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05/10/2023 | FRANCE | N°21TL20367

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 05 octobre 2023, 21TL20367


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 janvier 2021 et le 23 août 2021, sous le n° 21BX20367 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis sous le n° 21TL20367 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et par un mémoire en réplique enregistré le 13 juin 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Villemur Distribution et la société par actions simplifiée (SAS) Seynet, représentées par la SCP Courrech et Associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire du 10 décembre 202

0 délivré par le maire de Bessières à la société civile immobilière Romachris val...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 janvier 2021 et le 23 août 2021, sous le n° 21BX20367 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis sous le n° 21TL20367 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et par un mémoire en réplique enregistré le 13 juin 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Villemur Distribution et la société par actions simplifiée (SAS) Seynet, représentées par la SCP Courrech et Associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire du 10 décembre 2020 délivré par le maire de Bessières à la société civile immobilière Romachris valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'extension de 834 m² d'un magasin à l'enseigne super U portant la surface de vente de 2 204,69 m² à 3 039,29 m² ainsi que pour l'extension d'un " drive " de 63 m² portant sa surface de 166,63 m² à 229,63 m² ;

2°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur requête est recevable au regard du délai de recours et de leur intérêt à agir ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;

- il n'apparaît pas que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial aient été destinataires des documents visés par l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- le projet autorisé méconnaît les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce compte tenu de son impact sur l'animation de la vie urbaine, de l'absence de desserte satisfaisante par les modes de déplacement alternatifs et doux et de l'absence d'intégration architecturale et environnementale du projet ;

- le projet autorisé est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Nord Toulousain ;

- en outre, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de la société Villemur distribution doit être écartée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 3 mai 2021 et le 23 septembre 2022, la société civile immobilière Romachris, représentée par la SCP CGCB et Associé, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de chaque société requérante une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Villemur Distribution ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité à agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 mars et 22 septembre 2022, la commune de Bessières, représentée par Me Cayssials, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de chaque société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle reprend à son compte la fin de non-recevoir opposée par la société co-défenderesse tirée de l'absence de justification par la société Villemur Distribution d'un intérêt lui donnant qualité à agir ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme est irrecevable ;

- aucun des autres moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 23 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2022.

Un mémoire présenté pour les sociétés Villemur Distribution et Seynet, représentées par la SCP Courrech et Associés, a été enregistré le 25 août 2023 postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Carteret, représentant les sociétés Villemur distribution et Seynet ;

- les observations de Me Pahor-Gafari représentant la commune de Bessières ;

- et les observations de Me Aldigier représentant la société Romachris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Romachris a déposé le 3 mars 2020 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'extension de 834 m² d'un magasin à l'enseigne super U portant la surface de vente de 2 204,69 m² à 3 039,29 m² ainsi que pour l'extension d'un " drive " de 63 m² portant sa surface de 166,63 m² à 229,63 m² sur le territoire de la commune de Bessières (Haute-Garonne). La Commission nationale d'aménagement commercial a émis le 15 octobre 2020 un avis favorable à ce projet. Par un arrêté du 10 décembre 2020, le maire de Bessières a délivré à la société pétitionnaire le permis de construire sollicité valant autorisation d'exploitation commerciale. Par la présente requête, la société Villemur Distribution et la société Seynet demandent l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté portant permis de construire :

2. L'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. (...) ".

3. La société Villemur Distribution, dont l'établissement qu'elle exploite sous l'enseigne Leclerc est implanté sur la commune de Villemur sur Tarn, et la société Seynet, dont l'établissement qu'elle exploite sous l'enseigne Intermarché est implanté sur la commune de Buzet sur Tarn, qui ne sont donc pas voisines de la construction projetée, ont saisi la cour en se prévalant de leur qualité de professionnels dont l'activité exercée dans la zone de chalandise du projet de la société Romachris est susceptible d'être affectée par le projet. Dès lors, le moyen qu'elles soulèvent tiré de ce que les prescriptions dont le permis de construire attaqué est assorti ne seraient pas motivées en méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, qui est relatif à la régularité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire, est irrecevable, ainsi que l'oppose à bon droit la commune défenderesse.

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial :

4. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'une convocation pour la réunion du 15 octobre 2020 a été adressée par voie électronique de façon simultanée aux membres de la Commission nationale d'aménagement commercial le 30 septembre 2020 et qu'y était joint l'ordre du jour de la séance précisant que les documents utiles seront disponibles sur une plateforme de téléchargement au moins cinq jours avant la séance. En se bornant à soutenir qu'à la lecture de l'avis émis par la commission il n'apparaît pas que les membres aient été destinataires de ces documents, les sociétés requérantes ne remettent pas utilement en cause la régularité de la convocation des membres de la commission. Dans ces conditions et en l'absence de critique plus précise émanant des sociétés requérantes, le moyen tiré du vice dont aurait été entachée la procédure tenue devant la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté.

