La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2024 | FRANCE | N°23PA02621

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 07 mai 2024, 23PA02621


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS BevCo a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française l'annulation de la décision du 5 juillet 2022 de la directrice générale des affaires économiques (DGAE) de la Polynésie française lui enjoignant de cesser la délivrance de boissons alcooliques au moyen de l'appareil " Drive Box On Wine " situé sur le parking d'un centre commercial à Punaauia.



Par un jugement n° 2200378 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de la Polynésie

française a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :



Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS BevCo a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française l'annulation de la décision du 5 juillet 2022 de la directrice générale des affaires économiques (DGAE) de la Polynésie française lui enjoignant de cesser la délivrance de boissons alcooliques au moyen de l'appareil " Drive Box On Wine " situé sur le parking d'un centre commercial à Punaauia.

Par un jugement n° 2200378 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2023, la SAS BevCo, représentée par Me Bouchet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200378 du 14 mars 2023 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision du 5 juillet 2022 de la DGAE de la Polynésie française ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 5 juillet 2022 méconnaît les dispositions de l'article LP 120-3-II du code des débits de boissons applicable en Polynésie française ;

- elle méconnait la définition donnée au distributeur automatique par le bulletin officiel des finances publiques (instruction n° 3-C-4-09, n° 65 du 30 juin 2009) ;

- elle méconnaît la liberté du commerce et de l'industrie et porte atteinte au principe de libre concurrence ;

- elle fixe une interdiction disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi de lutte contre l'alcoolisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, la Polynésie française, représentée par M. A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS BevCo en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi du pays n° 2020-42 du 7 septembre 2021 ;

- le code civil ;

- le code des débits de boissons applicable en Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Bouchet pour la SAS BevCo.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS BevCo commercialise sur le site " Onwine " des boissons alcoolisées, des boissons sans alcool, de l'épicerie fine et divers accessoires de verrerie notamment. Elle utilise un container dénommé " Drive Box On Wine ", installé sur le parking d'un centre commercial à Punaauia, pour y déposer les achats que ses clients ont effectués en ligne afin que ceux-ci puissent venir les retirer. Le 24 mai 2022, des agents de la direction générale des affaires économiques (DGAE) de la Polynésie française ont procédé à un contrôle de ce container. A l'issue d'une procédure contradictoire, par une décision du 5 juillet 2022, la directrice de la DGAE a enjoint à la société de cesser toute vente de boissons alcoolisées au moyen de la " Drive Box On Wine " au motif que ce dispositif, devait être regardé comme un distributeur automatique et, dès lors, n'était pas conforme au code des débits de boissons applicable en Polynésie française. Par un jugement du 14 mars 2023, dont la SAS BevCo fait appel, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions en annulation :

2. D'une part, aux termes du II de l'article LP. 120-3 du code des débits de boissons applicable en Polynésie française : " (...) La délivrance de boissons alcooliques au moyen de distributeurs automatiques est interdite. ". Selon l'article LP. 450-1 du même code : " Les manquements aux dispositions du présent code sont recherchés, constatés, sanctionnés et/ou font l'objet d'une mesure d'injonction dans les conditions prévues par la loi du pays applicable en matière de recherche et de constatation des manquements administratifs à la réglementation économique et de mise en œuvre des mesures et sanctions administratives par les services administratifs de la Polynésie française. ". Aux termes de l'article LP. 9 de la loi du pays susvisée du 7 septembre 2021 : " I. Lorsque les agents visés à l'article LP. 2 constatent un ou des manquement(s) à la réglementation économique, l'autorité administrative compétente peut, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'elle fixe, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite. / Cette mesure peut faire l'objet d'une mesure de publicité, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles LP. 8 et LP. 12 de la présente loi du pays. ".

3. D'autre part, l'article 1604 du code civil dispose que : " La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. ". L'obligation de délivrance tient donc dans la remise du bien à l'acheteur pour qu'il en prenne livraison. Aux termes de l'article 1657 du même code : " En matière de vente de denrées et effets mobiliers, la résolution de la vente aura lieu de plein droit et sans sommation, au profit du vendeur, après l'expiration du terme convenu pour le retirement ". Le retirement en matière de meubles oblige ainsi l'acheteur à venir prendre la chose au lieu où elle se trouve au moment de sa délivrance.

4. En l'espèce, la SAS BevCo remplit son obligation de délivrance des boissons alcoolisées achetées en ligne par ses clients lorsqu'elle les fait déposer par un employé dans la " Drive Box On Wine ", afin que ceux-ci puissent les retirer. Ainsi, cet appareil permet uniquement à l'acheteur de venir prendre les produits qu'il a précédemment achetés. Il diffère dès lors d'un distributeur automatique qui, disposant d'un système de paiement intégré, permet par une seule et même opération, sans l'intervention d'un tiers, l'achat, la délivrance et le retirement des produits. Par conséquent, la DGAE de la Polynésie française en faisant injonction à l'appelante de cesser toute vente de boissons alcoolisées par le biais du container en litige au motif qu'elle méconnaîtrait les dispositions citées au point 2 du II de l'article LP. 120-3 du code des débits de boissons applicable en Polynésie française, a entaché sa décision d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la SAS BevCo est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Ce jugement ainsi que la décision du 5 juillet 2022 par laquelle la DGAE a enjoint à la SAS BevCo de cesser toute vente de boissons alcoolisées par le biais de la " Drive Box On Wine ", doivent donc être annulés.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SAS BevCo qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Polynésie française demande au titre des frais liés à l'instance et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Polynésie française le versement à la SAS BevCo de la somme de 1 500 euros en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : le jugement n° 2200378 du 14 mars 2023 du tribunal administratif de la Polynésie française et la décision du 5 juillet 2022 de la DGAE de la Polynésie française sont annulés.

Article 2 : La Polynésie française versera à la SAS BevCo la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à la SAS BevCo.

Copie en sera délivrée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente ;

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDOLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02621
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SELARL GROUPAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;23pa02621 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award