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20/07/2023 | FRANCE | N°22TL22116

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 20 juillet 2023, 22TL22116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202840 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19

octobre 2022 et le 19 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202840 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 octobre 2022 et le 19 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré de l'inexactitude matérielle entachant l'arrêté en litige s'agissant de sa durée de présence effective en France ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'autorité préfectorale a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant liée par la circonstance qu'il ne disposait pas de visa de long séjour pour refuser son admission au séjour en qualité de conjoint de ressortissante de nationalité française ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'inexactitude matérielle quant à l'ancienneté de sa vie commune et quant à sa présence en France depuis l'année 2006 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les articles L. 423-23 et L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant à ses écritures et pièces de première instance, que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juin 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- et les observations de Me Ruffel, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc, né le 11 mars 1984, déclare être irrégulièrement entré en France en octobre 2006. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 avril 2007, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 mai 2007. La demande de réexamen de sa demande d'asile a également été rejetée par une décision de l'Office du 24 avril 2008. Par un premier arrêté du 22 janvier 2008, auquel l'intéressé n'a pas déféré, le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois. Interpellé, le 5 février 2019, sur un chantier de construction dans le cadre d'une mission de lutte contre le travail illégal en possession d'une carte d'identité belge contrefaite ayant donné lieu à placement en garde à vue pour des faits de détention de faux document administratif, faux et usage de faux, M. A... a, par un arrêté du préfet de l'Hérault du 5 février 2019, fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 février 2019 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 octobre 2019. Après avoir contracté mariage avec une ressortissante française, le 2 juillet 2021, M. A... a, le 7 février 2022, sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, au titre de sa vie privée et familiale ainsi que son admission exceptionnelle au séjour. M. A... relève appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Montpellier a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par l'appelant. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'inexactitude matérielle entachant l'arrêté en litige s'agissant de la durée de présence en France de l'intéressé qu'il a rejeté au point 8 du jugement attaqué. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens communs à l'arrêté en litige :

3. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de M. A..., en particulier les articles L. 412-1, L. 423-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquels a été examinée sa demande de titre de séjour et le 3° de l'article L. 611-1 du même code. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressé en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français, les raisons de fait pour lesquelles sa demande de titre de séjour doit être rejetée sans que l'autorité préfectorale soit tenue de les détailler. Par ailleurs, dès lors que la décision obligeant l'appelant à quitter le territoire a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, conformément aux dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, la décision fixant le pays de renvoi mentionne la nationalité de M. A... et précise qu'il n'encourt pas de risques contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte est, dès lors, suffisamment motivé.

4. En second lieu, il ne ressort pas de la motivation exhaustive de l'arrêté en litige qu'il n'aurait pas été précédé d'un examen particulier de la situation personnelle de l'appelant.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, il ne ressort pas de l'arrêté en litige que l'autorité préfectorale aurait méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant liée par la seule circonstance que M. A... ne disposait pas de visa de long séjour pour examiner le droit au séjour de l'intéressé.

6. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". L'article L. 423-1 du même code dispose que : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". L'article L. 412-1 de ce code précise que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

8. En vertu de ces dispositions, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois. Il en va différemment pour l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire. Lorsqu'un étranger présente, après l'expiration du délai de renouvellement du titre qu'il détenait précédemment, une nouvelle demande de titre de séjour, cette demande de titre doit être regardée comme une première demande à laquelle la condition de la détention d'un visa de long séjour peut être opposée.

9. D'une part, dès lors que M. A... entre dans la catégorie des étrangers relevant de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont la demande de titre de séjour en qualité de conjoint de Français est subordonnée à la production d'un visa de long séjour et que le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " prévu par les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est réservé aux étrangers n'entrant pas dans cette catégorie, M. A... ne peut, indépendamment de sa durée de présence effective en France, utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. D'autre part, nonobstant la réalité des liens noués avec sa belle-famille, de son projet de fonder une famille et de son insertion socio-professionnelle attestés par de nombreuses pièces, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie de M. A..., qui a commencé en 2018 et donné lieu à un mariage le 2 juillet 2021, présente un caractère récent à la date de l'arrêté attaqué, qu'elle a débuté alors même que l'intéressé se trouvait déjà en situation irrégulière et s'est maintenu en France en dépit de l'édiction de deux précédentes mesures d'éloignement prises en 2008 et 2009, dont l'une assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an tandis qu'il n'existe aucun obstacle à ce que l'intéressé, dont la demande de protection internationale a été définitivement rejetée par les autorités en charge de l'asile et qui est sans enfants, regagne temporairement la Turquie en vue d'y solliciter la délivrance d'un visa de long séjour afin de régulariser son entrée sur le territoire français. Dans ces conditions, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé sur le territoire français, le préfet de l'Hérault n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, en refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2022 du préfet de l'Hérault. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22116
Date de la décision : 20/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-20;22tl22116 ?
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