En ce qui concerne la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale du Nord Toulousain :

6. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. (...) ".

7. A l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci, avec lesquels les autorisations délivrées par les commissions d'aménagement commercial doivent être compatibles, doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. En matière d'aménagement commercial, s'il ne leur appartient pas, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ils peuvent fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales, définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme. Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

8. Le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Nord Toulousain, dont le périmètre comprend la commune de Bessières, s'est notamment fixé pour objectif de renforcer et diversifier l'armature commerciale pour une meilleure autonomie des territoires. Au titre de la prescription 91 " principes de localisation des équipements commerciaux à impact significatif ", le schéma précise que : " 1. les secteurs d'implantation de centralités urbaines repérées correspondent aux centres-villes des pôles d'équilibre et de la centralité sectorielle du SCoT : Grenade, Castelnau d'Estretefonds, Villemur-sur-Tarn, Fronton, Bessières et Montastruc-la-Conseillère. 2. les secteurs d'implantation périphérique sont articulés aux pôles urbains déterminés et dimensionnés en cohérence avec la hiérarchie des pôles : • les plus vastes sont situés sur les pôles principaux et sur la centralité sectorielle, • les plus réduits se situent principalement dans les pôles complémentaires du SCoT. Les secteurs d'implantation périphérique sont définis en nombre limité, en relation avec les objectifs de polarisation, de regroupement commercial, d'équilibre avec les pôles commerciaux voisins, notamment ceux de centre-bourgs. Ils sont localisés en tenant compte de la proximité à l'usager, de l'accessibilité des lieux, quelque soit le mode de déplacement, ou encore du signal paysager généré ". Au titre des objectifs stratégiques en matière de développement commercial, la prescription 92 du même document prévoit que : " Les principaux projets de développement de commerce et d'artisanat commercial sont implantés préférentiellement dans les territoires spécifiquement localisés au présent Document d'Aménagement Artisanal et Commercial (secteurs d'implantation de centralités urbaines, secteurs d'implantation périphérique). En particulier ceux qui visent à : 1. créer ou agrandir des grandes surfaces commerciales ou des ensembles commerciaux qui totalisent aux termes du projet plus de 1 000 m² de surface de plancher, 2. créer un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, lorsque ce dernier est indépendant d'un commerce de détail accessible au public (" entrepôts drive ") ". La prescription 94 au titre de ces mêmes objectifs précise que : " La composition des opérations commerciales les plus significatives situées en secteur d'implantation périphérique, qui comportent plusieurs commerces et différents types de format (grandes surfaces, moyennes surfaces, galerie commerciale ...), contribuent à l'atteinte des objectifs de meilleure adéquation entre l'offre et la demande commerciale sur le SCoT et d'équilibre des territoires en privilégiant : 1. Une diversification de l'offre commerciale, notamment en s'efforçant de développer l'offre commerciale et artisanale à fréquentation hebdomadaire ou occasionnelle, 2. Un dimensionnement raisonnable de galerie commerciale, de manière à rester complémentaire à l'offre commerciale de proximité existante, spécifiquement l'offre située en centre bourg ou centre-ville ".

