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26/04/2024 | FRANCE | N°23PA04414

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 26 avril 2024, 23PA04414


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :



1°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;



2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de

quinze jours à compter de la notification du jugement, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, au réexamen de sa situation, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2214675 du 18 septembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2023, Mme D..., représentée par Me Lantheaume, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2214675 du 18 septembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

3°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, au réexamen de sa situation, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation et d'examen complet de sa situation personnelle ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la fraude n'est pas caractérisée et qu'elle contribue avec le père à l'entretien et à l'éducation de leur fille ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'elle réside depuis 2012 en France où elle travaille et où sa fille est scolarisée depuis 2021.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

- les décisions attaquées sont entachées d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;

- les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa fille à l'éducation et à l'entretien de laquelle elle participe avec le père est de nationalité française ;

- les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de la Seine-Saint-Denis, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Hamdi a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo), née le 20 mai 1980, est entrée irrégulièrement en France le 15 avril 2012 et a sollicité, le 3 février 2022, son admission au séjour en qualité de mère d'un enfant français. Mme D... relève régulièrement appel du jugement du 18 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé son pays de renvoi.

Sur les conclusions aux fins d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) / L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué. ".

3. Mme E..., déjà représentée par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle compétent. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 de leur jugement, qu'il y a lieu d'adopter, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".

6. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-8 du même code, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

7. Pour établir l'absence de lien de filiation entre l'enfant de Mme D..., née le 16 mai 2018, et l'auteur de la reconnaissance de paternité, en date du 24 mai suivant, produite par la requérante, M. A... B..., de nationalité française, le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient que cette reconnaissance revêt un caractère frauduleux dès lors que M. B... avait déjà procédé à la reconnaissance de paternité d'un enfant d'une ressortissante étrangère en situation irrégulière, et que l'absence de communauté de vie présente ou passée a été reconnue par les intéressés eux-mêmes. Le préfet a également saisi, le 20 juin 2022, le substitut du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny en application de l'article 40 du code de procédure pénale. En l'absence de contestation de ces éléments, autrement que par le défaut de suite donnée à la saisine du Parquet mentionnée, l'absence de filiation entre l'enfant de la requérante et l'auteur de la reconnaissance de paternité doit être regardée comme établie.

8. En outre, et au demeurant, par la production de quelques factures d'achats pour enfants, des justificatifs de six dépôts de chèques de décembre 2018 à juin 2019 pour des montants de 100 à 228 euros et de cinq virements d'un montant de 100 euros effectués de mars à juillet 2022, soit dans la période précédant la date de la décision attaquée, émanant de M. B..., de deux photographies et deux factures datées du 13 février 2020 et 10 février 2022, la requérante n'apporte pas d'éléments sérieux de nature à établir l'existence d'une contribution de l'auteur de la reconnaissance de paternité mentionnée à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis, à qui il appartenait de faire échec à la fraude mentionnée, a pu légalement refuser, pour ce motif, de délivrer un titre de séjour à la requérante. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

10. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

11. Si Mme D... se prévaut de sa qualité de mère d'un enfant français, l'intéressée n'établit pas, ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8 du présent arrêt, que le ressortissant français qui a reconnu son enfant entretiendrait avec l'enfant des liens d'une particulière intensité. Si elle se prévaut également de sa présence en France depuis avril 2012 et soutient qu'elle travaille en qualité de femme de chambre en intérim puis dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, l'intéressée, qui est célibataire, ne justifie pas d'une particulière intégration dans la société française et ne conteste pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en prenant la décision contestée.

12. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. La requérante ne peut utilement soutenir à l'encontre de la décision contestée, qui a pour seul effet de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle aura pour effet d'interrompre la scolarité de sa fille. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, dès lors, être écarté.

14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7, 8 et 11 du présent arrêt, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

15. En premier lieu, pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 13 de leur jugement, qu'il y a lieu d'adopter, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle.

16. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

18. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de Mme D..., scolarisée à l'école maternelle ne pourrait poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine. En outre, la décision contestée n'a pas pour effet de séparer l'enfant de sa mère ni, compte tenu de ce qui est dit aux points 7 et 8 du présent arrêt, de son père. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

19. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7, 8 et 11 du présent arrêt, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 24 août 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête du Mme D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur et

des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Hamdi, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2024.

La rapporteure,

S. HAMDILe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04414
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Samira HAMDI
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23pa04414 ?
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