enfin, s'agissant spécifiquement de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'arrêté attaqué mentionne la date d'entrée de M. A... sur le territoire français, ses conditions de séjour en France et notamment ses liens sur le territoire, l'existence d'une menace pour l'ordre public, et d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle le requérant s'est soustrait. Par suite, en faisant ainsi état de l'ensemble des critères auxquels est subordonnée l'édiction d'une telle décision, la décision d'interdiction de retour attaquée est suffisamment motivée. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté attaqué est suffisamment motivé en droit comme en fait. Par suite, le moyen doit être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. 5. M. A... soutient être arrivé en France en 2016 à l'âge de 14 ans, y être inséré grâce à son parcours d'étudiant qu'il poursuit et vivre aux côtés de sa mère qui est en situation régulière sur le territoire national. Toutefois, le requérant ne produit aucune pièce pour démontrer sa présence habituelle et continue en France depuis 2016. L'intéressé, qui est célibataire et sans charges de famille, ne démontre pas non plus avoir fixé sur le territoire français le centre de ses intérêts privés et il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par ailleurs, malgré la réussite de son parcours scolaire qu'il revendique, il n'apporte pas la preuve d'une insertion particulière à la société française. En outre, s'il déclare avoir repris en 2021 ses études et être actuellement en deuxième année d'alternance afin d'obtenir un CAP dans le bâtiment au sein de l'institut Knowledge, il ne l'établit pas et ne démontre pas, par ailleurs, qu'il ne pourrait pas poursuivre sa formation dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en édictant les décisions en litige, a porté atteinte à sa vie privée et familiale. Il n'est pas fondé à se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté. 6. En troisième lieu, M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. 7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ". 8. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. 9. Il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il a déjà été dit au point 5, que, si M. A... déclare être entré en France en 2016 à l'âge de 14 ans et a grandi aux côtés de sa mère sur le territoire qui est en situation régulière, il ne justifie pas avoir maintenu des liens intenses avec elle. Il est par ailleurs célibataire et sans charge de famille en France. Il ne présente aucune insertion professionnelle stable et durable. En revanche, il s'est précédemment maintenu en situation irrégulière sur le territoire en s'abstenant de solliciter la délivrance ou le renouvellement de ses autorisations de séjour et n'a pas donné suite à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 2 avril 2021. En outre, son comportement constitue une menace à l'ordre public pour le motif rappelé au point 3 du présent arrêt. Il s'ensuit que le préfet de police pouvait légalement considérer et sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale que M. A... ne présentait pas de circonstance humanitaire justifiant qu'il ne soit à titre exceptionnel pas prononcé d'interdiction de retour, prendre à son encontre une telle mesure et en fixer la durée à vingt-quatre mois. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police du 18 mai 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.Copie en sera adressée au préfet de police.Délibéré après l'audience du 2 février 2024 à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère, - Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 février 2024. La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA02917 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02917
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL GARCIA & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;23pa02917 ?
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