9. Au titre de la prescription 95 " consommation économe de l'espace ", le schéma précise que : " Les secteurs d'implantation périphérique ou parties de secteurs d'implantation périphérique qui impactent les espaces agricoles ou naturels et engendrent une consommation foncière de ces derniers (hors des parties urbanisées existantes), sont repérés et quantifiés schématiquement dans la carte de synthèse des orientations spatialisées, à travers une vignette chiffrée maximale. Les projets urbains qui comportent la création d'ensembles commerciaux significatifs situés dans les territoires localisés au DAAC sont conçus en tenant compte des exigences d'économie de foncier. A cette fin, l'aménagement proposé recherche : - la densité et la compacité des formes bâties, y compris par le développement vertical, - le développement d'opérations d'aménagement d'ensemble, - l'utilisation des potentialités urbaines inexploitées situées dans ces espaces : réoccupation de bâtiments vacants, mutation urbaine, ...- la mixité de fonctions et d'usages, en offrant des solutions immobilières à des destinations compatibles avec la présence commerciale, comme du logement, des locaux artisanaux, de services ou de bureaux, - la mutualisation et l'optimisation des espaces de stationnement et de circulation automobile. ". Au titre des objectifs " Accessibilité et déplacements ", la prescription 96 dudit schéma prévoit que : " Lors de la définition des projets d'aménagement dans les secteurs d'implantation périphérique, une attention particulière est accordée à l'organisation de l'ensemble des déplacements et à la promotion des déplacements doux. Pour ce faire, qu'il s'agisse de préciser les conditions d'urbanisation de manière globale dans le PLU ou d'établir un projet de construction et d'aménagement à vocation commerciale, il convient de : 1. Promouvoir les déplacements doux en constituant un réseau maillé et sécurisé : • en aménageant le site du projet, notamment en irriguant les lieux de stationnement par des circulations piétonnes et en proposant des solutions de stationnement adaptées aux mobilités douces, • en travaillant à l'accroche aux infrastructures de déplacements doux riveraines et, le cas échéant, aux arrêts de transports en commun les plus proches. 2. Organiser le transport routier, en définissant les accès, les circulations internes et le stationnement pour les usagers motorisés ou les livraisons de marchandises, avec le souci de minimiser les nuisances engendrées et de limiter l'emprise foncière de ces infrastructures par un effort de rationalisation et de mutualisation En outre, dans le cadre des élaborations ou révisions de document d'urbanisme, les collectivités concernées par les secteurs d'implantation périphérique oeuvrent à créer ou améliorer, si nécessaire, les liaisons douces entre les principaux équipements commerciaux concernés et les principaux quartiers habités environnants. ". Enfin au titre de la prescription 97, le document dispose que : " les projets de création ou d'extension de commerces, ensembles commerciaux ou de point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique (" entrepôts drive "), sont construits avec le souci de l'aménagement durable du territoire et de leur insertion urbaine et paysagère. A ce titre, il est attendu un effort de qualité dans la composition architecturale, paysagère et environnementale de ces projets, autant pour les bâtiments que pour les aménagements extérieurs. Pour ce faire, ces projets répondent aux exigences suivantes : 1. Favoriser les porosités avec les espaces urbanisés attenants, avec le souci de développer le lien à la rue et de s'articuler aux bâtiments et commerces voisins. 2. Minimiser l'impact paysager du projet, singulièrement en entrée de ville : • En travaillant le rapport à la rue, • En réduisant les impacts visuels des parcs de stationnement, • En traitant qualitativement les interfaces du projet avec les espaces naturels ou urbains environnants, • En soignant la conception des façades et toitures des bâtiments. 3. Rechercher l'éco-efficience dans la conception des bâtiments et des espaces extérieurs : • En optimisant les performances énergétiques des bâtiments, • En valorisant les potentiels de production d'énergie renouvelable (énergie solaire, géothermie, ...), • En limitant la pollution des sols et des eaux, avec notamment un effort de gestion et de filtration des eaux pluviales et résiduelles sur site, • En soignant la composition végétale, notamment sur les espaces de stationnement, et en limitant l'imperméabilisation des sols, • En valorisant les espaces de biodiversité ou les paysages naturels sur site et les interfaces avec les milieux naturels avoisinants ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Bessières est identifiée par le schéma de cohérence territoriale comme un secteur d'implantation de centralité urbaine et un secteur d'implantation périphérique, devant disposer d'un pôle d'équilibre commercial pour le bassin de vie en complémentarité avec celui de Villemur sur Tarn. Le site du projet en litige est localisé en entrée de ville, côté ouest, au sein de la zone commerciale " Les Portes de Bessières ", à 1,3 kilomètre du centre-ville de Bessières. La zone commerciale " Les Portes de Bessières ", comprend au nord de la route départementale 630 l'ensemble commercial " Super U " et un ensemble commercial de 4 278 m² enclavé dans le terrain d'assiette de l'ensemble commercial " Super U ". Au sud de la route départementale 630 se trouve un autre ensemble commercial composé de deux bâtiments. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'instruction de la direction départementale des territoires de la Haute-Garonne, que ce projet commercial s'inscrit dans une zone de chalandise pertinente caractérisée par une augmentation de 29,4 % du nombre d'habitants entre 2006 et 2017, alors que la commune de Bessières, dont la population a augmenté dans la même période de 34,96 %, se trouve faiblement pourvue en commerces non alimentaires, comparativement à des villes similaires. Le projet autorisé répond au développement des services et équipements structurants et permet de réduire l'évasion commerciale vers les pôles de Toulouse et Montauban pour le territoire du bassin de vie de Villemur sur Tarn/Bessières. Il ressort également des pièces du dossier que le projet autorisé, dont l'augmentation de la surface de vente procède de l'extension du bâtiment par empiètement sur le parking actuel, situé à 1,3 kilomètre du centre-ville, dans la continuité du bâtiment existant dédié aux commerces, est implanté sur des surfaces enrobées du parc de stationnement existant et sur des parcelles déjà urbanisées, ne générant pas d'artificialisation supplémentaire des sols et de consommation foncière. Par ailleurs le projet autorisé est desservi par plusieurs lignes de transport en commun, dont un arrêt de bus implanté à 300 mètres, ainsi que par une piste cyclable et des cheminements piétonniers aménagés, et ne présente qu'un impact limité sur le flux de circulation sur la route de Montauban et la route départementale 15e, compte tenu de ceux induits par les commerces d'un centre commercial existant. Si les société requérantes soutiennent que le projet n'est pas desservi par les transports en commun dans des conditions adaptées, cette situation inchangée par rapport à celle qui caractérisait déjà le site d'implantation de l'ensemble commercial, et par rapport à laquelle il n'est ni établi, ni même allégué que les habitudes de déplacement de la clientèle seront modifiées, n'est pas de nature à compromettre, par elle-même, l'objectif d'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone. Enfin, le projet révèle un effort d'intégration aux espaces paysagers, conformément à la prescription du document d'orientations et d'objectifs, notamment par une réalisation dans le prolongement d'un décroché du bâtiment et par des teintes des façades retenues et en maintenant à 50,84 % le taux de ces surfaces consacré aux espaces verts. En outre, la toiture de l'extension supportera 450 m² de panneaux photovoltaïques et le projet autorisé prévoit différents dispositifs d'économies énergétiques par le recours privilégié à l'éclairage naturel, à des luminaires de type Led ou encore à des détecteurs de présence. Dès lors, au regard des orientations générales du schéma de cohérence territoriale prises dans leur ensemble telles que rappelées aux deux points précédents, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec ce document doit être écarté.

