La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2023 | FRANCE | N°22TL22274

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 21 septembre 2023, 22TL22274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106736 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, Mme

B..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106736 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2021 du préfet de l'Hérault ;

3°) à titre principal, d'ordonner au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire d'ordonner le réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au vu de la durée de sa présence sur le territoire français pendant dix ans

- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine pour avis de la commission du titre de séjour en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté ce moyen comme irrecevable dès lors qu'elle a invoqué dans sa requête introductive d'instance un moyen de légalité externe avant l'expiration du délai de recours contentieux ;

- le tribunal n'a pas tenu compte de ses attaches familiales et personnelles en France ;

- le préfet et le tribunal ont commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'elle ne serait pas isolée en cas de retour dans son pays d'origine ;

- sa situation justifie son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet de l'Hérault a commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa demande ;

- le tribunal n'a pas tenu compte de son état de santé dans l'analyse de sa vie privée et familiale en France ;

- cette décision méconnaît les stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en violation de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa situation justifiait son admission exceptionnelle au séjour.

Par un mémoire, enregistré le 19 juin 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en soutenant qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 19 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2023 à 12 heures.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55% par une décision du 21 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Chabert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine, née le 31 décembre 1973, déclare être entrée sur le territoire français le 4 septembre 2010. Le 28 octobre 2021, elle a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 12 décembre 2021, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens soulevés par le demandeur qui relèvent d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande avant l'expiration de ce délai. Ce délai de recours commence, en principe, à courir à compter de la publication ou de la notification complète et régulière de l'acte attaqué. Toutefois, à défaut, il court, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne un demandeur donné, de l'introduction de son recours contentieux contre cet acte.

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier de première instance que la demande de Mme B..., enregistrée le 20 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif de Montpellier, ne contenait que des moyens relatifs à la légalité interne de l'arrêté en litige. Si l'appelante soutient que l'extrait de sa requête relatif à son intégration et la durée de sa présence sur le territoire français devait être analysé comme un moyen de légalité externe, cette argumentation tend à contester la légalité interne de l'arrêté en litige et non la régularité de la procédure au terme de laquelle a été pris cet arrêté. Dès lors, le moyen de légalité externe tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, présenté à l'appui du mémoire complémentaire enregistré le 25 mars 2022, reposait sur une cause juridique nouvelle qui n'a pas été invoquée avant l'expiration du délai de recours contentieux d'un mois qui a commencé à courir au plus tard à la date d'enregistrement de la demande. Ainsi, ce moyen, qui n'était pas d'ordre public et qui se rattachait à une cause juridique distincte de celle invoquée dans le délai de recours contentieux, a été présenté tardivement et c'est à bon droit que le tribunal l'a écarté comme irrecevable.

4. D'autre part, part, Mme B... n'ayant, dans le cadre de sa demande de première instance, invoqué que des moyens de légalité interne ainsi qu'il vient d'être exposé, elle n'est pas recevable à invoquer en appel le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour qui se rattache donc à une cause juridique distincte de celle dont procédaient les moyens soulevés en première instance. Ce moyen doit donc également être écarté comme irrecevable.

5. En deuxième lieu, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est mariée depuis 2008 à un ressortissant marocain titulaire d'une carte de séjour temporaire valable du 18 juin 2021 au 17 juin 2022. Dans ces conditions, la requérante, qui entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme B... se prévaut de son mariage en 2008 avec un compatriote en situation régulière en France qui est père d'un enfant de nationalité française issu d'une précédente union. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'appelante était hébergée chez des cousins en 2017 puis chez son frère pour les années 2019 à 2020. L'ancienneté d'une vie commune avec son conjoint n'est ainsi pas établie et Mme B... a vécu habituellement dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 37 ans et a fait l'objet en 2013, 2017 et 2020 de trois arrêtés portant obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, alors même que des membres de sa famille seraient en situation régulière en France ou bénéficierait de la nationalité français, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus opposé à la demande d'admission au séjour présentée par l'appelante aurait sur sa situation personnelle et familiale des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de telles conséquences doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

11. Mme B... produit un certificat médical du 26 octobre 2021 attestant, sans autre précision, que sa maladie digestive chronique nécessite un traitement de longue durée et des consultations régulières. Si la requérante se prévaut également de certificats médicaux produits pour la première fois en appel, notamment du certificat médical du 11 février 2022 selon lequel " la présence de son mari est indispensable auprès d'elle compte tenu de son invalidité ", il ne s'en déduit pas, comme d'ailleurs d'aucune autre pièce du dossier, que son époux serait le seul à pouvoir lui apporter le soutien requis. Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7, la situation de l'appelante ne répond pas à des considérations humanitaires ni à des motifs exceptionnels permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission au séjour doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Haïli, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

X. Haïli La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22274


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22274
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-21;22tl22274 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award