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07/06/2022 | FRANCE | N°21TL03951

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 07 juin 2022, 21TL03951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 13 mai 2019 par laquelle le président du conseil départemental de Vaucluse a procédé au retrait de son agrément d'assistante familiale et d'enjoindre au président du conseil départemental de Vaucluse de reconduire son agrément d'assistante familiale à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte.

Par un jugement n° 1902429 du 20 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annul

é la décision du 13 mai 2019, a mis à la charge du département de Vaucluse une somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 13 mai 2019 par laquelle le président du conseil départemental de Vaucluse a procédé au retrait de son agrément d'assistante familiale et d'enjoindre au président du conseil départemental de Vaucluse de reconduire son agrément d'assistante familiale à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte.

Par un jugement n° 1902429 du 20 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 13 mai 2019, a mis à la charge du département de Vaucluse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 septembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA03951, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL03951, le département de Vaucluse, représenté par la SELARL LLC et associés agissant par Me Bracq, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1902429 du 20 juillet 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les premiers juges ont commis une erreur en retenant l'erreur d'appréciation du département dès lors que les difficultés rencontrées par Mme D... ne concernent pas seulement un enfant mais de manière plus globale son positionnement professionnel, ses rapports avec le département, en particulier son incapacité à collaborer avec les services du département, et le manque d'intérêt pour les enfants accueillis.

Par ordonnance du 4 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mascaras substituant Me Bracq, représentant le département de Vaucluse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... est agréée en qualité d'assistante familiale depuis le 28 septembre 2000. A la suite de contrôles effectués par les services du département de Vaucluse, les 3 mars et 11 décembre 2018, des irrégularités dans le respect des obligations sanitaires et sécuritaires imposées aux assistantes familiales ont été constatées. Le président du conseil départemental de Vaucluse a alors informé Mme D..., par courrier du 13 mars 2019, de son intention de procéder au retrait de son agrément d'assistante familiale. Sur avis favorable de la commission consultative paritaire départementale réunie le 24 avril 2019, le président du conseil départemental de Vaucluse a retiré à Mme D... son agrément d'assistante familiale par décision du 13 mai 2019. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de cette décision. Le département de Vaucluse relève appel du jugement du 20 juillet 2021 par lequel le tribunal annulé la décision du 13 mai 2019 et a rejeté le surplus de la demande de Mme D....

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil ". Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 421-3 de ce code : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside ". Selon le cinquième alinéa 5 de l'article L. 421-3 de ce code : " L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d'octroi ainsi que la durée de l'agrément sont définies par décret. Cette durée peut être différente selon que l'agrément est délivré pour l'exercice de la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial. Les conditions de renouvellement de l'agrément sont fixées par ce décret. Sans préjudice des dispositions de l'article L. 421-9, le renouvellement de l'agrément des assistants familiaux est, sous réserve des vérifications effectuées au titre du sixième alinéa du présent article, automatique et sans limitation de durée lorsque la formation mentionnée à l'article L. 421-15 est sanctionnée par l'obtention d'une qualification. ". L'article R. 421-6 du même code prévoit que : " Les entretiens avec un candidat à des fonctions d'assistant familial ou avec un assistant familial agréé et les visites à son domicile doivent permettre d'apprécier, au regard des critères précisés dans le référentiel figurant à l'annexe 4-9 du présent code, si les conditions légales d'agrément sont remplies. ". Selon cette annexe : " Sous-section 1 - Les capacités et les qualités personnelles pour accueillir des mineurs ou des jeunes majeurs et les aptitudes éducatives du candidat : Il convient de prendre en compte la capacité du candidat à : 1. Observer, écouter et prendre en compte les besoins particuliers du mineur ou du jeune majeur accueilli pour favoriser son développement physique, affectif, intellectuel et social. (...). 3. Poser un cadre éducatif cohérent, structurant et adapté aux besoins du mineur ou du jeune majeur accueilli. (...) Sous-section 2 - La connaissance du métier, du rôle et des responsabilités de l'assistant familial : Il convient de prendre en compte : (...) 4. La capacité du candidat à s'inscrire dans une équipe professionnelle pluridisciplinaire autour du projet pour l'enfant ou le jeune majeur. 5. La capacité du candidat à se représenter ses responsabilités vis-à-vis des services du département, et de son employeur, en charge de son accompagnement, de son contrôle et du suivi de ses pratiques professionnelles, et à comprendre et accepter leur rôle (...). Sous-section 4 - La disponibilité et la capacité à s'organiser et à s'adapter à des situations variées : Il convient de prendre en compte la capacité du candidat à : (...) 3. S'adapter à une situation d'urgence ou imprévue et à prendre les mesures appropriées.4. Avoir conscience des exigences et des contraintes liées à l'accueil de mineurs ou de jeunes majeurs en situation de handicap ou atteints de maladie chronique. (...). Enfin, aux termes de l'article L. 421-6 du code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) ".

