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26/06/2012 | FRANCE | N°10VE00725

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 26 juin 2012, 10VE00725


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mars 2010 et 16 avril 2010, présentés pour la société EUROPE SERVICES PROPRETE, dont le siège social se situe Parc de Viry 1, rue de Ris à Viry-Châtillon (91170), par Me Cabanes ; la société EUROPE SERVICES PROPRETE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0809830 du 24 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Université Paris VIII Vincennes à lui verser une somme de 89 502,258 euros assortie des intérêts légaux

compter du 18 juin 2008, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mars 2010 et 16 avril 2010, présentés pour la société EUROPE SERVICES PROPRETE, dont le siège social se situe Parc de Viry 1, rue de Ris à Viry-Châtillon (91170), par Me Cabanes ; la société EUROPE SERVICES PROPRETE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0809830 du 24 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Université Paris VIII Vincennes à lui verser une somme de 89 502,258 euros assortie des intérêts légaux à compter du 18 juin 2008, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la résiliation du marché de nettoyage signé le 12 mars 2008 ;

2°) de condamner l'Université Paris VIII Vincennes à lui verser une somme de 89 502,258 euros TTC assortie des intérêts légaux à compter du 18 juin 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient que l'Université Paris VIII Vincennes n'a jamais démontré l'existence d'une faute grave justifiant la résiliation du marché prononcée aux torts de l'entreprise ; que l'ensemble du personnel a été repris dans des conditions identiques et dans le respect de l'accord collectif du 29 mars 1990 ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'y a eu aucune interruption dans l'exécution des prestations ; qu'elle n'a pas été invitée à présenter ses observations et n'a pas reçu de mise en demeure et qu'ainsi la résiliation est irrégulière ; que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que les conditions des articles 28-1 et 28-2 du cahier des clauses administratives générales - fournitures courantes et prestations de services étaient remplies ; qu'elle a droit à une réparation intégrale de son préjudice soit 89 502,258 euros TTC correspondant à une somme de 25 572,07 euros au titre de l'article 31-2 du cahier des clauses administratives générales - fournitures courantes et prestations de services, soit 4 % du montant initial du marché, et 63 930,188 euros correspondant à la marge bénéficiaire nette non réalisée ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code du travail ;

Vu le cahier des clauses administratives générales " fournitures et prestations de service " issu du décret n° 77-699 du 27 mai 1977 ;

Vu le cahier des clauses administratives particulières ;

Vu la convention collective nationale du personnel des entreprises de propreté et l'accord du 29 mars 1990 fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2012 :

- le rapport de Mme Mégret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Courault, rapporteur public,

- les observations de Me Michelin, pour la société EUROPE SERVICES PROPRETE,

- et les observations de Me Morice, pour l'Université Paris VIII Vincennes ;

Considérant qu'à la suite d'un appel d'offres, l'Université Paris VIII Vincennes a conclu avec la société EUROPE SERVICES PROPRETE, le 12 mars 2008, pour une durée d'un an, renouvelable trois fois, un marché de nettoyage de ses locaux d'un montant annuel de 534 533 euros HT, qui a débuté le 1er avril 2008 ; que par lettre recommandée avec accusé réception en date du 19 mai 2008, l'Université a résilié ce marché ; que la société EUROPE SERVICES PROPRETE a sollicité, le 18 juin 2008, auprès de l'Université, qui n'y a pas répondu, le versement d'une somme de 89 502,258 euros en réparation du dommage qu'elle estimait avoir subi du fait de cette résiliation ; que, la société a alors saisi le Tribunal administratif de Montreuil qui a, le 24 novembre 2009, rejeté sa demande indemnitaire; que la société EUROPE SERVICES PROPRETE relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'Université Paris VIII Vincennes a résilié le marché de nettoyage de ses locaux conclu avec la société EUROPE SERVICES PROPRETE en se fondant sur la situation de blocage social qui aurait été provoquée par l'arrivée de la société sur le site et par l'inexécution des prestations du marché par la société qui aurait résulté de cette situation; que le Tribunal, qui a admis le bien-fondé de la résiliation prononcée aux torts de l'entrepreneur, a considéré qu'entre le 1er avril et le 19 mai 2008, il y avait eu interruption totale du service de nettoyage de l'Université du fait de la carence fautive de la société requérante à exécuter les prestations prévues par le marché ;

