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26/04/2024 | FRANCE | N°24PA00021

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 26 avril 2024, 24PA00021


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités autrichiennes. Par un jugement n° 2312789 du 14 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 octobre 2023, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer et de transmettre la demande d'asile de M. C... à l'Office franç

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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités autrichiennes. Par un jugement n° 2312789 du 14 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 octobre 2023, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer et de transmettre la demande d'asile de M. C... à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en application de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement et condamné l'Etat à verser une somme de 1 000 euros à Me Ferhan en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la Cour : I- Par une première requête, enregistrée le 3 janvier 2024 sous le n° 24PA00021, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement attaqué. Il soutient que les conditions prévues aux articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies dès lors que les moyens qu'il invoque à l'appui de sa requête au fond paraissent sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement et que le réexamen de la demande de M. C... lui ouvrirait un droit au séjour auquel il ne peut prétendre. La requête a été communiquée à M. C... qui n'a présenté aucune observation. II- Par une seconde requête, enregistrée le 3 janvier 2024 sous le n° 24PA00022, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2312789 du 14 décembre 2023 précité ; 2°) de rejeter les conclusions de la requête présentée par M. C... devant le tribunal administratif. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a considéré que son arrêté portant transfert de M. C... aux autorités autrichiennes méconnaissait les dispositions des articles 3-2 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 1993 ; - les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2024, et une pièce, enregistrée le 15 mars 2024 et non communiquée, M. C..., représenté par Me Ferhan, demande à la Cour : 1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jours de retard et de rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991 s'il obtient le bénéfice de l'aide juridictionnelle, ou subsidiairement à lui verser s'il ne l'obtient pas. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête du préfet n'est fondé et qu'en outre : - l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen ; - il méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ; - il méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ; - il est entaché d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de la procédure de reprise par les autorités autrichiennes ; - il méconnaît l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 ; - il méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - et les observations de Me Ferhan pour M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., ressortissant égyptien né le 14 février 2002, a déposé une demande d'asile le 8 septembre 2023. Par un arrêté du 19 octobre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de le remettre M. C... aux autorités autrichiennes. Par un jugement n° 2312789 du 14 décembre 2023 dont le préfet de la Seine-Saint-Denis interjette régulièrement appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 19 octobre 2023 décidant du transfert de M. C... aux autorités autrichiennes, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile en procédure normale et de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) / L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué. ". 3. M. C..., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle compétent et n'a pas joint à son appel une telle demande. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Sur la requête n° 24PA00022 : Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 4. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". 5. Pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal a considéré que le préfet de la Seine-Saint-Denis avait méconnu les clauses dérogatoires prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement dit " B... A... " au regard des circonstances particulières entourant la vie privée et familiale de l'intéressé. Le magistrat désigné a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier et des débats lors de l'audience que, d'une part, le père du requérant est un ressortissant égyptien titulaire d'une carte de séjour et que sa mère, particulièrement vulnérable, souffre d'un syndrome dépressif nécessitant une prise en charge médicale depuis la mort accidentelle de son fils en janvier 2023 et, d'autre part, que le requérant apportait le soutien moral et affectif nécessaire à sa mère restant le seul enfant vivant qu'elle a. 6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... séjourne en France aux côtés de ses parents et qu'il apporte à sa mère un soutien moral et affectif important eu égard à la fragilité psychologique dont elle souffre depuis le décès de son plus jeune fils dans des conditions particulièrement douloureuses dans leur pays d'origine. Son état nécessite, outre un suivi spécialisé en psychiatrie, l'accompagnement et l'assistance de son fils et de son époux. Par ailleurs, la mère de M. C... a déposé une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui est actuellement en cours d'instruction et le père du requérant séjourne en France régulièrement depuis plus de seize ans subvient à ses besoins. Au regard des circonstances particulières de l'espèce, c'est à bon droit que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a estimé que le préfet de la Seine-Saint-Denis avait méconnu les clauses dérogatoires prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement dit " B... A... ". 7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 19 octobre 2023. Sur les frais liés à l'instance : 8. M. C... n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros. Sur la requête n° 24PA00021 : 9. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 21PA00022 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation dans son ensemble du jugement du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 24PA00021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement. D E C I D E :Article 1er : Il n'y a pas lieu de prononcer l'admission provisoire de M. C... à l'aide juridictionnelle.Article 2 : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24PA00021.Article 3 : La requête n° 21PA00022 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.Article 4 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... C....Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.Délibéré après l'audience du 5 avril 2024 à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère, - Mme Hamdi, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2024.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERELa greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 24PA00021, 24PA00022 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00021
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;24pa00021 ?
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