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11/04/2023 | FRANCE | N°21TL00839

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 11 avril 2023, 21TL00839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 8 juin 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Carcassonne l'a placée en disponibilité d'office à sa demande à compter du 1er juin 2018, d'annuler la décision du 13 août 2018 rejetant son recours administratif préalable indemnitaire et sa demande de retrait de la décision du 8 juin 2018, de condamner le centre hospitalier de Carcassonne à lui verser la somme de 11 198 euros correspondant aux frais de

scolarité à l'institut supérieur des cadres de santé, la somme de 7 017 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 8 juin 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Carcassonne l'a placée en disponibilité d'office à sa demande à compter du 1er juin 2018, d'annuler la décision du 13 août 2018 rejetant son recours administratif préalable indemnitaire et sa demande de retrait de la décision du 8 juin 2018, de condamner le centre hospitalier de Carcassonne à lui verser la somme de 11 198 euros correspondant aux frais de scolarité à l'institut supérieur des cadres de santé, la somme de 7 017 euros correspondant aux frais engagés pour poursuivre son activité au centre hospitalier de Carcassonne, la somme de 25 537 euros correspondant aux traitements non perçus pendant une année, la somme de 1 214,23 euros correspondant aux heures supplémentaires non rémunérées et la somme de 1 964,40 euros correspondant aux congés payés non rémunérés et de mettre à la charge du centre hospitalier de Carcassonne une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1805361 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions du 8 juin et du 13 août 2018 du centre hospitalier de Carcassonne, condamné le centre hospitalier à verser à Mme A... une somme de 23 572 euros en réparation des préjudices subis, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2018, mis à la charge du centre hospitalier une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2021 sous le n°21MA00839 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL00839, le centre hospitalier de Carcassonne, représenté par la Selarl Abeille et associés, agissant par Me Pontier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1805361 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme A... n'a jamais sollicité par écrit et sans conditions, le retrait de sa demande de mise en disponibilité, ni par le courrier de son conseil du 10 avril 2018, ni par son recours gracieux du 13 juillet 2018 alors qu'elle y a été expressément invitée le 12 avril 2018 ;

- Mme A... ayant été placée en disponibilité à sa demande ne pouvait bénéficier d'un financement de ses études par le biais du dispositif de formation promotionnelle ;

- il n'a pas supprimé l'accord de prise en charge de la formation et n'a pas commis de détournement de procédure ;

- l'indemnisation de perte de salaire pendant un an n'est pas justifiée, la mise en disponibilité de Mme A... étant légale ;

- la prise en charge des études étant conditionnée à un engagement de servir et les frais engagés par Mme A... durant la durée de l'exercice professionnel au centre hospitalier étant liés aux choix de vie de Mme A..., il n'y a pas lieu d'accorder la réparation sollicitée.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2021, Mme A..., représentée par Me Petiot, conclut à la confirmation du jugement en tant qu'il a condamné le centre hospitalier à lui verser une somme de 23 572 euros, et, par la voie de l'appel incident, demande de condamner l'établissement à lui verser une somme de 1 214,23 euros correspondant aux heures supplémentaires non payées, une somme de de 1 964,40 euros au titre des congés payés, à lui rembourser ses frais de scolarité à l'Institut de formation des cadres de santé pendant un an soit une somme de 11 198 euros, à lui rembourser ses frais de transport et d'hébergement durant sa mutation au centre hospitalier de Carcassonne pendant un an soit un montant de 7 017 euros et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Carcassonne en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision la plaçant en disponibilité d'office est entachée d'un détournement de procédure et de pouvoir et méconnaît les dispositions de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 ;

- elle avait retiré sa demande de mise en disponibilité avant même que le centre hospitalier ne se prononce sur sa demande ;

- elle est restée illégalement sans traitement entre le 30 juin 2018 et le 1er juillet 2019, sa perte de rémunération s'établit à une somme de 23 572 euros ;

- elle a droit au paiement des heures supplémentaires qu'elle a réalisées avant son placement en congé d'office ainsi que celui de ses congés payés ;

- le centre hospitalier de Carcassonne doit lui rembourser les frais de la scolarité qu'elle a engagés pour suivre sa formation l'Institut de formation des cadres de santé qu'il s'était engagé à lui financer, soit une somme de 11 198 euros ;

- les frais de transport et d'hébergement qu'elle a été amenée à engager du fait de sa mutation au centre hospitalier de Carcassonne, d'un montant de 7 017 euros, doivent également lui être remboursés.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du centre hospitalier de Carcassonne.

