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17/06/2010 | FRANCE | N°09VE01409

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 17 juin 2010, 09VE01409


Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Mohamed A, demeurant chez Mme Raymonde B ..., par Me Debeauche ; M A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0810996 en date du 26 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2008 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à des

tination duquel il devra être reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pou...

Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Mohamed A, demeurant chez Mme Raymonde B ..., par Me Debeauche ; M A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0810996 en date du 26 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2008 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il devra être reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente, dès lors que l'administration ne justifie pas que l'auteur de l'acte aurait bénéficié d'une délégation de signature régulière ; que l'obligation de quitter le territoire n'est pas motivée ; que l'avis du médecin inspecteur de santé publique en date du 17 décembre 2008 n'est pas suffisamment motivé dès lors que ce dernier s'est borné à cocher six cases dans un formulaire sans autres précisions ; que, si ledit avis indique qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié au Maroc, il est contredit par trois certificats médicaux délivrés par un cardiologue, son médecin traitant et un médecin exerçant au Maroc ; que, dès lors, il appartenait au préfet de démontrer qu'il pouvait bénéficier d'un accès effectif aux soins dans son pays d'origine ; qu'en l'espèce, la production, par le préfet des Yvelines, d'une fiche sanitaire dont la provenance demeure indéterminée et sur laquelle sa pathologie ne figure pas, n'est pas de nature à rapporter cette preuve ; que la production d'un second document relatant l'état du système de protection sociale au Maroc permet de constater, alors qu'il serait sans ressource financière et sans emploi, qu'il ne bénéficierait d'aucune prise en charge, le système de protection sociale marocain étant réservé aux salariés ; que, par suite, la décision refusant de l'admettre au séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il réside continûment en France depuis 2002 où il a le centre de ses attaches personnelles ; que, dès lors, l'arrêté attaqué méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché, pour le même motif, d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ; que son renvoi dans un pays dont l'état sanitaire est impropre à lui garantir les soins qui lui sont nécessaires, revient à le soumettre à un traitement inhumain et dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2010 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Debeauche, pour M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré régulièrement en France le 29 décembre 2002 ; qu'il a sollicité puis obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; qu'après avoir rejeté sa demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire en cette qualité, le préfet des Yvelines a pris, le 20 octobre 2008, un arrêté portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays à destination duquel il sera reconduit ; que M. A relève régulièrement appel du jugement en date du 26 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 7 octobre 2008, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs, n° 19, du département des Yvelines, le préfet des Yvelines a donné à Mme Béatrice Mouton, directrice de la citoyenneté et des libertés publiques, délégation à l'effet de signer, en toutes matières ressortissant aux attributions de la direction du même nom, tous arrêtés, décisions, documents et correspondances du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, dont notamment les décisions se rapportant à la situation et au séjour des étrangers en France ; que, par suite, le moyen tiré de ce que Mme Mouton n'aurait pas été compétente pour signer l'arrêté attaqué doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué contient l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent et qui résultent d'un examen particulier de la situation personnelle de M. A ; qu'en outre, l'obligation de quitter le territoire dont est assortie la décision portant refus d'admission au séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique en application du dernier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; qu'enfin, le secret médical interdisait au médecin inspecteur de santé publique de révéler des informations sur les pathologies de M. A et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'avis du médecin inspecteur et, par voie de conséquence, l'arrêté attaqué du préfet des Yvelines serait entaché d'une insuffisance de motivation manque en fait et doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l 'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que si M. A soutient qu'il a fait l'objet d'une intervention chirurgicale en 2006, en vue de la pose d'une valve mécanique, dite de Saint Jude, entre l'aorte ascendante et l'oreillette droite du coeur, qu'il est tenu depuis lors à un suivi hématologique régulier et à la prise d'un traitement médical pour une durée indéterminée, que les efforts ou la station débout prolongés lui sont contre-indiqués et que la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue par la commission des droits de l'autonomie et des personnes handicapées, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux délivrés les 25 novembre, 3 et 12 décembre 2008, et 3 février 2009 par son médecin traitant, un cardiologue et deux médecins généralistes exerçant au Maroc, que le requérant ne pourrait, au Maroc, faire l'objet d'un suivi hématologique et se procurer un médicament dont il a besoin, ainsi que l'a estimé le médecin inspecteur de santé publique par avis du 17 décembre 2008 ; que, notamment, les articles relatifs à l'état de l'art en matière de chirurgie cardiaque au Maroc ne sont pas susceptibles de démontrer que M. A serait dans l'impossibilité de bénéficier, dans son pays d'origine, du suivi hématologique et des bilans cardiaques réguliers qui lui sont nécessaires ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que de tels soins ne sont pas accessibles à l'ensemble de la population au Maroc ou qu'ils le seraient uniquement à un coût qui dépasserait les facultés financières de M. A ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui renouveler un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Yvelines a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant marocain, né le 10 février 1972, est entré en France en 2002 ; que, célibataire et sans charge de famille, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où vivent, notamment, ses parents et ses deux frères ; qu'ainsi, compte tenu des conditions et de la durée du séjour de M. A en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, que si M. A fait valoir que son retour au Maroc reviendrait, dès lors qu'il ne peut s'y faire soigner, à le soumettre à un traitement inhumain et dégradant contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus, que M. A peut bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, la décision fixant le Maroc comme pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2008 ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 09VE01409


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE01409
Date de la décision : 17/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : DEBEAUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-06-17;09ve01409 ?
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