En ce qui concerne le respect des objectifs et des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :

11. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / (...) / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".

S'agissant de l'aménagement du territoire :

12. Le projet en litige, qui consiste en l'extension de la surface de vente existante, se situe dans un secteur dédié aux commerces, à proximité immédiate de zones d'habitat, déjà ancré dans les habitudes de consommation des habitants, alors que comme il a été dit, il n'emporte qu'un faible impact sur le flux de circulations automobiles. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé, en adéquation avec l'évolution de la zone de chalandise sur la période décennale de référence, ne présente qu'un impact limité sur la dynamique commerciale du centre-ville situé à 1,3 kilomètre et dont le taux de vacance de 3,8 %, non sérieusement contesté par les sociétés requérantes, est en diminution. Ainsi, le projet autorisé est de nature à contribuer à l'amélioration du confort d'achat d'une population habitant les zones rurales, alors que la délivrance de l'autorisation ne peut être subordonnée à l'absence de toute incidence négative sur les centres-villes. Par ailleurs, si les sociétés requérantes soutiennent que le projet n'est pas suffisamment accessible aux piétons et aux cyclistes, il ressort des pièces du dossier que la nature même du projet, éloigné des principales zones d'habitation, alors qu'il demeure accessible par les transports en commun, des chemins piétonniers sécurisés et une desserte cyclable le long de la route départementale 630 menant au centre-ville, le rend peu attractif à une clientèle utilisant ce mode de transport ou les transports oins polluants. Par suite et dans ces conditions, il n'apparaît pas que le projet méconnaîtrait les exigences d'aménagement du territoire définies par l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant du développement durable :

13. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'extension du bâtiment ne modifie pas l'aspect du bâtiment et de ses abords et s'insère dans une zone à vocation commerciale sans qualité architecturale particulière, alors que le recours au bardage de couleur brique est de nature à assurer son insertion architecturale dans son environnement proche. En outre, l'aspect paysager n'est pas modifié dans le cadre du projet, notamment par le maintien des 131 arbres de l'aire de stationnement et des espaces périphériques, et des arbustes en limite de propriété, et comme il a été dit plus haut, les espaces verts occuperont 50,84 % du site. Si les sociétés requérantes font valoir que le projet autorisé est situé à proximité immédiate de zones de protection de la faune et de la flore, dont une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type II, elles n'apportent aucun élément permettant de considérer que l'extension prévue du magasin existant, implanté sur des parcelles hors de ce périmètre, aurait des effets négatifs sur cet environnement. Par conséquent, il n'est pas établi que le projet serait de nature à compromettre la réalisation de l'objectif de développement durable énoncé par l'article L. 752-6 du code de commerce en matière d'insertion architecturale et paysagère.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par les parties défenderesses, que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du permis de construire accordé le 10 décembre 2020 par le maire de Bessières à la société Romachris en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par les sociétés requérantes au titre des frais et non compris dans les dépens dès lors qu'elles ont la qualité de partie perdante dans la présente instance. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces sociétés le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Bessières et une somme de 2 000 euros à la société Romachris au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête des sociétés Villemur Distribution et Seynet est rejetée.

Article 2 : La sociétés Villemur Distribution et Seynet verseront à la commune de Bessières une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les sociétés Villemur Distribution et Seynet verseront à la société Romachris une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Villemur Distribution, à la société par actions simplifiée Seynet, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la commune de Bessières, et à la société civile immobilière Romachris.

Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

Le rapporteur,

X. HaïliLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL20367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL20367
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-05;21tl20367 ?
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