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09/02/2006 | FRANCE | N°05VE01365

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 09 février 2006, 05VE01365


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2005, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0409963 du 19 mai 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 23 décembre 2004, notifié le 27 décembre 2004, décidant la reconduite à la frontière de M. Hervely Murat X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que c'est à tort que le premier juge

a considéré qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention europée...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2005, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0409963 du 19 mai 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 23 décembre 2004, notifié le 27 décembre 2004, décidant la reconduite à la frontière de M. Hervely Murat X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où M. X est célibataire, sans enfant et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et qu'il ne justifie pas d'une ancienneté de séjour suffisante ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2006 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué ;

- les observations de Me de Gueroult d'Aublay substituant Me Soubre-M'Barki pour M. X ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait. (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité haïtienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du 29 octobre 2004 du PREFET DU VAL-D'OISE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si M. X, ressortissant haïtien, né le 30 mars 1981, fait valoir que ses parents sont décédés, qu'il vit en France avec sa tante et son frère qui sont en situation régulière et qu'il est bien intégré à la société française en suivant une formation professionnelle, il ressort des pièces du dossier que M. X, célibataire et sans enfants à charge, est entré en France le 20 novembre 2001 ; qu'il ne démontre pas qu'il serait effectivement dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée du séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DU VAL-D'OISE en date du 23 décembre 2004 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de ladite convention ; que, par suite, le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur ce moyen pour annuler son arrêté du 23 décembre 2004 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 23 décembre 2004 à laquelle le PREFET DU VAL-D'OISE a prononcé la reconduite à la frontière de M.X, Mme Martine Y, directrice des libertés publiques, était régulièrement investie d'une délégation de signature lui donnant compétence pour signer tout arrêté de reconduite à la frontière ainsi que toute décision fixant le pays de renvoi en vertu de l'article 4 de l'arrêté n° 04-047 du 24 mai 2004 dans sa rédaction résultant de l'arrêté du 13 juillet 2004 publié au recueil des actes administratifs de l'Etat le 2 août 2004 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (…) » ;

Considérant que si M. X fait valoir que son état de santé nécessite un suivi médical, il ne résulte pas des pièces du dossier et notamment de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique en date du 2 décembre 2003 produit par le PREFET DU VAL-D'OISE que le défaut de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé au sens des dispositions précitées de l'article 12 bis 11° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que M. X n'est dès lors pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de délivrance, en date du 13 mai 2004, d'une carte de séjour temporaire par le PREFET DU VAL-D'OISE sur le fondement de ces dispositions ;

Considérant, en troisième lieu, que les circonstances que M. X serait bien intégré en France où il vit depuis le 20 novembre 2001 et qu'il bénéficierait d'une promesse d'embauche ne suffisent pas à établir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste de l'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté du 23 décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X doit être regardé comme comportant une décision distincte par laquelle le PREFET DU VAL-D'OISE a décidé que l'intéressé sera éloigné à destination de la République d'Haïti ; que si M. X invoque la situation générale dans ce pays et des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que M. X, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 avril 2002 confirmée par une décision de la commission des recours des réfugiés le 11 juin 2003, n'apporte pas d'élément de nature à établir la réalité des risques personnels que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine ; que M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision distincte fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 mai 2005, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 23 décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné a payer à M. X la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 0409963 du 19 mai 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. X est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N°05VE01365

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE01365
Date de la décision : 09/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : SOUBRÉ-M'BARKI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-02-09;05ve01365 ?
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