Considérant, toutefois que l'Université Paris VIII Vincennes, alors qu'elle a payé les factures des prestations de nettoyage restées selon elle inexécutées, ne produit aucune photographie, aucun constat d'huissier et aucun témoignage, et de façon générale n'apporte aucun début de preuve du défaut de nettoyage allégué ; qu'ainsi les premiers juges, en se fondant sur l' interruption totale pendant plus d'un mois et demie du service du nettoyage des locaux de l'Université pour considérer que la société avait gravement manqué à ses engagements contractuels, ont dénaturé les pièces du dossier ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société EUROPE SERVICES PROPRETE devant le tribunal administratif ;

Sur le bien-fondé de la résiliation du marché prononcée aux torts de la société requérante :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services : " 28.1. Le marché peut, selon les modalités prévues au 2 ci-dessous, être résilié aux torts du titulaire sans que celui-ci puisse prétendre à indemnité et, le cas échéant, avec exécution des prestations à ses frais et risques comme il est dit à l'article 32 : (...) c) Lorsqu'il a contrevenu à la législation ou à la réglementation du travail ; (...) f) Lorsque le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais prévus ; (...) 28.2. La décision de résiliation, dans un des cas prévus au 1 ci-dessus, ne peut intervenir qu'après que le titulaire a été informé de la sanction envisagée et invité à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. (...) ; " ;

Considérant que pour résilier le marché de nettoyage de ses locaux aux torts de la société requérante, l'Université Paris VIII Vincennes s'est fondée sur l'interruption totale du service de nettoyage et sur la situation de blocage social qui aurait été provoquée par l'arrivée de la société sur le site ; que l'Université Paris VIII Vincennes, si elle soutient que des déchets s'accumulaient sur le site de manière intolérable, n'apporte aucun début de preuve du défaut de nettoyage allégué, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a payé les factures émises au titre de la période au cours de laquelle elle prétend que les prestations de nettoyage n'auraient pas été exécutées ; que, d'autre part, si l'Université produit un document en date du 13 mai 2008, non signé, et dont la pétition jointe, réputée selon ce document émaner des usagers de l'Université et selon laquelle la société n'aurait pas dressé les avenants au contrat de travail des personnels repris ainsi que l'exige l'accord collectif du 29 mars 1990, applicable au personnel chargé de l'entretien concerné, n'est pas remplie ni signée, il résulte de l'instruction que la société EUROPE SERVICES PROPRETE a fait parvenir aux salariés concernés, par courriers recommandés avec demande d'avis de réception en date du 8 avril 2008, une lettre par laquelle elle les informait de leur reprise au sein de ses effectifs à compter du 1er avril 2008, dans les conditions de l'annexe VII de l'accord collectif des entreprises de propreté et toutes dispositions contractuelles demeurant inchangées, et les invitait à retourner sous 8 jours ledit courrier après y avoir apposé leur signature précédée de la mention " bon pour accord " ; que ces lettres, qui ont été retournées signées par les salariés concernés avec la mention " bon pour accord ", doivent être regardées comme constituant un avenant à leur contrat de travail au sens du A du paragraphe II de l'article 2 de l'accord professionnel du 29 mars 1990 annexé à convention collective nationale du personnel des entreprises de propreté, alors même qu'elles ne rappellent pas expressément l'ensemble des clauses de cet accord ; que la seule circonstance que la société EUROPE SERVICES PROPRETE n'ait pas utilisé le modèle d'avenant joint à l'accord collectif, au demeurant non invoquée par l'Université dans sa décision de résilier le marché, ne constitue pas un manquement de nature à justifier la résiliation ; que l'Université Paris VIII Vincennes n'apporte aucun élément probant à l'appui de son allégation, selon laquelle l'arrivée de la société requérante sur le site se serait traduite par une situation de blocage social ; qu'il suit de là que la société EUROPE SERVICES PROPRETE est fondée à soutenir qu'elle s'est acquittée de ses obligations et n'a pas commis de manquement de nature à justifier légalement une résiliation du marché prononcée à ses torts ; qu'ainsi, la résiliation du marché litigieux qui, d'ailleurs, est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence d'information préalable et d'invitation de la société à présenter ses observations, n'était pas fondée ; qu'il en résulte que la société EUROPE SERVICES PROPRETE est fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du caractère injustifié de la résiliation du marché dont elle était titulaire ;

