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03/04/2023 | FRANCE | N°23TL00586

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, Juge des référés, 03 avril 2023, 23TL00586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement du 4ème alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des dispositions relatives aux temps d'habillage, de déshabillage et de douche prévues par l'article 2.2 de la charte des temps de travail approuvée par la délibération du co

nseil départemental de la Haute-Garonne n° 288474/DOB 2023-3 du 10 janvier 2023....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement du 4ème alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des dispositions relatives aux temps d'habillage, de déshabillage et de douche prévues par l'article 2.2 de la charte des temps de travail approuvée par la délibération du conseil départemental de la Haute-Garonne n° 288474/DOB 2023-3 du 10 janvier 2023.

Par une ordonnance n° 2300818 du 27 février 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de suspension sur déféré.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 et 29 mars 2023, le préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, demande au président de la cour d'annuler cette ordonnance.

Il soutient que :

- le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur d'interprétation en ne retenant pas l'illégalité manifeste des dispositions contestées ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de l'article 2.2 de la charte des temps litigieuse, qui est contraire à l'article 2 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat auquel renvoie le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, le temps d'habillage, de déshabillage et de douche ne pouvant être considéré comme du temps de travail effectif dès lors que l'agent, à ce moment, n'est pas encore en mesure de se conformer aux directives de ses supérieurs, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat n° 366269 du 4 février 2015, qui ne comporte pas de tempérament ;

- le temps d'habillage, de déshabillage et de douche peut seulement ouvrir droit à une rémunération sur le fondement de l'article 9 du décret du 12 juillet 2001.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, le département de la Haute-Garonne, représenté par Me Béguin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le juge des référés n'a pas méconnu la portée du principe posé par la décision du Conseil d'Etat n° 366269 du 4 février 2015 qui, s'il a considéré que le temps au cours duquel le fonctionnaire de police se met en état de prendre son service ne peut être regardé un temps de travail effectif, n'implique cependant pas que le temps consacré par un fonctionnaire à l'habillage et au déshabillage sur son lieu de travail soit systématiquement exclu du temps de travail effectif ;

- le pouvoir réglementaire admet en effet que, pour certains personnels, en particulier les agents de la fonction publique hospitalière et les sapeurs-pompiers professionnels, le temps consacré à l'habillage et au déshabillage soit inclus dans le temps de travail effectif eu égard aux obligations particulières inhérentes à leurs fonctions ;

- si certains fonctionnaires sont soumis à l'obligation du port d'une tenue de travail, cette obligation ne s'impose cependant pas systématiquement dès la prise de service ;

- selon la Cour de justice de l'Union européenne, le temps de travail correspond au temps pendant lequel le travailleur est contraint d'être physiquement présent au lieu déterminé par l'employeur et de s'y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin ;

- la séquence d'habillage/déshabillage peut dans certains cas intervenir alors que les agents ont déjà reçu des directives de la part de leur supérieur hiérarchique, notamment dans le cas où ces agents sont amenés, selon les tâches qu'ils effectuent, à devoir changer de tenue entre le moment de leur prise de poste et la fin de celle-ci tels les agents polyvalents de propreté affectés au sein des collèges lorsqu'il leur est demandé de participer au nettoyage des abords et des espaces extérieurs ou lorsqu'ils doivent participer à l'accueil physique et téléphonique des usagers et à la gestion du courrier, ou encore les agents de la direction des routes du conseil départemental, notamment lorsque qu'ils ont recours à une tronçonneuse et qu'ils doivent impérativement revêtir un pantalon de tronçonnage pour ce faire, cet équipement lourd qui rend les déplacements difficiles n'ayant pas vocation à être porté tout au long de la journée pendant laquelle l'agent effectue son service, les agents réagissant dans ces configurations à une sollicitation de leur employeur et ne pouvant se consacrer à leurs propres intérêts ;

- il en est de même des agents qui exercent de manière exclusive ou non des travaux insalubres et/ou salissants lorsqu'ils sont amenés à ne devoir prendre une douche qu'en cours de service, par exemple après le fauchage avec rotofil, qui nécessite de se changer et de prendre une douche après utilisation de l'équipement ;

- c'est aussi le cas des techniciens de laboratoire et des assistants techniciens de laboratoire qui réalisent ou participent à des analyses ou à des contrôles et qui effectuent également des tâches de nature administrative, notamment la saisie des résultats d'analyse, la gestion des achats, le suivi des commandes, la réalisation des bons de commande, la réception, le contrôle et le rangement des livraisons, la gestion des stocks dans les locaux administratifs, ainsi que des aides de laboratoire qui préparent le matériel, les consommables et les réactifs nécessaires aux analyses et veillent à la gestion des déchets et qui manipulent également des produits dangereux ou des matériaux/animaux porteurs de bactéries, le port de vêtements spécifiques et la prise d'une douche à divers moments de leur journée répondant à des impératifs sanitaires et de sécurité évidents ;

