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03/07/2008 | FRANCE | N°07VE00215

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 juillet 2008, 07VE00215


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 1er février 2007 pour la télécopie et le 6 février 2007 pour l'original, présenté par le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500606-0602923 en date du 14 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du préfet du Val-d'Oise en date du 16 janvier 2006 refusant de délivrer un duplicata de son permis de conduire à M. Shingara X ;

2°) de rejeter la demande de M. Shingara X ;
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Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 1er février 2007 pour la télécopie et le 6 février 2007 pour l'original, présenté par le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500606-0602923 en date du 14 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du préfet du Val-d'Oise en date du 16 janvier 2006 refusant de délivrer un duplicata de son permis de conduire à M. Shingara X ;

2°) de rejeter la demande de M. Shingara X ;

Il soutient que par un arrêt en date du 25 décembre 2006 le Conseil d'Etat a rejeté la requête de l'association United Sikh et de M. X et a reconnu la légalité de la circulaire du 6 décembre 2005 ; que c'est à tort que le tribunal administratif a soulevé d'office le moyen tiré de l'insuffisance de la mesure de publicité de cette circulaire ; que l'objectif de cette réglementation est de limiter les risques de falsification et d'usurpation d'identité ; qu'elle poursuit un objectif d'intérêt général et de protection de la sécurité et de l'ordre public ; que l'obligation de poser tête nue doit permettre une identification immédiate ; que la jurisprudence du Conseil d'Etat a considéré que les restrictions relatives au port du voile ou du foulard sur les photographies apposées sur les cartes nationales d'identité et les passeports n'étaient pas disproportionnées au regard de ces objectifs et ne méconnaissent donc pas les dispositions de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que le port du turban prescrit par la religion sikhe peut faire l'objet de restrictions, lorsqu'elles constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique ou à la protection de l'ordre public ; que la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme a confirmé l'obligation de poser tête découverte pour tout document, dont l'identification de l'intéressé doit être certaine, afin d'assurer la préservation de la sécurité, de la santé ou de l'ordre public ; que si la directive européenne n° 2000/43/CE du 29 juin 2000 prohibe toute discrimination indirecte à l'égard de personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée, sa transposition dans le droit français dans l'article 19 de la loi du 30 décembre 2004 a fait l'objet d'adaptations nationales par les notions « d'origine nationale » et « d'appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou à une race » ; que le moyen tiré de la discrimination ethnique ne constitue pas un moyen opérant au regard du droit français ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la route, notamment son article R. 221-19 ;

Vu l'arrêté du 8 février 1999 du ministre des transports relatif aux conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire ;

Vu l'arrêté du 7 mai 1999 du ministre de l'intérieur, du ministre de l'équipement, des transports et du logement et du secrétaire d'Etat à l'outre-mer relatif à l'apposition de photographies d'identité sur les documents d'identité, les titres de voyage, les titres de séjour et les permis de conduire ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2008 :

- le rapport de M. Brumeaux, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la circulaire du 6 décembre 2005 relative à l'apposition des photos d'identité sur les permis de conduire a été publiée au bulletin officiel du ministère de l'équipement, des transports, du tourisme et de la mer le 10 janvier 2006 et intégrée sur le site internet de la sécurité routière du ministère de la défense ; qu'ainsi les modalités de publicité de cette circulaire doivent être regardées comme suffisantes ; que par suite c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur l'absence de publication de la circulaire susvisée au Journal Officiel de la République Française pour annuler la décision du préfet du Val-d'Oise du 16 janvier 2006 refusant de délivrer un duplicata de son permis de conduire à M. Shingara X ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 221-19 du code de la route : « Le ministre chargé des transports détermine les conditions dans lesquelles doit être demandé, établi et délivré le permis de conduire (...) » ; que l'arrêté du ministre de l'équipement, des transports et du logement en date du 8 février 1999 relatif aux conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire prévoit que le dossier fourni par le demandeur doit comporter deux exemplaires de sa photographie répondant à la norme Afnor NF2 12010 ; que, sur le fondement de ces dispositions, le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER a, par la circulaire du 6 décembre 2005, dont les dispositions présentent un caractère impératif, rappelé les exigences de la norme Afnor et demandé aux préfets d'exiger que les photos accompagnant le dossier de délivrance du permis de conduire représentent le demandeur « tête nue » et de face ;

Considérant que le préfet du Val-d'Oise a refusé le 18 janvier 2006 de délivrer à M. Shingara X un duplicata de son permis de conduire au motif que les photographies produites par l'intéressé, qui appartient à la communauté sikhe et sur lesquelles il portait un turban, «ne satisfaisaient pas les exigences prévues par l'arrêté du 8 février 1999 complété par la circulaire du 6 décembre 2005 » ; que M. X soutient que la décision du 18 janvier 2006 et la circulaire du 6 décembre 2005 méconnaîtraient les stipulations combinées des articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que l'obligation de présenter des photographies d'identité « tête nue », qui leur impose d'ôter le turban, constituerait une ingérence dans la jouissance des droits et libertés garantis par la convention, notamment la liberté religieuse, et une mesure discriminatoire au regard de l'origine ethnique ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. /2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ;

Considérant que les stipulations précitées prévoient elles-mêmes que les libertés qu'elles garantissent puissent faire l'objet de restrictions, notamment dans l'intérêt de la sécurité publique et de la protection de l'ordre ; que les dispositions contestées, qui visent à limiter les risques de fraude ou de falsification des permis de conduire, en permettant une identification par le document en cause aussi certaine que possible de la personne qu'il représente, ne sont ni inadaptées ni disproportionnées par rapport à cet objectif ; que la circonstance que, par le passé, la production de photographies avec port de couvre-chef ait été tolérée, ne fait pas obstacle à ce que, face à l'augmentation du nombre de falsifications constatées, il ait été décidé de mettre fin à cette tolérance ; que l'atteinte particulière invoquée aux exigences et aux rites de la religion sikhe, n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, compte-tenu notamment du caractère ponctuel de l'obligation faite de se découvrir afin de produire une photographie « tête nue » et n'implique pas qu'un traitement différent aurait dû être réservé aux personnes de confession sikhe par rapport aux autres demandeurs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la circulaire du 6 décembre 2005 n'a pas méconnu les dispositions précitées et que la décision litigieuse par laquelle le préfet du Val d'Oise a fait application desdites dispositions, en exigeant la production de photographies « tête nue » sans distinction de l'origine sociale, l'appartenance ou non à une ethnie ou à une race, n'a procédé à aucune discrimination et n'a pas non plus méconnu, pour les mêmes motifs, le principe d'égalité ainsi que les dispositions des articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DES TRANSPORTS est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du18 janvier 2006 du préfet du Val-d'Oise refusant de délivrer un duplicata de son permis de conduire à M. Shingara X ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 14 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : La demande de M. X présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07VE00215
Date de la décision : 03/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BRUAND
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : JACQUOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-07-03;07ve00215 ?
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