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02/04/2024 | FRANCE | N°23PA04794

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 02 avril 2024, 23PA04794


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 30 août 2023 par lesquels le préfet de police a décidé leur transfert aux autorités italiennes.



Par un jugement n° 2321183-2321185 du 20 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. et Mme E... une attestation de demandeur d'asi

le en procédure normale.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 30 août 2023 par lesquels le préfet de police a décidé leur transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2321183-2321185 du 20 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. et Mme E... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2023, le préfet de police demande à la Cour d'annuler les articles 2 à 4 du jugement du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande de M. et Mme E....

Il soutient que :

- c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a retenu, pour annuler l'arrêté décidant le transfert de Mme E..., le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a retenu, pour annuler l'arrêté décidant le transfert de M. E..., le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les arrêtés contestés ont été signés par une autorité compétente ;

- ils sont suffisamment motivés et ont été précédés d'un examen sérieux de la situation de M. et Mme E... ;

- les arrêtés contestés n'ont pas été pris à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- ils ne sont pas contraires à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 et à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils ne méconnaissent pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2024, M. D... E... et Mme A... E..., représentés par Me Fournier, demandent le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et doivent être regardés comme concluant au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros hors taxes à verser à Me Fournier sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce au bénéficie de la part contributive de l'Etat ou, dans l'hypothèse où ils ne seraient pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à ce que cette somme leur soit versée.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés contestés méconnaissent l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- ils sont signés par une autorité incompétente ;

- ils ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- ils sont insuffisamment motivés et n'ont pas été précédés d'un examen sérieux de leur situation ;

- ils sont contraires à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 3 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- et les observations de Me Fournier, représentant Mme et M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ressortissants guinéens, sont entrés irrégulièrement en France et ont déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de police. La consultation de la borne Eurodac a révélé que M. E... avait sollicité l'asile auprès des autorités italiennes le 24 juillet 2017 et que Mme E... avait franchi irrégulièrement les frontières italiennes le 19 février 2023. Saisies le 1er juin 2023 d'une demande de reprise en charge de M. E... et de prise en charge de Mme E..., les autorités italiennes ont accepté, le 14 juin 2023, la reprise en charge de M. E... et ont implicitement accepté la prise en charge de Mme E.... Par deux arrêtés du 30 août 2023, le préfet de police a décidé le transfert de

M. et Mme E... aux autorités italiennes. Il relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés.

Sur l'arrêté du 30 août 2023 relatif à Mme E... :

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal pour annuler cet arrêté :

2. Aux termes de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

3. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que l'Italie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.

4. Pour annuler l'arrêté du 30 août 2023 décidant le transfert de Mme E... vers l'Italie, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a retenu qu'en produisant la lettre circulaire du 5 décembre 2022 du ministre italien de l'intérieur demandant une suspension des transferts " Dublin " du fait de l'importance des flux migratoires ainsi que de décisions de juridictions de certains Etats de l'Union, Mme E... apportait la preuve de ce que ses craintes relatives au défaut de protection en Italie étaient fondées. Toutefois, cette note, qui se borne à demander à ses homologues " une suspension temporaire " des transferts de demandeurs d'asile en Italie pour des motifs purement techniques liés à la saturation des centres d'accueil, ne saurait, par elle-même, établir qu'il existerait en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Par ailleurs, les circonstances que Mme E... n'a pas déposé de demande d'asile en Italie alors qu'il n'est pas même allégué qu'elle aurait cherché à le faire et que les autorités italiennes n'ont donné qu'un accord implicite à sa prise en charge ne sont pas de nature à établir l'existence de telles défaillances. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013.

5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif à l'encontre de cet arrêté.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme E... contre cet arrêté :

6. En premier lieu, par un arrêté du 23 août 2023 régulièrement publié, le préfet de police a donné délégation à Mme C... B..., attachée au bureau de l'accueil de la demande d'asile de la préfecture de police, à l'effet de signer tous arrêtés dans la limite de ses attributions. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté manque en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... s'est vu délivrer le 17 mai 2023, lors de son entretien individuel, les brochures prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en langue française, langue qu'elle a déclaré comprendre, et qu'elle en a accusé réception sans émettre de réserves. Elle a également confirmé lors de cet entretien que l'information sur les règlements communautaires lui avait été remise. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une communication orale de ces informations était nécessaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

10. Ni ces dispositions, ni aucun principe n'imposent, contrairement à ce que soutient Mme E..., que figure sur le compte-rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien ou sa durée. D'une part, il ressort du résumé de l'entretien individuel de Mme E... que son entretien a été mené par un agent qualifié du bureau de l'accueil de la demande d'asile. D'autre part, Mme E... ne fait état d'aucune information qu'elle n'aurait pas été mise à même de communiquer en raison d'une durée insuffisante de l'entretien. Il ressort d'ailleurs du résumé de cet entretien qu'elle n'a pas souhaité faire de déclarations supplémentaires et a indiqué avoir compris l'ensemble des termes de l'entretien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. En quatrième lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé. Il est, par suite, suffisamment motivé.