- les dispositions contestées de l'article 2.2. de la charte des temps mentionnent bien que les temps consacrés à l'habillage et au déshabillage pour les agents auxquels le port d'une tenue est imposé, de même que le temps de douche pour les agents effectuant des travaux insalubres et/ou salissants, sont pris en compte dans le temps de travail effectif " dès lors que l'agent se trouve à la disposition de l'employeur ", ces temps ne pouvant être assimilés à un temps pendant lequel ces agents se mettent en état de prendre leur service au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat ;

- cette pratique correspond à celle adoptée par d'autres collectivités territoriales et établissements publics, ainsi que cela ressort des règlements adoptés par Toulouse Métropole et la région Occitanie qui n'ont pas été contestés par le préfet de la Haute-Garonne ;

- si par une ordonnance du 17 mars 2023, le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse a suspendu les dispositions de l'article 2.2. du règlement particulier applicable aux personnels territoriaux des collèges, c'est seulement en ce qu'elles n'ont pas prévu expressément l'exclusion du calcul du temps de travail effectif des temps d'habillage, de déshabillage et de douche en début et en fin de service ;

- le règlement particulier de la direction des routes confirme que le temps d'habillage qui précède la prise de service et le temps de déshabillage qui intervient à la fin de celui-ci n'a pas vocation à être inclus dans le calcul du temps de travail effectif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme B... C... pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 30 mars 2023 :

- le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, juge des référés,

- les observations de M. A..., représentant le préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, qui confirme ses écritures et précise qu'il a entendu solliciter en appel le bénéfice de la suspension demandée en première instance,

- et les observations de Me Zadeh, représentant le département de la Haute-Garonne, qui confirme ses écritures.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, applicables aux actes pris par les autorités départementales, auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 3131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans le délai de deux mois suivant leur transmission. (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. ". En vertu des dispositions de l'article R. 554-1 du code de justice administrative, l'appel contre les décisions rendues par le juge des référés en application de ces dispositions est porté devant la cour administrative d'appel dans un délai de quinze jours suivant leur notification.

2. Le préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, relève appel de l'ordonnance n° 2300818 du 27 février 2023, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de suspension, sur le fondement du 4ème alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, de l'exécution des dispositions relatives aux temps d'habillage, de déshabillage et de douche prévues par l'article 2.2 de la charte des temps de travail approuvée par la délibération du conseil départemental de la Haute-Garonne n° 288474/DOB 2023-3 du 10 janvier 2023.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance contestée :

3. Aux termes de l'article 1 du décret du 12 juillet 2001 : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 (...) ". Selon l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ".

4. L'article 2.1. de la charte des temps litigieuse reprend la définition de la durée du travail effectif posée par l'article 2 du décret du 25 août 2000, qui s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. L'article 2.2. de cette charte, intitulé " le temps inclus ", dispose qu'est considéré comme travail effectif " tout le temps passé par l'agent dans le service ou à l'extérieur du service dans le cadre de ses activités professionnelles " et précise que " Dès lors que l'agent se trouve à la disposition de l'employeur, seront comptabilisés : (...) / le temps consacré à l'habillage et au déshabillage sur le lieu de travail, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé. / le temps de douche sur le lieu de travail pour les agents effectuant des travaux insalubres et/ou salissants. (...) ".

5. En prévoyant que les temps d'habillage, de déshabillage et de douche sont inclus dans le temps de travail effectif des agents qui effectuent ces opérations alors qu'ils ont déjà pris leur service et se trouvent, par suite, à la disposition de leur employeur et se conforment aux directives de celui-ci sans pouvoir vaquer librement à leurs occupations personnelles, l'article 2.2. de la charte des temps ne peut être regardé comme ayant méconnu les dispositions précitées de l'article 2 du décret du 25 août 2000 tel qu'interprété par la décision n° 366269 du 4 février 2015 du Conseil d'Etat. Par suite, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a estimé que ce moyen n'était pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'article 2.2. de la charte des temps.

Sur les frais liés au litige :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de la Haute-Garonne et non compris dans les dépens.

ORDONNE

Article 1er : La requête du préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera au département de la Haute-Garonne une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au département de la Haute-Garonne.

Une copie en sera adressée au préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne.

Fait à Toulouse, le 3 avril 2023.

Le juge d'appel des référés,

A. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N° 23TL00586 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 23TL00586
Date de la décision : 03/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-015-03 Collectivités territoriales. - Dispositions générales. - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales. - Déféré assorti d'une demande de sursis à exécution.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Armelle GESLAN-DEMARET
Avocat(s) : BEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-03;23tl00586 ?
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