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06/07/2023 | FRANCE | N°22TL00184

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 22TL00184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du pays réuni d'Orange et la commune de Sorgues ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a réparti les biens et le solde de l'encours de la dette entre la communauté de communes du pays réuni d'Orange et les communes de Sorgues et Bédarrides et l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel la même autorité a modifié l'arrêté du 29 mai 2019, chacune en ce qu'il leur est défavorable, ainsi que les décisions

rejetant les recours gracieux dirigés contre le premier arrêté.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du pays réuni d'Orange et la commune de Sorgues ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a réparti les biens et le solde de l'encours de la dette entre la communauté de communes du pays réuni d'Orange et les communes de Sorgues et Bédarrides et l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel la même autorité a modifié l'arrêté du 29 mai 2019, chacune en ce qu'il leur est défavorable, ainsi que les décisions rejetant les recours gracieux dirigés contre le premier arrêté.

Par un jugement n° 1903653, 1903654, 1904194 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ces arrêtés et décisions, a enjoint au préfet de Vaucluse de prendre un nouvel arrêté portant répartition des biens et du solde de l'encours de la dette entre la communauté de communes du pays réuni d'Orange et les communes de Sorgues et Bédarrides dans un délai de quatre mois à compter de sa notification, a rejeté le surplus des conclusions des demandes introduites par la communauté de communes du pays réuni d'Orange et a prononcé un non-lieu à statuer sur l'ensemble des conclusions présentées dans l'instance engagée par la commune de Sorgues.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022 sous le n° 22MA00184 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00184 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 29 mai 2019 et du 8 octobre 2019.

Elle soutient que les arrêtés attaqués ne sont pas entachés de l'erreur de droit retenue par le tribunal dès lors qu'ils ont été pris après une analyse étayée et en application du pouvoir d'arbitrage conféré au préfet, qui a pu s'appuyer sur les propositions émises par la commission locale d'évaluation des charges transférées.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 3 novembre 2022 et le 4 janvier 2023, la communauté de communes du pays réuni d'Orange, représentée par Me Gaspar, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à ce que l'injonction ordonnée par le tribunal soit assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- le moyen soulevé par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, qui ne tend d'ailleurs qu'à la réformation du jugement, n'est pas fondé ;

- le préfet de Vaucluse était incompétent dès lors qu'un accord était intervenu avec les communes de Sorgues et de Bédarrides ;

- le délai de six mois prescrit par les dispositions de l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales a été méconnu ;

- la répartition des excédents est entachée d'erreurs de droit et de fait, tirées de ce que le préfet s'est fondé, pour évaluer les attributions de compensation dues à la commune d'Orange, sur le rapport de la commission locale d'évaluation des charges transférées du 20 novembre 2014 qui n'a pas été approuvé par le conseil communautaire dans les conditions prévues par le V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts ;

- la répartition du passif est entachée d'erreurs de fait ;

- la répartition des emprunts méconnaît le dispositif mis en place dans le cadre du pacte financier voté en 2016, ainsi que les dispositions de l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2022, la commune de Sorgues, représentée par Me Landot et Me Smimite, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que le moyen soulevé par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas fondé et réitère, à titre subsidiaire, l'ensemble des moyens soulevés devant le tribunal.

Par ordonnance du 9 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 janvier 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 21 février 2022 sous le n° 22MA00635 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00635 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1903653, 1903654, 1904194 du 16 novembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen d'annulation sur lequel est fondée sa requête au fond présente un caractère sérieux ;

- l'exécution du jugement contesté entraînerait des préjudices difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, la communauté de communes du pays réuni d'Orange, représentée par Me Gaspar, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- le moyen soulevé par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ne présente pas un caractère sérieux ;

- l'existence d'un préjudice difficilement réparable n'est pas une condition requise par l'article R. 811-15 du code de justice administrative et n'est pas établie.