Par une ordonnance du 13 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 décembre 2022 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Larroque représentant le centre hospitalier de Carcassonne et les observations de Me Petiot représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., infirmière faisant fonction de cadre de santé au centre hospitalier de Carcassonne, a sollicité, le 24 mars 2018, une mise en disponibilité pour une durée d'un an pour suivre une formation de cadre de santé à compter du 30 juin suivant. Par un jugement du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 8 juin 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Carcassonne l'a placée en disponibilité sur demande et refusé de financer la formation de cadre de santé dispensée par l'institut de formation des cadres de santé de Montpellier, la décision du 13 août 2018 rejetant sa demande sollicitant le retrait de la décision du 8 juin 2018 ainsi que sa réclamation préalable et a condamné le centre hospitalier de Carcassonne à verser à Mme A... une somme de 23 572 euros en réparation des préjudices subis assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2018, mis à la charge du centre hospitalier une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le centre hospitalier de Carcassonne relève appel de ce jugement et Mme A..., par la voie de l'appel incident, sollicite qu'il soit fait droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité des décisions du 8 juin et du 13 août 2018 :

2. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la lettre du 31 juillet 2017 adressée à Mme A... et de l'attestation du 16 novembre 2017 du directeur des ressources humaines de l'établissement, que le centre hospitalier de Carcassonne s'est engagé à financer la formation de cadre de santé de Mme A..., après qu'elle ait fait fonction de cadre de santé durant un an, afin qu'elle puisse exercer dans l'établissement des fonctions de cadre de bloc opératoire à l'issue de sa formation. Mme A..., craignant que cet engagement soit remis en cause, a sollicité, par lettre du 24 mars 2018, une mise en disponibilité pour suivre cette formation à compter du 30 juin 2018. Toutefois, l'intéressée a indiqué, par lettre du 10 avril 2018 de son conseil, qu'elle ne souhaitait pas être placée en position de disponibilité mais demandait le financement de sa formation de cadre de santé, en précisant qu'elle entendait retirer sa demande de mise en disponibilité. Si le centre hospitalier soutient que Mme A... n'a pas sollicité le retrait de sa demande de disponibilité après qu'il l'ait informée de cette possibilité par écrit le 12 avril 2018, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a de nouveau évoqué le retrait de sa demande lors de la réunion de médiation du 31 mai 2018, ainsi que le financement de sa formation promotionnelle. Nonobstant la rédaction maladroite de son souhait, Mme A... a manifesté sa volonté de procéder au retrait de sa demande de disponibilité. Par suite, l'intéressée ne pouvait légalement être placée en disponibilité sur demande pour suivre des études, alors même qu'elle n'entendait pas renoncer à obtenir le financement de sa scolarité par l'établissement.

3. Le centre hospitalier de Carcassonne a refusé la prise en charge financière de la formation de cadre de santé sollicitée par Mme A... au motif que la position de disponibilité sur demande dans laquelle elle se trouvait fait obstacle au financement de ses études par le dispositif de formation promotionnelle de l'établissement. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, l'intéressée ayant fait connaître sa volonté de retirer sa demande avant que la décision de mise en disponibilité sur demande soit prise, le centre hospitalier de Carcassonne ne pouvait légalement la placer dans une telle position. Par suite, l'établissement n'est pas fondé à soutenir que la position de disponibilité dans laquelle l'agent était légalement placée faisait obstacle au financement de sa formation professionnelle par l'établissement.

En ce qui concerne les demandes indemnitaires :

4. Compte tenu de l'illégalité des décisions du 8 juin et du 13 août 2018 plaçant Mme A... en position de disponibilité sur demande et refusant de financer sa formation au seul motif de son placement en disponibilité sur demande, l'intéressée a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'elle a effectivement subi du fait de ces décisions. Le centre hospitalier de Carcassonne se borne à invoquer la légalité de la décision plaçant l'intéressée en disponibilité sur demande sans contester que le préjudice de Mme A..., correspondant à ses pertes de salaire durant la période d'éviction, s'établit à un montant de 23 572 euros retenu par les premiers juges.

5. Mme A... justifie en appel avoir réglé des frais de scolarité pour suivre, durant l'année 2018/2019, une formation à l'Institut de formation des cadres de santé de Montpellier. Elle est ainsi fondée à obtenir le versement de la somme de 11 198 euros qu'elle réclame au titre des frais qu'elle a engagés.

6. Ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, les frais de transport et d'hébergement engagés par Mme A... avant sa mise en disponibilité du fait de sa mutation au centre hospitalier de Carcassonne, ne sont pas directement en lien avec les fautes commises.

7. Si l'appelante sollicite également le versement d'une somme de 1 214,23 euros correspondant à des heures supplémentaires réalisées avant son placement en disponibilité et d'une somme de 1 964,40 euros au titre de congés payés, il n'est pas plus justifié en appel qu'en première instance que ces chefs de préjudices soient en lien direct avec les fautes dont elle demande la réparation.

8. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le centre hospitalier de Carcassonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions du 8 juin et du 13 août 2018 et l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 23 572 euros en réparation des préjudices subis. Il y a lieu, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de Carcassonne à verser à Mme A... une somme supplémentaire de 11 198 euros.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le centre hospitalier de Carcassonne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Carcassonne une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Carcassonne est rejetée.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Carcassonne est condamné à verser à Mme A... est portée de 23 572 euros à 34 770 euros.

Article 3 : Le jugement n°1805361 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Carcassonne versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de Mme A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Carcassonne et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

M. Teulière, premier conseiller,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL00839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00839
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05 Fonctionnaires et agents publics. - Positions.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIÉ
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : PETIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-11;21tl00839 ?
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