12. En cinquième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de police a pris en considération la présence de l'enfant mineure de Mme E..., l'absence d'impossibilité pour elle de retourner en Italie, l'absence de risque d'atteinte à son droit d'asile dans ce pays et la circonstance que son transfert en Italie ne portait pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cet arrêté n'aurait pas été précédé d'un examen sérieux de la situation de Mme E... doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 8 de la même convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

14. Si Mme E... se prévaut de son état de grossesse, de ce qu'elle est atteinte d'une hépatite B et de la vulnérabilité de son enfant, née le 9 avril 2023 et atteinte d'une pathologie rare, la seule circonstance que l'Italie a seulement donné un accord implicite à sa demande de prise en charge n'est pas de nature à établir que sa prise en charge et celle de son enfant ne pourraient pas être assurées en Italie. En outre, si le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a préconisé le maintien en Ile-de-France de Mme E... et de son enfant, il ressort des termes de cet avis que la nécessité de ce maintien est seulement liée à la prise en charge de l'enfant à l'hôpital Robert Debré, sans qu'il ne ressorte des pièces du dossier que cette prise en charge ne pourrait pas avoir lieu dans un autre hôpital, notamment dans un hôpital italien. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... ne pourrait être prise en charge pour son hépatite B et sa grossesse, au demeurant postérieure à l'arrêté contesté, en Italie. Enfin, si la requérante soutient que l'Italie n'a pas été informée de sa vulnérabilité et de celle de son enfant, il ressort des termes de l'article 32 du règlement (UE)

n° 604/2013 du 26 juin 2013 que cette information ne doit être transmise qu'avant l'exécution de l'arrêté de transfert et non lors de la demande de prise en charge. Il résulte de ce qui précède qu'en prenant l'arrêté contesté, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ni n'a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur l'arrêté du 30 août 2023 relatif à M. E... :

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal pour annuler cet arrêté :

15. Pour annuler l'arrêté du 30 août 2023 décidant le transfert de M. E... vers l'Italie, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a retenu qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la demande d'asile de son épouse avait vocation à être examinée en France. Il résulte toutefois de ce qui précède qu'en l'absence d'obstacle à ce que la demande d'asile de Mme E... soit examinée en Italie, l'arrêté contesté n'a pas pour effet de séparer M. E... de son épouse et de leur enfant. Le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a retenu que l'arrêté du 30 août 2023 de transfert de M. E... méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif à l'encontre de cet arrêté.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. E... contre cet arrêté :

17. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contestée doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.

18. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. E... s'est vu délivrer lors de son entretien individuel le 17 mai 2023 les brochures prévues à l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 en langue française, langue qu'il a déclaré comprendre, et qu'il en a accusé réception sans émettre de réserves. Il a également confirmé lors de cet entretien que l'information sur les règlements communautaires lui avait été remise. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une communication orale de ces informations était nécessaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

19. En troisième lieu, d'une part, il ressort du résumé de l'entretien individuel de M. E... que son entretien a été mené par un agent qualifié du bureau de l'accueil de la demande d'asile. D'autre part, M. E... ne fait état d'aucune information qu'il n'aurait pas été mis à même de communiquer en raison d'une durée insuffisante de l'entretien. Il ressort d'ailleurs du résumé de cet entretien qu'il n'a pas souhaité faire de déclarations supplémentaires et a indiqué avoir compris l'ensemble des termes de l'entretien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

20. En quatrième lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé. Il est, par suite, suffisamment motivé.

21. En cinquième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de police a pris en considération la circonstance que l'Italie avait accepté de prendre en charge son épouse et leur enfant, l'absence d'impossibilité pour M. E... de retourner en Italie et l'absence de risque d'atteinte à son droit d'asile en Italie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cet arrêté n'aurait pas été précédé d'un examen sérieux de la situation de M. E... doit être écarté.

22. En sixième lieu, le moyen tiré ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté pour les motifs exposés aux points 3 et 4.

23. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et aurait méconnu les stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ses deux arrêtés du 30 août 2023, lui a enjoint de délivrer à

M. et Mme E... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et

L. 761-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit que les conclusions de M. et Mme E... présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2321183-2321185 du 20 octobre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Paris auxquelles la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit aux articles 2 à 4 du jugement et leurs conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à

M. D... E..., à Mme A... E....

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bruston, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04794
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : FOURNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23pa04794 ?
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