Par ordonnance du 18 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 novembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bardoux pour la communauté de communes du pays réuni d'Orange.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 14 septembre 2016, le préfet de Vaucluse a modifié le périmètre de la communauté de communes Les Sorgues du Comtat pour y intégrer les communes de Sorgues et de Bédarrides et a acté le retrait de ces dernières de la communauté de communes du pays réuni d'Orange à compter du 1er janvier 2017. Par un arrêté du 29 mai 2019, la même autorité a fixé la répartition des biens et du solde de l'encours de la dette entre la communauté de communes du pays réuni d'Orange et les communes de Sorgues et de Bédarrides. Par un nouvel arrêté du 8 octobre 2019, le préfet a partiellement fait droit aux demandes de la communauté de communes du pays réuni d'Orange en modifiant le montant de l'excédent de trésorerie transféré. La communauté de communes du pays réuni d'Orange et la commune de Sorgues ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler ces arrêtés, ainsi que les décisions rejetant leurs recours gracieux respectifs dirigés contre le premier arrêté. Par la requête n° 22TL00184, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales fait appel du jugement du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé ces arrêtés et décisions et a enjoint au préfet de Vaucluse de prendre un nouvel arrêté portant répartition des biens et du solde de l'encours de la dette entre la communauté de communes du pays réuni d'Orange et les communes de Sorgues et Bédarrides dans un délai de quatre mois à compter de sa notification. Par la requête n° 22TL00635, elle demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

2. Les requêtes n° 22TL00184 et n° 22TL00635 présentées par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 22TL00184 :

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal :

3. Pour annuler les arrêtés attaqués, le tribunal administratif de Nîmes a estimé qu'il appartenait au préfet de Vaucluse, dans le cadre de la répartition des biens et du solde de l'encours de la dette entre la communauté de communes du pays réuni d'Orange et les communes de Sorgues et de Bédarrides, de fixer le montant des attributions de compensation dues par la première à la commune d'Orange au titre des exercices 2014 et 2015 et qu'il s'est, à ce titre, estimé lié par le montant proposé par la commission locale d'évaluation des transferts de charges dans son rapport du 20 novembre 2014.

4. D'une part, aux termes de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales : " Une commune peut se retirer de l'établissement public de coopération intercommunale (...), dans les conditions prévues à l'article L. 5211-25-1, avec le consentement de l'organe délibérant de l'établissement. A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et le conseil municipal concerné sur la répartition des biens ou du produit de leur réalisation et du solde de l'encours de la dette visés au 2° de l'article L. 5211-25-1, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés. Cet arrêté est pris dans un délai de six mois suivant la saisine du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou de l'une des communes concernées (...) ". L'article L. 5211-25-1 du même code dispose que : " En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : / 1° Les biens meubles et immeubles mis à la disposition de l'établissement bénéficiaire du transfert de compétences sont restitués aux communes antérieurement compétentes et réintégrés dans leur patrimoine pour leur valeur nette comptable, avec les adjonctions effectuées sur ces biens liquidées sur les mêmes bases. Le solde de l'encours de la dette transférée afférente à ces biens est également restituée à la commune propriétaire ; / 2° Les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences sont répartis (...) entre la commune qui se retire de l'établissement public de coopération intercommunale et l'établissement (...). Il en va de même pour le produit de la réalisation de tels biens, intervenant à cette occasion. Le solde de l'encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétences est réparti dans les mêmes conditions (...) entre la commune qui se retire et l'établissement public de coopération intercommunale (...). A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et les conseils municipaux des communes concernés, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de retrait d'une commune d'un établissement public de coopération intercommunale en raison de son adhésion à un autre établissement, il appartient à la commune et à l'établissement public de coopération intercommunale ou, à défaut d'accord, au représentant de l'Etat dans le département, de procéder à la répartition, d'une part, de l'ensemble des actifs dont l'établissement est devenu propriétaire postérieurement au transfert de compétences, à l'exception des disponibilités nécessaires pour faire face aux besoins de financements relatifs à des opérations décidées avant la date de la répartition et non encore retracées au bilan de l'établissement public, d'autre part, de l'encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétences. Cette répartition doit être fixée dans le but, d'une part, d'éviter toute solution de continuité dans l'exercice, par les personnes publiques, de leur compétence, d'autre part, de garantir un partage équilibré compte tenu de l'importance de la participation de la commune dans la communauté dont elle se retire. Pour la mise en œuvre d'une telle répartition, il appartient au représentant de l'Etat de veiller à garantir un partage équilibré de l'ensemble des éléments d'actif et de passif nés postérieurement au transfert de compétences et antérieurement au retrait de la commune du périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale, en tenant notamment compte, le cas échéant, d'une partie des charges fixes liées à la réalisation d'un équipement financé par cet établissement.

