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19/09/2023 | FRANCE | N°22TL21268

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 19 septembre 2023, 22TL21268


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet de l'Aude lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'interdisant de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202186 du 2 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet

de l'Aude.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet de l'Aude lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'interdisant de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202186 du 2 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet de l'Aude.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022, le préfet de l'Aude demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande de M. C... A... B... ;

Il soutient que :

- en vertu du règlement n° 539/2001du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers soumis ou non à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres, les ressortissants brésiliens sont exemptés de visa pour les séjours de moins de trois mois ; en l'espèce, le passeport de M. A... B... mentionne qu'il est entré dans l'espace Schengen, sur le territoire espagnol, le 22 janvier 2022 soit plus de trois mois avant l'intervention de l'arrêté du 26 avril 2022 ;

- par ailleurs, l'accord franco-portugais du 8 mars 1993 prévoit qu'une demande de réadmission ne peut être présentée que si le ressortissant étranger est titulaire d'une autorisation de séjour dans le pays de provenance et qu'il présente des éléments de preuve tel qu'un billet d'avion prouvant sa provenance de ce pays ;

- il avait le choix entre l'édiction d'une mesure d'éloignement et une mesure de réadmission, sauf dans le cas, qui n'est pas celui de l'espèce, dans lequel le ressortissant étranger est en situation régulière dans le pays de provenance.

Par une ordonnance du 7 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

-l'accord du 8 mars 1993 entre la République française et la République portugaise sur la réadmission de personnes en situation irrégulière et le décret n° 95-876 du 27 juillet 1995 portant publication de cet accord ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1.M. C... A... B..., ressortissant brésilien né le 2 avril 1991, qui est entré en France le 20 avril 2022, par un vol en provenance de Lisbonne, a été interpellé en situation irrégulière le 26 avril 2022 à bord d'un bus effectuant la liaison entre Toulouse et Lyon. Il a fait l'objet, par arrêté du préfet de l'Aude du 26 avril 2022, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il possède la nationalité ou de tout pays dans lequel il serait légalement admissible, ainsi que d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2022 précité.

2. Le préfet de l'Aude relève appel du jugement du 2 mai 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 26 avril 2022 .

Sur le bien-fondé du jugement :

3. D'une part aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. / L'étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. Il est mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ". Aux termes de l'article L. 621-2 du même code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse l'étranger qui, admis à entrer ou à séjourner sur le territoire de cet État, a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 311-1, L. 311-2 et L. 411-1, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec cet État, en vigueur au 13 janvier 2009. ". Aux termes de l'article L. 621-3 du même code : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les dispositions de l'article L. 621-2 lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français sans se conformer aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20, et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21, de cette convention, relatifs aux conditions de circulation des étrangers sur les territoires des parties contractantes, ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ".

5. Il résulte, tout d'abord, des dispositions précitées, ainsi que l'a estimé à bon droit la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier, que lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application des articles L. 621-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'État membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 621-1 et suivants, soit lui faire obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'État membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, il appartient au préfet alors même que l'intéressé ne serait pas titulaire d'un titre de séjour dans le pays de provenance, d'examiner s'il y a lieu de le réadmettre dans l'État dont il provient, ou de l'éloigner vers son pays d'origine. À cet égard, il ressort des pièces du dossier que M. A... B... a indiqué, lors de son audition le 26 avril 2022 par les services de police, qu'il résidait avant son entrée en France au Portugal et qu'il souhaitait y être réadmis.

6. Aux termes de l'article 2 de l'accord entre la République française et la République portugaise du 8 mars 1993 : " (...) I.-Réadmission des ressortissants d'États tiers /Article 2 : 1. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans autres formalités que celles prévues par le présent Accord, le ressortissant d'un État tiers qui a transité ou séjourné sur son territoire et s'est rendu directement sur le territoire de l'autre Partie, lorsqu'il ne remplit pas les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante (...) ". En vertu de l'article 3 de cet accord : " L'obligation de réadmission n'existe pas à l'égard : (...) c/ des ressortissants d'Etats tiers qui ont séjourné irrégulièrement plus de quatre-vingt-dix jours sur le territoire de la Partie contractante requérante (...) ".

7. En admettant même que le préfet de l'Aude ait entendu, en faisant valoir que M. A... B... était entré dans l'espace Schengen, sur le territoire espagnol, le 22 janvier 2022 soit plus de trois mois avant l'intervention de l'arrêté du 26 avril 2022, se placer dans le cadre des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord entre la République française et la République portugaise, il ressort des pièces du dossier, que l'intéressé, entré en France, ainsi qu'il est dit au point 1, le 20 avril 2022, a été interpellé en situation irrégulière le 26 avril 2022 à bord d'un bus effectuant la liaison entre Toulouse et Lyon, par les services de la police judiciaire de Port-la-Nouvelle. Dès lors, à la date de l'arrêté préfectoral, faute d'être en séjour irrégulier en France depuis plus de trois mois, et compte tenu de ce que, au demeurant, en vertu de l'article 1er du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001, le Brésil figure au nombre des pays dont les ressortissants sont exemptés de l'obligation de visa pour le franchissement des frontières extérieures des États membres, les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-portugais ne pouvaient être opposées à sa demande de réadmission vers le Portugal.

8. Si le préfet de l'Aude soutient également que M. A... B... n'a pas justifié de sa provenance depuis le Portugal, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il est dit au point 1, qu'il est entré en France, à Bordeaux, le 20 avril 2022, par un vol en provenance de Lisbonne.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aude n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 26 avril 2022 obligeant M. A... B... à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Aude est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Aude, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A... B....

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21268

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21268
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : VEYRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-19;22tl21268 ?
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