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09/10/2012 | FRANCE | N°12VE01123

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 09 octobre 2012, 12VE01123


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 23 mars 2012, présentée pour M. Mohammed A, demeurant chez M. Abdelhamid B, ..., par Me Gassoch-Dujoncquoy, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104691 du 21 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de

trente jours à compter de sa notification, et a fixé le pays à destinat...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 23 mars 2012, présentée pour M. Mohammed A, demeurant chez M. Abdelhamid B, ..., par Me Gassoch-Dujoncquoy, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104691 du 21 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours à compter de sa notification, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour " salarié " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas saisi la commission du titre de séjour et a ainsi méconnu les dispositions des articles L. 313-14 et L. 312-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'omission de la date de la décision entache l'arrêté attaqué d'un vice de forme ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il n'apporte pas de justification suffisante de son expérience professionnelle ;

- il devait être régularisé en qualité de salarié en application de L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3 et 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- c'est à tort que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas pris en compte la durée de sa présence en France ;

- en lui refusant la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet de la Seine-Saint-Denis a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il vit continuellement en France depuis 1999 où il a développé des attaches personnelles et professionnelles ;

......................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le protocole portant sur la gestion concertée des migrations adossé à l'accord cadre franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé le 28 avril 2008 et publié par décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2012, le rapport de M. Brumeaux, président assesseur ;

Considérant que M. A, ressortissant tunisien entré en France en 1999 selon ses déclarations, à l'âge de dix-huit ans, a sollicité, le 15 juin 2010, un titre de séjour portant la mention " salarié ", que le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé par un arrêté notifié le 9 mai 2011, lui faisant obligation de quitter le territoire français, dans le délai de départ volontaire de trente jours à compter de sa notification, et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-Saint-Denis refusant la délivrance du titre de séjour :

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu que la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus d'admission au séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et résultent de l' examen particulier de la situation individuelle de l'intéressé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs de manque en fait et doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, prévoit que " l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L.312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " et que, d'autre part, l'article L.312-2 du même code prévoit, notamment, que " la commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de résident à un étranger mentionné à l'article L.313-11 " ;

Considérant que M. A ne justifie pas avoir présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 ou sur celui de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite il ne saurait utilement soutenir que le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté attaqué ;

Considérant, en troisième lieu, que si le requérant soutient que l'absence de date sur l'arrêté attaqué entache celui-ci d'un vice de forme, cette irrégularité formelle ne porte pas sur une mention essentielle dont l'absence entraînerait l'illégalité de la décision ; que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien susvisé : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation " et qu'aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans / Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit " ; qu'aux termes de l'article 2 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 et publié par décret du 24 juillet 2009, applicable à compter du 1er juillet 2009 : " (...) 2.3 : Migration pour motifs professionnels (...) 2.3.3. Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " et que d'autre part, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d 'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

Considérant, en premier lieu, que si M. A fait valoir qu'il a travaillé pendant près de trois ans, pour la SARL M-A LES 7 EPIES puis pour le FOURNIL ROYAL, en qualité de boulanger pâtissier, les pièces versées au dossier, pour l'essentiel des attestations de ses anciens employeurs qui ne sont corroborées par aucun bulletin de salaire, ne permettent pas d'établir qu'il aurait acquis en France une expérience professionnelle effective dans ce secteur d'activité ; que par suite le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis une erreur d'appréciation en lui opposant l'absence d'expérience professionnelle pour rejeter sa demande de titre de séjour " salarié " ;

Considérant en second lieu que les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'article 2 du protocole du 28 avril 2008 font obstacle à l'application aux ressortissants tunisiens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont le même objet ; que par suite M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il devait être régularisé sur le fondement de cette dernière disposition à titre salarié ;

Considérant, enfin qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

Considérant que M. A, célibataire et sans charge de famille, n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans ; qu'il ne prouve pas davantage l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de ses attaches personnelles ou professionnelles créées en France dès lors que, notamment, la continuité de sa présence sur le territoire français n'est pas justifiée par des éléments suffisamment probants ; que, par suite, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte manifestement disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, par voie de conséquence ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions présentées à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de M. A tendant à ce que la Cour ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte ne peuvent ainsi être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 12VE01123 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE01123
Date de la décision : 09/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : GASSOCH-DUJONCQUOY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-09;12ve01123 ?
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