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28/09/2023 | FRANCE | N°22TL22477

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 28 septembre 2023, 22TL22477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100219 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2022, M. A...,

représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100219 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2022, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision de la cour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un vice de procédure tenant à l'absence de saisine des autorités maliennes compétentes pour apprécier l'authenticité des actes d'état-civil, en méconnaissance de l'article 47 du code civil et de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les pièces qu'il produit, qui sont authentiques, notamment les actes d'état-civil, établissant qu'il est né le 19 mars 2001 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de cet article, eu égard à sa vie en France, notamment à ses efforts d'intégration sociale et professionnelle, et à l'absence de lien avec les membres de sa famille restés au Mali ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale, en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale, en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- et les conclusions de M. Clen rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, est entré en France le 30 juin 2017 selon ses déclarations. Le 25 janvier 2019, il a sollicité son admission au séjour en qualité de mineur isolé confié au service de l'aide sociale à l'enfance, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 août 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande pour deux motifs : d'une part, les documents d'état-civil produits n'établissaient pas que M. A... était né le 19 mars 2001 et donc remplissait la condition d'âge prévue par les dispositions de cet article et, d'autre part, en tout état de cause, les conditions de son séjour en France, eu égard aux liens maintenus avec la famille demeurée au Mali, ne justifiaient pas que sa situation soit régularisée au titre de ces dispositions. Il lui a aussi fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... fait appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. D'une part, s'agissant de l'âge de M. A..., l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Les dispositions de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a présenté notamment un acte de naissance n° 188 aux termes duquel il serait né le 19 mars 2001 à Diboli (Mali). Toutefois, le préfet de la Haute-Garonne lui a opposé, après la consultation du fichier Visabio prévue par l'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui a révélé la correspondance des empreintes digitales, le fait qu'il avait précédemment sollicité un visa Schengen auprès du consulat de France à Dakar en indiquant se nommer C... Sall et être né le 19 septembre 1979.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports éducatifs produits, que M. A... est un jeune qui est autonome et passionné de football et qui a sollicité très peu les adultes de son entourage lors de son passage dans la maison d'éducation à caractère solidaire " La grande allée ". Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'identité C... Sall né le 19 septembre 1979, qui supposerait que le requérant aurait eu trente-huit ans lorsqu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, doit être regardé comme une fausse identité dont il s'est prévalu pour les besoins de son entrée irrégulière sur le territoire français.

6. L'examen technique de l'extrait d'acte de naissance n° 188 comportant la date de naissance du 19 mars 2001 par la cellule de la fraude documentaire et à l'identité de la direction de la police aux frontières de Toulouse a conclu que l'extrait est " techniquement une contrefaçon " au seul motif que, dans le " document de référence ", " les mentions pré-imprimées sont réalisées en impression offset à ton direct (net, propre et précis) " alors que, s'agissant du " document analysé ", " les mentions pré-imprimées sont réalisées en impression laser toner (points parasites de toner autour des caractères) ". Toutefois, M. A... produit, sans être contredit utilement sur ce point, une attestation du 17 juillet 2019 émanant d'une autorité consulaire malienne en France selon laquelle aucun support ou mode d'impression avec une imprimante particulière n'est exigé ni sur le territoire malien ni dans les missions diplomatiques ou consulaires et que les autorités compétentes utilisent ainsi tout procédé existant pour imprimer des documents administratifs, en particulier les documents administratifs. Outre une carte nationale d'identité délivrée par les autorités maliennes sous le n° 2097098 et une carte d'identité consulaire délivrée par ces mêmes autorités sous le n° 1824246 comportant la date de naissance du 19 mars 2001, M. A... produit également pour la première fois devant le juge d'appel une attestation d'authenticité de l'acte de naissance n° 188 établie par le consulat général du Mali à Lyon, le 20 septembre 2022. Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. A... doit être regardé comme établissant être né le 19 mars 2001. Par voie de conséquence, le premier motif de la décision du préfet de la Haute-Garonne rejetant la demande de titre de séjour dès lors que M. A... n'aurait pas été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans est entaché d'une erreur de fait.

7. D'autre part, s'agissant des conditions du séjour en France, il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle dans la spécialité " agent polyvalent de restauration globale " à la session du mois de juin 2020 et a obtenu le titre professionnel de " serveur en restauration " le 30 juillet 2021, ce qui établit le caractère réel et sérieux des formations suivies. Les avis émis par les représentants des structures ayant accueilli M. A... sont en outre favorables. Ainsi, nonobstant la circonstance que sa famille réside dans son pays d'origine, il est également fondé à soutenir que le second motif de la décision du préfet de la Haute-Garonne rejetant sa demande de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

9. Eu égard au motif retenu pour annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne, il lui est enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2100219 du 25 mai 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 5 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer un titre de séjour à M. A... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros au conseil de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

A. BarthezL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL22477 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22477
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-28;22tl22477 ?
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