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18/02/2010 | FRANCE | N°09VE02475

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 18 février 2010, 09VE02475


Vu la requête enregistrée le 20 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mlle Isoken A demeurant ... par Me Breillat ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905631 du 23 juin 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2009 par lequel le préfet de la Vienne a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et de la décisio

n la plaçant en centre de rétention ;

2°) d'annuler cet arrêté et ces déci...

Vu la requête enregistrée le 20 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mlle Isoken A demeurant ... par Me Breillat ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905631 du 23 juin 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2009 par lequel le préfet de la Vienne a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et de la décision la plaçant en centre de rétention ;

2°) d'annuler cet arrêté et ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte du versement de la somme de 100 euros par jour de retard de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Breillat qui renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que l'arrêté portant reconduite à la frontière a été signée par une autorité incompétente dès lors que le secrétaire général de la préfecture ne disposait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ; que l'arrêté portant placement en rétention administrative ne pouvait être pris par délégation de M. Bernard Fragneau qui n'était plus préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne à la date d'édiction dudit arrêté ; que l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière à son encontre a été pris en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas été pris la mesure de son état de santé nécessitant un traitement médical dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'elle avait présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que l'arrêté attaqué ne mentionne même pas l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans ses visas ; que le médecin inspecteur de la santé n'a pas été consulté ; que si le certificat médical produit n'était pas signé, il émanait du médecin traitant comme l'attestaient de précédents certificats ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2010 :

- le rapport de M. Martin, magistrat désigné,

- et les conclusions de M. Davesne, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, de nationalité nigériane a reconnu, lors de son interpellation et au cours de la garde à vue diligentée par les forces de police, être en situation irrégulière et être dépourvue de document transfrontière ; qu' elle entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée permettant au préfet de prononcer un arrêté de reconduite à la frontière à son encontre ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A et de la décision la plaçant en centre de rétention administrative :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée.(...) ; qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 susmentionné des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant que si Mlle A fait état de ce qu'elle est atteinte d'une hépatite B en cours d'évolution, les deux certificats médicaux qu'elle produit en date des 10 septembre 2008 et 14 mai 2009, qui font état de ce que la guérison n'est pas encore acquise et que l'intéressée doit rester protégée par un système de soins adapté, ne sont pas à eux seuls de nature à établir que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dès lors, Mlle A n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que Mlle A fait valoir que les médecins psychiatres qui l'ont examinée au centre hospitalier de Versailles en février 2009 et ceux qui l'ont examinée en juin 2009 lors de son placement en centre de rétention et de son hospitalisation en psychiatrie attestent que le fait d'être confrontée à un éventuel éloignement entraîne chez elle de graves crises la conduisant à commettre des tentatives de suicide ; que ces constats sont d'ailleurs confirmés par d'autres documents médicaux qui, bien que postérieurs à la décision ordonnant la reconduite à la frontière, confirment l'état de santé de l'intéressée ; que la requérante a déjà commis des tentatives de suicide par le passé liées à son placement en centre de rétention et aux perspectives de son retour dans son pays d'origine qui révèlent en elle un syndrome de stress post traumatique dû à une histoire de vie particulièrement violente dans son pays d'origine dont elle garde des reviviscences très marquées à type d'hallucinations visuelles, persécutions, anxiété majeure avec symptômes dissociatifs et un état dépressif majeur ; qu'à supposer que des troubles de cette nature puissent faire l'objet d'un traitement approprié dans le pays d'origine de

Mlle A, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des certificats médicaux mentionnés ci-dessus, que le lien entre la pathologie dont souffre Mlle A et les événements traumatisants qu'elle avait vécus au Nigéria ne permettent pas, dans ce cas particulier, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays ; que, par suite, Mlle A est fondée à soutenir que le préfet de la Vienne a entaché d'illégalité la décision par laquelle il a décidé de la reconduire à la frontière en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté du 17 juin 2009 du préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, doit être annulée ;

Considérant que dès lors qu'en vertu de l'article L. 554-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la mesure d'éloignement est annulée par le juge administratif il est mis fin immédiatement au maintien de l'étranger en rétention et celui-ci est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas, la décision en date du 17 juin 2009 par laquelle le préfet de la Vienne a placé en rétention administrative Mlle A est entachée d'illégalité et doit être annulée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 17 juin 2009 par laquelle le préfet de la Vienne a prononcé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour ordonnant son placement en centre de rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au préfet de la Vienne, outre de délivrer à

Mlle A une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; que, toutefois, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mlle A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que , par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Breillat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 0905631 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles, l'arrêté du 17 juin 2009 par lequel le préfet de la Vienne a décidé la reconduite à la frontière de Mlle A et la décision du même jour plaçant cette dernière en centre de rétention sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, de délivrer à Mlle A une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Breillat une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Breillat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09VE02475
Date de la décision : 18/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : SCP BREILLAT-DIEUMEGARD-

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-02-18;09ve02475 ?
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