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11/10/2007 | FRANCE | N°06VE02578

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 11 octobre 2007, 06VE02578


Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2006, présentée pour M. Sakir X, demeurant ..., par Me Taverdin ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0609699 du 25 octobre 2006 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2006 par lequel le préfet des Yvelines a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2006 et de la décision du même jour fi

xant le pays de destination ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 800 e...

Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2006, présentée pour M. Sakir X, demeurant ..., par Me Taverdin ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0609699 du 25 octobre 2006 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2006 par lequel le préfet des Yvelines a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2006 et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ;

Il soutient qu'il n'a pas été avisé de la date de l'audience devant le Tribunal administratif de Versailles ; que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de fait ; qu'il vit en France depuis 6 ans avec sa compagne ; que ses trois enfants sont nés en France ; qu'il n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant signée à New-York le 20 novembre 1989 ; que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ; que sa vie est menacée en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son engagement pour la cause kurde et ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (P.K.K.) ; que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 3 de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention sur les droits de l'enfant signée à New York le 20 novembre 1989 ;

Vu la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants entrée en vigueur le 26 juin 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2007 :

- le rapport de M. Bonhomme, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du commissaire du gouvernement, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas (…) » et qu'aux termes de l'article R. 776-10 du code de justice administrative : « Les parties doivent être averties par tous moyens de la date, de l'heure et du lieu de l'audience. » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui a formé un recours contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la convocation à la séance du 25 octobre 2006, au cours de laquelle le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a statué sur la demande présentée par M. X tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière du 3 octobre 2006, n'a pas été adressée au domicile du requérant, connu du service ; que dès lors, l'avis d'audience ne peut être regardé comme ayant été régulièrement notifié ; qu'ainsi, le requérant est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière et doit en conséquence être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Versailles et ses conclusions d'appel;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera conduit à la frontière dans les cas suivant : (…) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait… » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 1er août 2006, de la décision du préfet des Yvelines du 25 juillet 2006, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que, par arrêté du 31 août 2006, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture d'août 2006, le préfet des Yvelines a donné délégation à M. Philippe Vignes, secrétaire général, pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière et les décisions fixant les pays de destination ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant que l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il remplissait les conditions fixées par la circulaire du 13 juin 2006 pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour, il ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire, qui est dépourvue de valeur réglementaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que M. X, entré en France le 25 juillet 2000 pour y solliciter l'asile politique, soutient qu'il vit depuis 5 ans en France avec sa compagne et ses trois enfants qui sont nés sur le territoire français et qu'il n'a plus d'attache familiale dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que sa compagne, en situation irrégulière, fait également l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et que rien ne s'oppose à ce que M. X reparte accompagné de ses trois enfants dans son pays d'origine où résident ses parents et ses trois frères et soeurs ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 3 octobre 2006 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant signée à New York le 20 novembre 1989 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'eu égard aux circonstances énoncées ci-dessus, et au fait qu'il n'est pas établi que la mère des enfants, qui est de nationalité turque, ne pourrait constituer une cellule familiale en Turquie avec le requérant et leurs enfants, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte excessive aux intérêts supérieurs des enfants ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, par l'arrêté attaqué, le préfet des Yvelines aurait méconnu les dispositions précitées ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; et qu'aux termes de l'article 3 de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : « 1. Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture / 2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ».

Considérant que si M. X fait valoir qu'il fait l'objet de poursuites dans son pays d'origine et qu'il risque d'être exposé, en cas de retour dans ce pays, à des persécutions, en raison de ses engagements en faveur du PKK et de son activité politique dans l'opposition au gouvernement en place, les allégations de l'intéressé, dont la demande tendant à l'admission au statut de réfugié a, d'ailleurs, été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la commission des recours des réfugiés, et en particulier le courrier en date du 17 février 2001 du procureur général de la ville d'Izmir, qui est dépourvu de garanties suffisantes d'authenticité, ne permettent pas de tenir pour établi que la décision de l'éloigner à destination de son pays d'origine l'exposerait personnellement à des risques de persécutions ou de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou à l'article 3 de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral ordonnant sa reconduite à la frontière ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

N°06VE02578

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 06VE02578
Date de la décision : 11/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bernard BONHOMME
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : TAVERDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-10-11;06ve02578 ?
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