6. D'autre part, aux termes de l'article 1609 nonies C du code général des impôts : " (...) IV. - Il est créé entre l'établissement public de coopération intercommunale soumis aux dispositions fiscales du présent article et les communes membres une commission locale chargée d'évaluer les transferts de charges (...) / La commission locale chargée d'évaluer les charges transférées remet dans un délai de neuf mois à compter de la date du transfert un rapport évaluant le coût net des charges transférées. Ce rapport est approuvé par délibérations concordantes de la majorité qualifiée des conseils municipaux prévue au premier alinéa du II de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales, prises dans un délai de trois mois à compter de la transmission du rapport au conseil municipal par le président de la commission. Le rapport est également transmis à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale. / Lorsque le président de la commission n'a pas transmis le rapport précité aux conseils municipaux des communes membres ou à défaut d'approbation de celui-ci dans les conditions susmentionnées, le coût net des charges transférées est constaté par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. Il est égal à la moyenne des dépenses figurant sur les comptes administratifs de la collectivité à l'origine du transfert, actualisées en fonction de l'indice des prix hors tabac tel que constaté à la date des transferts sur une période de trois ans précédant le transfert pour les dépenses de fonctionnement et actualisées en fonction de l'indice des prix de la formation brute de capital fixe des administrations publiques, tel que constaté à la date des transferts, sur une période de sept ans précédant le transfert pour les dépenses d'investissement. Il est réduit le cas échéant des ressources afférentes à ces charges (...) V. - 1° L'établissement public de coopération intercommunale verse à chaque commune membre une attribution de compensation (...) / Les attributions de compensation fixées conformément aux 2°, 4°, 5° ou, le cas échéant, au 1° bis constituent une dépense obligatoire pour l'établissement public de coopération intercommunale (...) Le conseil de l'établissement public de coopération intercommunale communique aux communes membres, avant le 15 février de chaque année, le montant prévisionnel des attributions au titre de ces reversements. / Le conseil de l'établissement public de coopération intercommunale ne peut procéder à une réduction des attributions de compensation qu'après accord des conseils municipaux des communes intéressées (...) / 1° bis Le montant de l'attribution de compensation et les conditions de sa révision peuvent être fixés librement par délibérations concordantes du conseil communautaire, statuant à la majorité des deux tiers, et des conseils municipaux des communes membres intéressées, en tenant compte du rapport de la commission locale d'évaluation des transferts de charges. / Ces délibérations peuvent prévoir d'imputer une partie du montant de l'attribution de compensation en section d'investissement en tenant compte du coût des dépenses d'investissement liées au renouvellement des équipements transférés, calculé par la commission locale d'évaluation des transferts de charges conformément au cinquième alinéa du IV. / A défaut d'accord, le montant de l'attribution est fixé dans les conditions figurant aux 2°, 4° et 5° (...) ".

7. Il résulte du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts que le montant de l'attribution de compensation est fixé librement par délibérations concordantes du conseil de l'établissement public de coopération intercommunale, statuant à la majorité des deux tiers, et des conseils municipaux des communes membres intéressées, en tenant compte du rapport de la commission locale d'évaluation des transferts de charges, ou, à défaut d'accord, par délibération du conseil communautaire selon les modalités de calcul par défaut définies aux 2°, 4° ou 5°, lesquelles font référence au coût net des charges transférées calculé dans les conditions définies au IV. Ces dernières prévoient que la commission locale chargée d'évaluer les charges transférées remet un rapport évaluant le coût net de ces charges, qui est approuvé par délibérations concordantes de la majorité qualifiée des conseils municipaux prévue au premier alinéa du II de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales. Depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, le coût net des charges transférées est constaté par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, selon une procédure particulière, lorsque le président de la commission n'a pas transmis son rapport dans un délai de neuf mois à compter de la date du transfert ou à défaut d'approbation de celui-ci dans les conditions requises et dans un délai de trois mois à compter de la transmission du rapport au conseil municipal.