Sur la réparation du préjudice subi par la société EUROPE SERVICES PROPRETE :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 24 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services : " 24.1. La personne publique peut à tout moment, qu'il y ait ou non faute du titulaire, mettre fin à l'exécution des prestations faisant l'objet du marché avant l'achèvement de celles-ci. par une décision de résiliation du marché. Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 25 à 28, le titulaire a droit à être indemnisé du préjudice qu'il subit du fait de cette décision comme il est dit à l'article 31. (...) " ;

Considérant que l'Université Paris VIII Vincennes a résilié le marché aux torts du titulaire en application de l'article 28 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services ; que par suite, eu égard aux stipulations précitées de l'article 24 de ce cahier, elle n'a pas droit à l'indemnité forfaitaire prévue par l'article 31 du même cahier ;

Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de faute de la part de la société EUROPE SERVICES PROPRETE, celle-ci a droit à la réparation intégrale de son préjudice constitué par les pertes qu'elle a supportées ainsi que des gains dont elle a été privée en raison de la résiliation anticipée de son marché si le marché avait été poursuivi jusqu'à son terme ; que la société EUROPE SERVICES PROPRETE sollicite l'octroi d'une indemnité d'un montant de 63 930,188 euros, correspondant selon elle à la perte de marge bénéficiaire qu'elle a subie et qu'elle évalue à 10 % du prix du marché dont elle a été privée ; que, si la société EUROPE SERVICES PROPRETE n'a pas produit de documents comptables permettant de déterminer avec précision son manque à gagner, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que, du fait de la résiliation du marché, que la société a été privée d'un chiffre d'affaires de 368 202 euros correspondant à la différence entre le montant du marché et les factures payées par l'Université au titre des prestations courantes prévues par lui ; que, dans ces conditions et en l'absence de documents comptables permettant de déterminer avec précision le manque à gagner de la société requérante, il sera fait une juste appréciation de celui-ci en le fixant à 22 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Université Paris VIII Vincennes doit être condamnée à payer à la société EUROPE SERVICES PROPRETE une indemnité de 22 000 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant qu'il convient de fixer le point de départ des intérêts légaux auxquels a droit la société EUROPE SERVICES PROPRETE au 3 septembre 2008, date de la saisine par cette société du Tribunal administratif de Montreuil d'une demande d'indemnisation assortie d'une demande de versement des intérêts de droit ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Université Paris VIII Vincennes la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que les conclusions de l'Université Paris VIII Vincennes qui est, dans la présente instance, la partie perdante, doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 24 novembre 2009 est annulé.

Article 2 : L'Université Paris VIII Vincennes est condamnée à verser à la société EUROPE SERVICES PROPRETE la somme de 22 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2008.

Article 3 : L'Université Paris VIII Vincennes versera à la société EUROPE SERVICES PROPRETE la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 10VE00725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00725
Date de la décision : 26/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Sylvie MEGRET
Rapporteur public ?: Mme COURAULT
Avocat(s) : LE BOUEDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-06-26;10ve00725 ?
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