3. Il résulte des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, notamment de suspicions de maltraitance, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être. Enfin, il incombe au président du conseil départemental, lorsqu'il décide de retirer une décision d'agrément en cours de validité, de se prononcer dans le respect des droits de la défense et d'établir que la personne titulaire de l'agrément ne satisfait pas, à la date de la décision de retrait, aux conditions auxquelles la délivrance de l'agrément est subordonnée.

4. Il ressort des pièces du dossier que la décision de retrait de l'agrément dont bénéficiait Mme D... en qualité d'assistante familiale est motivée par le constat de dysfonctionnements récurrents concernant sa posture professionnelle malgré l'étayage mis en place, en particulier son refus des aides qui lui ont été proposées dans le cadre de l'accueil du jeune A..., son attitude démontrant qu'elle n'a pas toujours conscience des exigences et des contraintes liées à l'accueil de mineurs ou de jeunes majeurs en situation de handicap ou atteints de maladie chronique, ainsi que son incapacité à s'inscrire dans une équipe professionnelle pluridisciplinaire autour du projet pour l'enfant ou le jeune majeur. Le président du conseil départemental a dès lors considéré que les conditions d'accueil en matière de santé, de sécurité et d'épanouissement requises aux articles L. 421-3 et R. 421-6 du code de l'action sociale et des familles n'étaient plus garanties.

