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29/04/2024 | FRANCE | N°23PA02757

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 avril 2024, 23PA02757


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris par la requête n° 2212883 d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté son recours formé devant la commission de recours des militaires le 6 janvier 2022 contre la décision du 17 décembre 2021 portant refus d'agrément à la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022, d'annuler les décisions des 19 juillet et 17 décembre 2021 et du 9 février 2022 établissant la list

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris par la requête n° 2212883 d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté son recours formé devant la commission de recours des militaires le 6 janvier 2022 contre la décision du 17 décembre 2021 portant refus d'agrément à la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022, d'annuler les décisions des 19 juillet et 17 décembre 2021 et du 9 février 2022 établissant la liste des colonels retenus pour bénéficier de la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022, en tant qu'elles lui refusent le bénéfice de cette pension et par la requête n° 2215980 d'annuler la décision du 18 juillet 2022 par laquelle le ministre des armées a rejeté son recours formé devant la commission de recours des militaires tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2021 lui refusant le bénéfice de la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022 et d'annuler les décisions des 19 juillet et 17 décembre 2021 et du 9 février 2022 établissant la liste des colonels retenus pour bénéficier de la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022, en tant qu'elles lui refusent le bénéfice de cette pension.

Par jugement n° 2212883/5-3 et 2215980/5-3 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur la requête n° 2212883, a annulé la décision du 18 juillet 2022 du ministre des armées, a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de ses requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2023, M. A..., représenté par Me Deroudille, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2215980/5-3 du 26 avril 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes tendant à que ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de lui accorder le bénéfice de la pension afférente au grade supérieur, et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande d'attribution d'une telle pension ;

2°) d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder le bénéfice de la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022 ou à défaut, pour les années 2023 ou 2024 ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'agrément de la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022, ou à défaut, pour les années 2023 ou 2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs dès lors que l'annulation du refus de lui accorder le bénéfice de la pension afférente au grade supérieur lui ouvre un droit au bénéfice de cette pension ce qui aurait dû conduire les premiers juges à faire droit à sa demande d'injonction ;

- les premiers juges ont méconnu l'étendue de leurs attributions qui lui sont allouées au titre des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

- le droit d'accès préalable à son dossier devant la commission des recours des militaires prévu par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 a été méconnu dès lors que cet accès lui a été refusé et qu'il n'a pas pu avoir accès à l'avis de la commission et à la fiche du rapporteur devant cette commission ;

- il n'a pas pu avoir accès au dossier de l'enquête de commandement dont il a fait l'objet entre septembre 2020 et janvier 2021 et il n'est pas démontré que les conclusions de cette enquête étaient sans incidence sur la décision prise quant à l'attribution de la pension afférente au grade supérieur au titre de l'année 2022 ;

- les lignes directrices encadrant la procédure d'attribution de la pension afférente au grade supérieur ont été méconnues ;

- cette méconnaissance l'a privée de garanties et a violé le principe d'égalité dès lors qu'en permettant à un candidat de bénéficier de l'agrément dès le mois de juillet 2021, ses chances d'attribution ont été diminuées ;

- le ministre de l'armée a méconnu le principe d'égalité dès lors qu'il n'a pas permis à tous les candidats de bénéficier de la même procédure d'examen de leurs demandes d'agrément ;

- la décision du 18 juillet 2022 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ses perspectives d'employabilité et son utilité au service n'étaient pas bonnes, contrairement à l'ensemble des candidats reçus au bénéfice de l'agrément ;

- elle est entachée ainsi que les trois décisions précédentes d'une rupture d'égalité lors de l'examen de sa candidature à l'agrément pour la pension afférente au grade supérieur dès lors qu'il justifiait de toutes les conditions réglementaires requises pour bénéficier de la pension afférente au grade supérieur au titre de l'année 2022, que sa candidature avait fait l'objet de deux avis favorables que le colonel D... B... a la même ancienneté que lui, que le colonel E... est un expert reconnu de la recherche opérationnelle et dispose de compétences spécialisées, plus rares et plus utiles au service que les siennes, que plusieurs des profils retenus avaient un intérêt plus grand que le sien pour le service ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que le refus d'agrément est la conséquence de l'enquête administrative de commandement dont il a fait l'objet à l'automne 2020 ;

- si la cour estimait que les éléments apportés ne sont pas suffisants pour établir l'existence d'une rupture d'égalité ainsi qu'un détournement de pouvoir, elle serait alors dans l'obligation de solliciter du ministre des armées la communication de tout élément permettant d'établir sa légitimité comparative par rapport aux autres colonels ayant bénéficié de l'agrément sollicité et de tous les documents relatifs à la tenue de la commission d'attribution qui s'est déroulée à l'automne 2021 et de tous les documents dont il s'est vu refuser l'accès.

Par des mémoires en défense et en appel incident, enregistrés le 25 janvier et 14 mars 2024, le ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2215980/5-3 du 26 avril 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la décision du 18 juillet 2022 du ministre des armées ;

2°) de rejeter les requêtes de première instance et d'appel de M. A....