8. Il ressort des pièces du dossier que pour fixer, dans les arrêtés attaqués, la répartition des biens et du solde de l'encours de la dette entre la communauté de communes du pays réuni d'Orange et les communes de Sorgues et de Bédarrides, le préfet de Vaucluse a pris en compte, au titre des actifs dont l'établissement était devenu propriétaire postérieurement au transfert de compétences, un montant de trésorerie de 9 476 965,27 euros apparaissant dans le bilan synthétique du compte de gestion de l'exercice 2016 de son budget principal. Il a retenu un excédent de trésorerie non affectée, évalué en dernier lieu à 4 206 857, 27 euros, en tenant compte notamment des attributions de compensation dues au titre des exercices 2014 et 2015 à la commune d'Orange, qui avait intégré la communauté de communes du pays réuni d'Orange le 1er janvier 2014. Il s'est, à ce titre, fondé sur l'évaluation de l'attribution de compensation proposée par la commission locale d'évaluation des transferts de charges dans son rapport du 20 novembre 2014, intervenu pour l'évaluation des charges transférées par la commune d'Orange. Il est toutefois constant que l'évaluation du coût net des charges transférées contenue dans ce rapport n'a pas été approuvée dans les conditions requises par les conseils municipaux des communes membres et que ce coût n'a pas été constaté par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. Par ailleurs, pour les exercices 2014 et 2015, aucune délibération du conseil de la communauté de communes du pays réuni d'Orange n'a fixé, de façon concordante avec les conseils municipaux des communes membres intéressées ou de façon unilatérale selon les modalités de calcul par défaut définies aux 2°, 4° ou 5° du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, le montant de l'attribution de compensation se fondant sur cette évaluation des charges. Tel n'est pas le cas des délibérations du 25 février 2016 et du 14 avril 2016 par lesquelles le conseil communautaire a fixé le montant de nouvelles attributions de compensation pour l'ensemble des communes membres, devant être appliquées dès l'exercice budgétaire 2016 dans le cadre d'un " pacte financier " s'appuyant sur une redéfinition des charges de gestion, des épargnes nettes et des mécanismes de solidarité et tenant compte d'un rapport établi le 15 février 2016 par la commission locale d'évaluation des transferts de charges.

9. Alors même qu'aucune délibération ne fixait les attributions de compensation dues au titre des exercices 2014 et 2015 à la commune d'Orange et que cette dernière n'avait jamais perçu d'attribution de compensation antérieurement, il n'appartenait pas au préfet, y compris depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 et dans le cadre des arrêtés attaqués, de procéder à cette fixation, laquelle incombait en tout état de cause au conseil de la communauté de communes du pays réuni d'Orange. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a, pour annuler les décisions contestées, retenu le moyen tiré de ce que le préfet de Vaucluse était compétent et se serait estimé lié par le montant proposé par la commission locale d'évaluation des transferts de charges dans son rapport du 20 novembre 2014.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la communauté de communes du pays réuni d'Orange et la commune de Sorgues devant le tribunal administratif et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

11. Il résulte des dispositions précitées, en particulier du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, que, y compris à défaut de délibération fixant les attributions de compensation dues au titre des exercices 2014 et 2015 à la commune d'Orange, le préfet de Vaucluse, à qui il n'appartenait pas de procéder à cette fixation, ne pouvait légalement se fonder, pour tenir compte de ces attributions de compensation, sur l'évaluation proposée sur ce point par la commission locale d'évaluation des transferts de charges dans son rapport du 20 novembre 2014. Par suite, les arrêtés attaqués méconnaissent les dispositions précédemment citées du code général des impôts et du code général des collectivités territoriales.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas fondée se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés du 29 mai 2019 et du 8 octobre 2019, ainsi que les décisions rejetant les recours gracieux dirigés contre le premier arrêté, et a enjoint au préfet de Vaucluse de prendre un nouvel arrêté portant répartition des biens et du solde de l'encours de la dette entre la communauté de communes du pays réuni d'Orange et les communes de Sorgues et Bédarrides.

En ce qui concerne l'appel incident de la communauté de communes du pays réuni d'Orange :

13. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a enjoint au préfet de Vaucluse de prendre un nouvel arrêté portant répartition des biens et du solde de l'encours de la dette entre la communauté de communes du pays réuni d'Orange et les communes de Sorgues et Bédarrides dans un délai de quatre mois à compter de sa notification. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur la requête n° 22TL00635 :

14. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 1903653, 1903654, 1904194 du 16 novembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes, les conclusions de la requête n° 22TL00635 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes du pays réuni d'Orange ainsi qu'à la commune de Sorgues sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes du pays réuni d'Orange présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL00635 de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 novembre 2021.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la communauté de communes du pays réuni d'Orange et la même somme à la commune de Sorgues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la communauté de communes du pays réuni d'Orange, à la commune de Sorgues et à la commune de Bédarrides.

Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL00184, 22TL00635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00184
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-05-01 Collectivités territoriales. - Coopération. - Établissements publics de coopération intercommunale - Questions générales.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SCP CHARREL et ASSOCIES;SCP CHARREL et ASSOCIES;SCP CHARREL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-06;22tl00184 ?
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