La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2023 | FRANCE | N°21TL22477

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 11 avril 2023, 21TL22477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le maire de Toulouse l'a radiée des cadres et d'enjoindre au maire de Toulouse de la réintégrer dans les effectifs communaux et de la placer dans une position légale statutaire dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1905579 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2021 sous ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le maire de Toulouse l'a radiée des cadres et d'enjoindre au maire de Toulouse de la réintégrer dans les effectifs communaux et de la placer dans une position légale statutaire dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1905579 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2021 sous le n° 21BX02477 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL22477, Mme B... A..., représentée par Me Catala, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le maire de Toulouse l'a radiée des cadres ;

3°) d'enjoindre au maire de Toulouse de la réintégrer dans les effectifs communaux et de la placer dans une position légale statutaire dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un détournement de procédure et de pouvoir en l'absence de sanction pénale ou disciplinaire et au regard de ses états de service ; elle a dès lors été privée des garanties des droits de la défense et des principes fondamentaux tels que le respect de la présomption d'innocence ;

- il est entaché d'une contradiction en ce que le dispositif n'indique qu'un seul retrait d'agrément ;

- elle aurait dû faire l'objet d'une procédure disciplinaire en application des articles 29 et 30 de la loi du 13 juillet 1983 et avait droit à la procédure de reclassement en application de l'article L. 412-49 du code des communes ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché d'illégalité en raison de l'illégalité des décisions de retrait d'agrément.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2022, la commune de Toulouse, représentée par la SCP Lonqueue - Sagalovitsch - Eglie-Richters et Associés, agissant par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et demande de condamner Mme A... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête de Mme A... est irrecevable en l'absence de contestation du jugement, en méconnaissance de l'article R.411-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, tous les moyens sont inopérants dès lors que le maire était en situation de compétence liée à la suite du retrait d'agrément prononcé ; aucun des moyens invoqués n'est en toute hypothèse fondé.

Par ordonnance du 2 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des communes ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente assesseure,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., brigadier-chef principal à la direction de la police municipale de la commune de Toulouse, a été agréée en qualité d'agent de police municipale par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 7 juillet 2003 et par une décision du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse du 28 novembre 2003. Par une décision du 24 mai 2019, le procureur de la République a retiré cet agrément. Par arrêté du 12 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne a abrogé son arrêté du 7 juillet 2003. Par une décision du 31 juillet 2019, le maire de Toulouse a radié Mme A... des cadres de la fonction publique territoriale. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cette décision du 31 juillet 2019. Par un jugement du 9 avril 2021 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles (...) sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1, en tant qu'elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents. ".

3. Mme A... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle aurait été privée d'une procédure contradictoire préalable au titre de ces dispositions du fait de sa qualité d'agent public. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 1er juillet 2019, la commune de Toulouse lui a notifié les décisions de retrait d'agrément, en l'informant de ce qu'il était envisagé de procéder à sa radiation des cadres de la fonction publique territoriale et qu'elle pouvait présenter des observations et consulter son dossier individuel. Mme A... a consulté son dossier le 8 juillet suivant en présence d'un conseil. Par suite, le moyen tiré de la privation des droits de la défense ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige : " Les fonctions d'agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les statuts particuliers prévus à l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. (...) L'agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l'Etat ou le procureur de la République après consultation du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale. (...). " Aux termes de l'article L. 412-49 du code des communes, alors en vigueur : " Lorsque l'agrément d'un agent de police municipale est retiré ou suspendu dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut proposer un reclassement dans un autre cadre d'emplois dans les mêmes conditions que celles prévues à la section 3 du chapitre VI de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, à l'exception de celles mentionnées au second alinéa de l'article 81. ". Ces dispositions accordent au maire la faculté de rechercher les possibilités de reclassement dans un autre cadre d'emplois de l'agent de police municipale dont l'agrément a été retiré ou suspendu, et qui n'a fait l'objet ni d'une mesure disciplinaire d'éviction du service, ni d'un licenciement pour insuffisance professionnelle.