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'une contradiction de motifs ;

- dès lors que le contingent de pensions afférentes au grade supérieur fixé pour l'armée de terre pour le grade de colonel au titre de l'année 2022 a été rempli à la date à laquelle les premiers juges ont statué, il n'était pas possible d'enjoindre à l'administration d'en attribuer le bénéfice à M. A... sans méconnaître le plafond global fixé réglementairement par l'arrêté du 9 octobre 2020 ou s'en remettre en cause des décisions individuelles créatrices de droits devenues définitives ;

- la décision du 18 juillet 2022 n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle n'a nullement pour objet d'empêcher M. A... de quitter l'institution dans le cadre d'une démission et que la demande de bénéfice de la pension afférente au grade supérieur consiste à allouer un avantage accompagnant le départ de l'institution.

Par un courrier du 14 mars 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce qu'il résulte du 7° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics et qu'ainsi, la requête de M. A..., dirigée contre un jugement rendu en premier et dernier ressort, tout comme les conclusions incidentes du ministre, présente le caractère d'un pourvoi en cassation et d'un pourvoi incident dont seul le Conseil d'Etat est compétent pour en connaître.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la défense ;

- la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ;

- l'ordonnance n° 2019-3 du 4 janvier 2019 ;

- l'arrêté du 9 octobre 2020 pris en application des articles 36 et 38 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 modifiée relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Deroudille, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., né le 6 juin 1969, est militaire au sein de l'armée de terre depuis le 1er décembre 1988 et a été promu au grade de colonel le 1er mai 2020. Il a été affecté au centre de doctrine et d'enseignement du commandement depuis le 1er août 2021 et occupe en dernier lieu un emploi de chef de centre de simulation du commandement pour les opérations interarmées. Le 8 avril 2021, il a sollicité l'attribution de la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022 aux motifs de son inaptitude aux opérations extérieures et de sa volonté d'exercer un travail manuel. Par courriel du 17 décembre 2021, un refus lui a été opposé et par une décision du même jour, le ministre des armées a publié la liste de sept colonels attributaires de cette pension. Le 6 janvier 2022, M. A... a formé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires contre cette décision, lequel a fait l'objet d'une décision implicite puis d'une décision explicite de rejet du ministre des armées le 18 juillet 2022. Parallèlement par décision du 9 février 2022, un huitième militaire a été agréé. M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions par lesquelles le ministre des armées a rejeté implicitement et explicitement son recours, la décision de refus d'attribution de l'agrément pour la pension afférente au grade supérieure pour l'année 2022 et les décisions des 19 juillet et 17 décembre 2021 et du 9 février 2022 établissant la liste des colonels retenus pour bénéficier de la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022, en tant qu'elles lui refusent le bénéfice de cette pension.

2. Par l'article 1er du jugement n° 2212883/5-3 et 2215980/5-3 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête n° 2212883 par laquelle M. A... a demandé l'annulation de la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté son recours formé devant la commission de recours des militaires le 6 janvier 2022 contre la décision du 17 décembre 2021 portant refus d'agrément à la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022, d'annuler les décisions des 19 juillet et 17 décembre 2021 et du 9 février 2022 établissant la liste des colonels retenus pour bénéficier de la pension afférente au grade supérieur pour l'année 2022, en tant qu'elles lui refusent le bénéfice de cette pension. Par les articles 2, 3 et 4 de ce jugement, le tribunal administratif de Paris a respectivement annulé la décision du 18 juillet 2022 du ministre des armées, a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête, tendant à que ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de lui accorder le bénéfice de la pension afférente au grade supérieur, et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande d'attribution d'une telle pension même jugement. M. A... relève appel de l'article 4 de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, le ministre des armées demande à la cour d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du 26 avril 2023.

3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics ; (...) ".

4. Aux termes de l'article 36 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 : " I. ' Les officiers de carrière en position d'activité servant dans les grades de colonel, (...) qui ont accompli, à la date de leur radiation des cadres, survenue entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2025, la durée de services effectifs prévue respectivement au 1° ou au 2° du II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite et qui se trouvent à plus de cinq ans de la limite d'âge applicable à leur grade au 1er janvier de l'année de dépôt de leur demande peuvent, sur demande agréée par le ministre de la défense, bénéficier de la liquidation immédiate d'une pension dans les conditions prévues par le présent article. / II. ' Le montant de la pension est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite par la solde afférente à l'indice correspondant à l'échelon unique pour les colonels, (...) du grade immédiatement supérieur au grade détenu, depuis deux ans au moins, par l'intéressé. / Toutefois, la solde soumise à retenue pour pension est celle afférente à l'indice correspondant au dernier échelon, même exceptionnel, du grade détenu par l'intéressé auquel celui-ci aurait pu prétendre s'il avait été radié des cadres après avoir atteint la limite d'âge mentionnée au I du présent article, si cette solde est supérieure à celle mentionnée au premier alinéa du présent II. ".

5. Le litige dont a été saisie la cour porte sur une demande relative à la pension de retraite d'un militaire, agent public au sens et pour l'application des dispositions précitées du point 7° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Ainsi, la requête de M. A..., dirigée contre un jugement rendu en premier et dernier ressort, tout comme les conclusions incidentes du ministre des armées, présentent le caractère d'un pourvoi en cassation. Il en résulte que le Conseil d'Etat est seul compétent pour connaître de la contestation du jugement du 26 avril 2023 du tribunal administratif de Paris.

D É C I D E :

Article 1er : Le dossier de la requête de M. A... est transmis au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02757
Date de la décision : 29/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DEROUDILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-29;23pa02757 ?
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