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25/05/2010 | FRANCE | N°09VE01280

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 25 mai 2010, 09VE01280


Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2009 en télécopie et le 22 avril 2009 en original au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, pour la société LES SALLES DU MOULIN BASSET représentée par son président en exercice, ayant son siège ZA du Moulin Basset 12 chemin du Moulin Basset Bâtiment 5 à Saint-Denis (93200), par Me Lacan ; la société LES SALLES DU MOULIN BASSET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0306550 en date du 13 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'

arrêté du 7 octobre 2003 par lequel le maire de la commune de Saint-Denis...

Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2009 en télécopie et le 22 avril 2009 en original au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, pour la société LES SALLES DU MOULIN BASSET représentée par son président en exercice, ayant son siège ZA du Moulin Basset 12 chemin du Moulin Basset Bâtiment 5 à Saint-Denis (93200), par Me Lacan ; la société LES SALLES DU MOULIN BASSET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0306550 en date du 13 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2003 par lequel le maire de la commune de Saint-Denis a réglementé les horaires de fermetures des salles de réception qu'elle exploite au chemin du Moulin Basset à Saint-Denis ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Elle soutient qu'en premier lieu, le maire de Saint-Denis, commune dans laquelle la police est étatisée, était incompétent pour édicter l'arrêté litigieux dès lors que les nuisances constatées aux abords de son établissement ne constituent pas des bruits de voisinage au sens des dispositions de l'article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales ; qu'en effet, ces nuisances ne proviennent pas des salles qu'elle exploite ; qu'en outre, eu égard à la distance entre les entrées de ces salles et les maisons d'habitation qui subiraient ces nuisances, la notion de voisinage ne peut être retenue ; que, de surcroît, s'agissant des nuisances qui résulteraient du stationnement de véhicules sur les parkings, ces derniers sont éloignés des salles qu'elle exploite et elle n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni titulaire d'aucun droit de jouissance ; que, de plus, les articles L. 1311-1, R. 48-1 à R. 48-5 du code de la santé publique sont sans application en l'espèce ; qu'enfin, il est inéquitable que le maire exerce son pouvoir de police pour sanctionner l'exploitation d'un fonds de commerce alors que son activité a été autorisée par les baux dont elle était titulaire de la part de la commune elle-même ; qu'en deuxième lieu, l'administration, en se bornant à se fonder sur des témoignages motivés par des considérations racistes et dépourvus de valeur probante, n'apporte pas la preuve d'une atteinte à la tranquillité publique alors qu'elle exerce son activité depuis 1994 et que les plaintes sont apparues récemment ; qu'en troisième lieu, l'arrêté contesté a été pris en violation du principe de la liberté du commerce dès lors qu'elle n'est pas à l'origine des atteintes qui auraient été portées à la tranquillité publique, lesquelles peuvent provenir du restaurant situé dans le prolongement de la rue du Moulin Basset et que l'exécution de cette décision aboutirait nécessairement à la cessation complète de son activité ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2010 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Piard substituant Me Lacan pour la société SALLES DU MOULIN BASSET et Me Dumez substituant Me Seban pour la commune de Saint-Denis ;

Considérant que la société LES SALLES DU MOULIN BASSET relève appel du jugement 13 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2003 par lequel le maire de la commune de Saint-Denis a notamment réglementé les horaires de fermetures des salles de réception qu'elle exploite au chemin du Moulin Basset à Saint-Denis ;

Sur l'intervention de l'association culturelle et sportive des originaires de la Guinée-Bissau en France, l'association des ressortissants de Nekedi, l'association islamique des originaires de la Guinée-Bissau en France et l'association Rassemblement des Monterois en France :

Considérant que les associations précitées, qui organisent régulièrement au profit de leurs membres, des réunions ou manifestations festives dans les salles exploitées par la société appelante, ont intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par suite, leur intervention est recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : La police municipale (...) comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ; qu'aux termes de l'article L. 2214-4 du même code : Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2º de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les bruits de voisinage. / Dans ces mêmes communes, l'Etat a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d'hommes. / Tous les autres pouvoirs de police énumérés aux articles L. 2212-2, L. 2212-3 et L. 2213-9 sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que dans les communes où la police est étatisée, le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les bruits de voisinage relève du pouvoir de police municipale du maire, et que le soin de réprimer les autres atteintes à la tranquillité publique énumérées au 2° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales appartient au représentant de l'Etat ;

