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20/09/2022 | FRANCE | N°21TL24505

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 20 septembre 2022, 21TL24505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 19 octobre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que son assignation à résidence.

Par un jugement n° 2106082 du 26 octobre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

10 décembre 2021, sous le n° 21BX04505, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 19 octobre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que son assignation à résidence.

Par un jugement n° 2106082 du 26 octobre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2021, sous le n° 21BX04505, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL24505, et des pièces complémentaires enregistrées le 19 mai 2022, M. A..., représenté par Me Mercier, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 26 octobre 2021 ;

3°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 19 octobre 2021 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de 24 heures suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard ou, en tout état de cause de procéder au réexamen de sa demande ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéficie de l'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités espagnoles

- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 dès lors que le formulaire communiqué par l'administration qui ne constitue pas une version de travail définitive mais modifiable, n'est pas probant ;

- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux dès lors que sa situation personnelle a été ignorée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 dès lors qu'il n'a pas été destinataire du guide du demandeur d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 17.1 du règlement n° 604/2013 dès lors que le préfet a refusé d'exercer son pouvoir d'appréciation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 17.1 et 17.2 du règlement du 26 juin 2013.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une ordonnance du 11 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juillet 2022 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 16 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant mauritanien, né le 31 décembre 1997 à Tachot (Mauritanie) déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 5 juillet 2021. Le 28 juillet 2021, il s'est présenté à la préfecture de police des Yvelines afin d'y faire enregistrer sa demande d'asile. Après le relevé de ses empreintes décadactylaires, la consultation du fichier informatique a révélé que l'intéressé avait fait l'objet d'un contrôle de police en Espagne. Par deux arrêtés du 19 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé son transfert aux autorités espagnoles responsables de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de ces décisions, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 26 octobre 2021 dont M. A... relève appel, admis ce dernier au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 décembre 2021, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Par conséquent, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités espagnoles :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut d'examen réel et sérieux, de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que de la méconnaissance de l'article 17 de ce même règlement, par adoption de motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné.

4. En deuxième lieu, l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 précité dispose que : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut,

dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet

autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14

du règlement (UE) n o 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement.

Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) 3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement ".

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le formulaire type de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale produit par l'administration ne correspondrait pas à celui mentionné au paragraphe 3 de l'article 21 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni ne comprendrait l'ensemble des éléments requis. En tout état de cause, la circonstance, à la supposer établie, que le préfet se soit borné à produire une version de travail non définitive de la demande adressée aux autorités espagnoles tendant à la prise en charge de M. A..., ne serait de nature à méconnaître les dispositions citées au point 4 que dans la mesure où il ressortirait des autres pièces du dossier que l'information fournie à l'État membre concerné, sur la base du formulaire type prévu à cet effet, ne comporterait pas les éléments de preuve permettant la réalisation des vérifications requises pour la détermination de l'État responsable de la demande d'asile. M A... ne conteste cependant pas que les autorités espagnoles ont été destinataires, le 13 août 2021, d'une requête aux fins de prise en charge et ont adressé aux autorités françaises, le 18 août 2021, un courriel les informant que l'Espagne acceptait cette requête par défaut conformément à l'article 22.7 du règlement Dublin III. Or, le requérant ne produit aucun élément de nature à réfuter la preuve formelle selon laquelle les autorités espagnoles auraient donné leur accord implicite pour le prendre en charge sur la base d'un formulaire type contenant des informations ne leur permettant pas de se déclarer responsables de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision attaquée au regard de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013, ne peut qu'être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".

7. Si M. A... fait état de conditions de vie indignes auxquelles il a été exposé lors de son séjour en Espagne et de séquelles psychologiques graves directement corrélées à ce séjour, il n'apporte pas d'éléments de nature à en attester la réalité. En particulier, la pièce médicale dont il se prévaut conclut à l'absence de gravité de la douleur thoracique dont il se plaint depuis plusieurs mois et ne relève aucun état traumatique dont serait atteint l'appelant. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité dont serait entachée la décision attaquée ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités espagnoles à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ". La décision contestée indique les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde notamment l'article L. 731-1. En outre, elle indique que l'intéressé fait l'objet d'une décision de remise aux autorités espagnoles dont l'exécution demeure une perspective raisonnable eu égard à l'accord de transfert des autorités espagnoles en date du 14 octobre 2021 valable six mois, que la mesure ne peut être exécutée immédiatement car elle ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant un délai de 48 heures et que l'intéressé justifie d'une domiciliation postale à Toulouse, commune dans laquelle il peut être assigné à résidence. Par suite, la décision d'assignation à résidence est suffisamment motivée.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ; (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile concomitamment à la mesure d'assignation à résidence litigieuse. L'accord implicite des autorités espagnoles, en date du 14 octobre 2021, étant valide pour une période de six mois, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que l'exécution de la mesure d'éloignement demeurait une perspective raisonnable et que M. A... pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence, laquelle constitue une mesure alternative au placement en rétention dès lors que l'intéressé présente des garanties de représentation suffisantes. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 19 octobre 2021. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président de chambre,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL24505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL24505
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : MERCIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-20;21tl24505 ?
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