La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/05/2023 | FRANCE | N°22TL21699

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 11 mai 2023, 22TL21699


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200473 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28

juillet 2022 et le 25 novembre 2022 sous le n° 22TL21699, Mme B..., représentée par Me Ahmed, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200473 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2022 et le 25 novembre 2022 sous le n° 22TL21699, Mme B..., représentée par Me Ahmed, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 de la préfète du Gard ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète du Gard de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

5°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer, pendant l'examen de sa demande, une autorisation provisoire de séjour autorisant l'exercice d'une activité salariée ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de séjour est entaché d'une insuffisance de motivation, révélatrice d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie dès lors que la préfète du Gard a décidé d'examiner sa demande de titre de séjour au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle remplit les critères posés par la circulaire du 28 novembre 2012 relative à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière, s'agissant des conjoints d'étrangers en situation régulière ;

- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît les stipulations des articles 3, 9, 10 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations des articles 3, 9, 10 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2022.

II. Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2022 sous le n° 22TL21706, Mme B..., représentée par Me Ahmed, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2200473 du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour temporaire jusqu'à l'intervention de l'arrêt rendu sur la requête au fond, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance prononçant le sursis ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de Gard de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour autorisant l'exercice d'une activité salariée jusqu'à l'intervention de l'arrêt rendu sur la requête au fond, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance prononçant le sursis ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens sur lesquels est fondée sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Virginie Restino, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 23 décembre 1996, a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 1er juillet 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Par la requête n° 22TL21699, Mme B... relève appel de ce jugement. Par la requête n° 22TL21706, elle demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

2. Les requêtes n° 22TL21699 et n° 22TL21706 présentées par Mme B... étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 22TL21699 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... justifie de sa présence habituelle en France depuis 2017. Le 10 août 2019, elle a épousé en France un compatriote qui y réside sous couvert d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'en 2026 et avec lequel elle justifie d'une vie commune depuis avril 2018. Deux enfants sont nés en France de cette union, en juin 2018 et en septembre 2021. Par suite, l'arrêté de la préfète du Gard du 6 décembre 2021, nonobstant la circonstance que la requérante aurait pu bénéficier du regroupement familial en retournant dans son pays d'origine, a porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2021 de la préfète du Gard.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, d'une part, que la situation de Mme B... aurait été modifiée en droit ou en fait depuis l'intervention de l'arrêté attaqué et, d'autre part, qu'un motif tenant à l'ordre public ferait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour, que l'administration délivre à la requérante la carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer le titre de séjour susmentionné, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur la requête n° 22TL21706 :

8. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2200473 du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes, les conclusions de la requête n° 22TL21706 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200473 du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du 6 décembre 2021 de la préfète du Gard sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Gard de délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL21706 de Mme B... tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 1er juillet 2022.

Article 4 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Gard.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. Barthez Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21699, 22TL21706


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21699
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : AHMED;AHMED;AHMED

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-05-11;22tl21699 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award