5. Il est constant que Mme D... a rencontré des difficultés sérieuses dans la prise en charge du jeune A... né en avril 2013, lourdement handicapé sur le plan moteur et au niveau des apprentissages, qu'elle accueillait depuis janvier 2017. Ces difficultés de prise en charge qui sont rapidement apparues et se sont révélées éprouvantes pour l'intimée et sa famille, ont conduit à la nécessité de réorienter l'enfant vers le centre départemental enfance et famille en avril 2018. Ainsi, lors de l'entretien au domicile de Mme D... le 2 mars 2018, l'intervenante a relevé l'état d'épuisement de l'assistante familiale, amenant cette dernière à solliciter la restriction de son agrément à un seul enfant. L'intervenante a cependant également relevé des négligences dans l'accueil des enfants et demandé qu'il soit remédié en urgence à plusieurs points de sécurité. Mme D... a alors bénéficié d'un accompagnement par une psychologue avec laquelle elle s'est entretenue à trois reprises entre juillet et septembre 2018. Celle-ci a fait état de la grande souffrance psychologique dans laquelle se trouvait alors l'intimée, nécessitant que lui soit proposée une aide psychologique à visée thérapeutique.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... avait déjà rencontré des difficultés dans la prise en charge des enfants qui lui ont été confiés. Ainsi, le retrait de son agrément a été envisagé en 2006, à la suite de la réorientation d'une enfant dont le placement avait été émaillé de certaines difficultés. Le département estimait alors que si l'assistante familiale avait le souci d'apporter à un enfant placé les apprentissages et les repères éducatifs nécessaires à son bon développement, toute difficulté au cours du placement était vécue comme une critique et une atteinte à son savoir-faire, venant parasiter ses capacités de tolérance et rendant difficile le travail en confiance avec les équipes. La réévaluation effectuée en octobre 2006 relevait également une empathie peu repérée et l'inadaptation des exigences éducatives à travers un manque d'écoute et de compréhension des difficultés de l'enfant. Toutefois, dans sa séance du 12 décembre 2006, la commission consultative paritaire départementale a décidé le maintien de l'agrément, en soulevant la nécessité de prévoir un suivi et un contrôle important de tout futur placement. Quelques années plus tard, en avril 2012, la réorientation d'un enfant qu'elle accueillait depuis juillet 2011 a également été effectuée en raison de réponses éducatives inadaptées, après que Mme D... ait bénéficié d'une extension de son agrément à l'accueil de deux enfants le 22 octobre 2009. Toutefois, la prise en charge d'un autre enfant accueilli dans le même temps par l'intimée était alors considérée comme étant adaptée. Dans le cadre du suivi régulier dont elle a fait l'objet tout au long de l'année 2018 en raison des difficultés rencontrées dans la prise en charge du jeune A..., les qualités relationnelles de Mme D... ont été relevées par la psychologue, ainsi que sa capacité d'évoquer une forme d'empathie en présentant la situation des enfants accueillis. Alors qu'elle rencontrait des difficultés dans la prise en charge de cet enfant, celle du jeune majeur B... qu'elle accueille depuis janvier 2014, a continué d'être très adaptée, ainsi que l'a constamment relevé l'équipe référente de l'aide sociale à l'enfance. Si le département a retenu les difficultés de l'intimée dans ses rapports avec ses services, en particulier son incapacité à collaborer avec ces derniers, il ressort cependant des rapports d'évaluation annuelle concernant les enfants B... et C... établis entre 2011 et 2016 que sa collaboration avec l'institut médico-éducatif a donné entière satisfaction, les évaluations évoquant ses liens réguliers avec l'institut ainsi qu'une relation de qualité et dans la bienveillance. Le manque d'intérêt avec les enfants en souffrance qui a pu être relevé dans la note de réévaluation du 11 décembre 2018, est cependant contredit par les rapports d'évaluation annuels produits par l'intimée dans le cadre de ses écritures devant les premiers juges. En outre, la motivation de l'intimée à continuer de prendre en charge de jeunes enfants a été relevée par la note de réévaluation du 11 décembre 2018, bien qu'un besoin de reconnaissance des enfants apparaisse prégnant et alors même que Mme D... a émis le souhait d'accueillir des enfants ayant des profils précis lors de cette réévaluation. Il est par ailleurs constant qu'alors que la commission consultative paritaire départementale faisait état le 12 décembre 2006 de la nécessité de prévoir un suivi et un contrôle important de tout futur placement, Mme D... n'a pas bénéficié d'un suivi régulier jusqu'en 2018, ainsi qu'il est admis dans la note d'information du 19 octobre 2018. Au regard de ce qui vient d'être exposé, et de la circonstance que l'intimée bénéficie d'un agrément régulièrement renouvelé depuis septembre 2000, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision de retrait d'agrément contestée ne faisait pas état de griefs tangibles suffisamment précis démontrant que Mme D... ne serait plus en capacité d'accueillir des enfants dans des conditions garantissant leur sécurité, leur santé et leur épanouissement, et que la décision était par suite entachée d'erreur d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le département de Vaucluse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 13 mai 2019 du président du conseil départemental décidant le retrait de l'agrément de Mme D... en qualité d'assistante familiale.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de Vaucluse demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du département de Vaucluse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au département de Vaucluse et à Mme E... D....

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21TL03951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03951
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-06-01 Fonctionnaires et agents publics. - Notation et avancement. - Notation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SANCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-06-07;21tl03951 ?
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