Considérant, en premier lieu, que si les trois salles de réception que la société LES SALLES DU MOULIN BASSET donne en location les vendredis et samedis soirs ainsi que le dimanche à partir de 16 heures pour l'organisation de fêtes, n'étaient pas directement à l'origine des bruits que le maire a entendu limiter en édictant l'arrêté litigieux, il ressort des pièces du dossier que les clients se rendant ou provenant de ces salles étaient particulièrement bruyants et troublaient la tranquillité du voisinage ; qu'à cet égard, la réalité et l'ampleur de ces nuisances sont attestées par de nombreuses plaintes formulées par les riverains depuis 1998 faisant notamment état, en des termes particulièrement circonstanciés et dépourvus de connotation raciste, contrairement à ce que soutient la société appelante, de bruits de klaxon, de discussions bruyantes, de hurlements, d'altercations verbales et physiques et de musique émanant des véhicules ; que ces nuisances sonores, occasionnées en fin de semaine tout au long de la nuit, constituent des bruits de voisinage au sens et pour l'application des dispositions précitées ; qu'ainsi et nonobstant la circonstance selon laquelle la police est étatisée dans la commune de Saint-Denis, il appartenait au maire de cette commune de faire usage des pouvoirs de police qu'il détient sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour faire cesser les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les bruits de voisinage ; que, par suite, si la société soutient que la compétence du maire ne pouvait trouver son fondement dans les articles L. 1311-1, R. 48-1 et R 48-5 du code de la santé publique par ailleurs visés par l'arrêté litigieux, un tel moyen est en tout état de cause inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société LES SALLES DU MOULIN BASSET ne saurait soutenir que les nuisances causées au voisinage ne seraient pas nécessairement liées à la fréquentation de son établissement dès lors qu'il ressort des témoignages précités et, en particulier des rapports détaillés concernant les mois de mars à juin 2003, dont le contenu n'est pas sérieusement contredit, établis par l'association du champ de courses, regroupant des habitants du quartier, que la survenance desdites nuisances, qui ne se produisaient que lors des jours d'organisation des festivités, coïncidaient exactement avec les dates et heures d'ouverture des salles de réception, lesquelles pouvaient accueillir jusqu'à 850 personnes ; que, dès lors, aucun texte ni aucun principe ne s'opposait à ce que le maire prît une mesure de réglementation à l'égard d'une activité qui, sans être en elle-même contraire à la tranquillité publique et alors qu'elle était prévue par le bail dont la société était titulaire, était à la source des troubles que la loi lui fait obligation de réprimer ;

Considérant, en troisième lieu, que les nuisances sonores en cause se produisaient depuis de nombreuses années et ont perduré en dépit de deux mises en demeure adressées à la société LES SALLES DU MOULIN DU BASSET les 31 mars et 22 mai 2003 par le maire de la commune de Saint-Denis et prescrivant à cette société de veiller à ce que les fêtes diverses ayant lieu dans ses locaux n'occasionnent aucun trouble de voisinage et de prendre toutes les mesures nécessaires afin de faire cesser lesdits troubles ; que, si la société fait valoir qu'en imposant la fermeture de ses salles à minuit, l'arrêté litigieux est de nature à compromettre la poursuite de son activité, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas allégué que, face à la persistance et à l'importance des troubles constatés, l'objectif visé par cet arrêté pouvait être atteint par une mesure moins contraignante ; que, dans ces conditions, ladite mesure ne peut être regardée comme revêtant un caractère disproportionné, eu égard notamment au principe de liberté du commerce et de l'industrie, aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Considérant, enfin, que, si par jugement du 15 mai 2007, le juge de proximité de Saint-Denis, a relaxé Mme A, représentant légale de la société du chef de violation de l'arrêté litigieux, au motif de l'illégalité dudit arrêté, cette appréciation ne lie pas le juge administratif ;

Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que la société LES SALLES DU MOULIN BASSET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société LES SALLES DU MOULIN BASSET au titre des frais exposées par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société LES SALLES DU MOULIN BASSET au profit de la commune de Saint-Denis une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de l'association culturelle et sportive des originaires de la Guinée-Bissau en France, l'association des ressortissants de Nekedi, l'association islamique des originaires de la Guinée-Bissau en France et l'association Rassemblement des Monterois en France sont admises.

Article 2 : La requête de la société LES SALLES DU MOULIN BASSET est rejetée.

Article 3 : La société LES SALLES DU MOULIN BASSET versera à la commune de Saint-Denis une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Saint-Denis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 09VE01280 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE01280
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : LACAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-05-25;09ve01280 ?
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