5. Il ressort des pièces du dossier que, de juillet à septembre 2018, Mme A... a utilisé à plusieurs reprises à des fins personnelles la carte bancaire et le chéquier de l'association sportive de la police municipale de Toulouse dont elle était la présidente, en l'absence du trésorier qui était en arrêt de travail, pour un montant estimé à 6 000 euros environ. Mme A... a reconnu les faits et proposé un protocole de remboursement des fonds en octobre 2018, avant de démissionner de ses fonctions de présidente, le 24 janvier 2019. Au regard de la gravité de ces faits, le maire de Toulouse l'a suspendue de ses fonctions par arrêté du 20 mars 2019. Par courriers du 7 mai 2019, le maire a saisi le procureur de la République ainsi que le préfet de la Haute-Garonne d'une demande de retrait de l'agrément en qualité d'agent de police municipale dont Mme A... bénéficiait depuis 2003. Son agrément lui a été retiré par le procureur de la République par décision du 24 mai 2019, puis par le préfet de la Haute-Garonne par arrêté du 12 juin 2019. L'appelante se prévaut de ses bons états de service, de ce que son casier judiciaire est vierge et soutient qu'aucune sanction pénale ou disciplinaire n'a été prise à son encontre. Toutefois, en décidant de la radier des cadres en application des dispositions précitées en raison du retrait de son agrément par le procureur de la République et par le préfet, le maire de Toulouse n'a entaché sa décision d'aucun détournement de procédure, ni porté atteinte au respect du principe de la présomption d'innocence alors qu'elle a reconnu la matérialité des faits reprochés.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué mentionne dans ses visas la décision du procureur de la République du 24 mai 2019 portant retrait d'agrément de Mme A..., ainsi que la décision du préfet de la Haute-Garonne du 12 juin 2019 portant abrogation de l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2003 agréant Mme A.... Par suite, en décidant de radier Mme A... des cadres en raison " du retrait de son agrément ", le maire de Toulouse n'a entaché son arrêté d'aucune contradiction entre les motifs et le dispositif.

7. En quatrième lieu, il ressort de l'arrêté litigieux que le maire de Toulouse a considéré que " le retrait d'agrément d'un agent de police municipale ne lui confère aucun droit au reclassement ". Si le maire avait la faculté de rechercher les possibilités de reclassement dans un autre cadre d'emplois, les dispositions de l'article L. 412-49 du code des communes alors en vigueur n'instituaient cependant pas au bénéfice des agents de police municipale un droit à être reclassés à la suite d'un retrait d'agrément. Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté contesté doit dès lors être écarté.

8. En cinquième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée.

9. L'agrément accordé à un policier municipal peut légalement être retiré lorsque l'agent ne présente plus les garanties d'honorabilité auxquelles est subordonnée sa délivrance. L'honorabilité d'un agent de police municipale, nécessaire à l'exercice de ses fonctions, dépend notamment de la confiance qu'il peut inspirer, de sa fiabilité et de son crédit.

10. Il ressort des pièces du dossier que la décision du procureur de la République du 24 mai 2019 et la décision du préfet de la Haute-Garonne du 12 juin 2019 ont été notifiées à Mme A... par courrier du 24 juin 2019, reçu le 26 juin suivant. La décision du préfet comportait la mention des voies et délais de recours, de sorte que Mme A... n'est pas recevable à exciper de son illégalité, cet acte étant devenu définitif. Toutefois, elle est recevable à exciper de l'illégalité de la décision du procureur de la République, qui constitue un acte administratif, dès lors que celle-ci ne comportait pas la mention des voies et délais de recours. Le retrait d'agrément prononcé par le procureur de la République est fondé sur les faits exposés au point 5, selon lesquels l'intéressée a utilisé à plusieurs reprises à des fins personnelles la carte bancaire et le chéquier de l'association sportive de la police municipale de Toulouse pour un montant estimé à 6 000 euros environ. En considérant qu'au regard de ces faits, qui ont été commis à l'occasion d'une période d'absence du trésorier de l'association placé en arrêt de maladie, Mme A... ne présentait plus les garanties requises d'honorabilité auxquelles est subordonnée la délivrance de l'agrément, le procureur de la République n'a entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du retrait de son agrément doit être écarté.

11. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Toulouse, qui n'est pas la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

14. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement d'une somme de 1 000 euros à la commune de Toulouse, en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera la somme de 1 000 euros à la commune de Toulouse sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21TL22477 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL22477
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-025 Police. - Personnels de police.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SCP CATALA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-11;21tl22477 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award