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18/12/2012 | FRANCE | N°10VE02336

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 décembre 2012, 10VE02336


Vu le recours, enregistré le 19 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0712193 en date du 17 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision, notifiée à la société Rivolier par lettre en date du 16 octobre 2007, de rejet de la candidature de cette société pour la passation d'un marché public de fabrication de bouchons auriculaires à atténuation non linéaire ;

2°) de rejeter la demande de

la société Rivolier d'annulation du rejet de sa candidature pour le marché susmentio...

Vu le recours, enregistré le 19 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0712193 en date du 17 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision, notifiée à la société Rivolier par lettre en date du 16 octobre 2007, de rejet de la candidature de cette société pour la passation d'un marché public de fabrication de bouchons auriculaires à atténuation non linéaire ;

2°) de rejeter la demande de la société Rivolier d'annulation du rejet de sa candidature pour le marché susmentionné ;

Il soutient que la demande de la société Rivolier devant le tribunal administratif était irrecevable dès lors qu'elle avait pour objet l'annulation d'un acte détachable du contrat alors que cette voie de recours est fermée à tout candidat évincé d'une procédure de passation d'un marché public après la signature du contrat, depuis une décision du Conseil d'Etat du 16 juillet 2007 ; que ce moyen d'ordre public a été soulevé avant que le jugement ne soit rendu et devait en tout état de cause être relevé d'office par le tribunal ; qu'en vertu de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 112 du code des marchés publics, la sous-traitance totale est prohibée pour les marchés industriels et qu'ainsi la société Rivolier ne pouvait sous-traiter la totalité de la production des bouchons auriculaires et ne conserver que les prestations à caractère purement logistique, lesquelles sont marginales et sans lien avec le processus de fabrication ; que la société Rivolier ne présentait pas toutes les capacités techniques et professionnelles requises et qu'ainsi sa candidature devait être écartée ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de M. Pilven, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Courault, rapporteur public ;

Considérant que le service central d'études et de réalisations du commissariat de l'armée de terre (SCERCAT) a engagé au nom de l'Etat, le 27 juillet 2007 par un avis publié au BOAMP et au JOUE, une procédure d'appel d'offres ouvert en application des dispositions des articles 33 et 57 à 59 du code des marchés publics pour l'attribution d'un marché public de fabrication de " bouchons auriculaires à atténuation non linéaire " ; que, suite à l'ouverture des plis le 26 septembre 2007, le pouvoir adjudicateur, en application des dispositions de l'article 52 du code des marchés publics, a demandé à la société Rivolier de produire des justificatifs relatifs à sa capacité de production et de fabrication des bouchons auriculaires, puis, par un courrier en date du 16 octobre 2007, a informé ladite société du rejet de sa candidature au motif qu'elle prévoyait de sous-traiter l'ensemble de la fabrication des produits du marché, ce qui était contraire aux dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE relève régulièrement appel du jugement en date du 17 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision de rejet de la candidature de la société Rivolier ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...) " et de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction. (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par mémoire adressé par télécopie en date du 15 avril 2010, le MINISTRE DE LA DEFENSE a soulevé un moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande présentée par la société Rivolier, à compter de la signature du marché par l'Etat ; que ce mémoire étant parvenu après la clôture de l'instruction et comportant des conclusions nouvelles relatives à la recevabilité de la demande présentée par la société Rivolier devant lui, il appartenait au tribunal administratif, en application des dispositions des articles R. 613-3 et R. 611-7 du code de justice administrative précitées, de communiquer ledit mémoire, dans le respect du principe du contradictoire, de rouvrir l'instruction, puis de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; que, par suite, le jugement du Tribunal administratif de Versailles est irrégulier et ne peut qu'être annulé dès lors qu'il ne statue pas sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, tirée de l'irrecevabilité de la demande dont il était saisi ; qu'il appartient à la Cour, statuant par la voie de l'évocation, de se prononcer sur la recevabilité de la demande présentée par la société Rivolier devant le tribunal administratif ;

Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif, dont la procédure de passation a été engagée postérieurement au 16 juillet 2007, est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le marché public de fabrication de bouchons auriculaires, en cause dans la présente affaire, a été signé le 18 janvier 2008 ; qu'à compter de cette date, les candidats ou concurrents évincés de ce marché disposaient du recours précité en contestation de validité du marché devant le juge du contrat ;

Considérant que la société Rivolier a eu connaissance, au plus tard, le 12 novembre 2010, à la suite de la communication du mémoire d'appel du MINISTRE DE LA DEFENSE du 10 novembre 2010, de ce que le contrat relatif au marché en cause avait été signé le 18 janvier 2008 ; qu'elle était de ce fait recevable à former, pendant un délai de deux mois à compter du 12 novembre 2010, un recours de pleine juridiction dont elle disposait après cette signature ; qu'elle s'en est toutefois abstenue ; qu'elle soutient que les deux recours, en excès de pouvoir et en contestation de validité du contrat, n'ont pas le même objet et que sa demande enregistrée le 14 décembre 2007 devant le Tribunal administratif de Versailles, qui tendait à obtenir l'annulation de la décision de refus de sa candidature, n'était pas irrecevable ; que, toutefois, la circonstance que la demande de la société Rivolier ne visait pas à l'obtention de la résiliation du marché en cause est sans incidence sur les conséquences qui s'attachent à la signature du marché dont elle a été évincée ; qu'ainsi, et alors même que sa candidature aurait été irrégulièrement écartée de la procédure du choix du cocontractant, ses conclusions, qui tendent seulement à l'annulation d'un acte détachable du contrat, n'ont plus d'objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Rivolier demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, et en tout état de cause, de mettre à la charge de la société Rivolier la somme de 3 000 euros demandée par le MINISTRE DE LA DEFENSE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 17 mai 2010 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la société Rivolier présentée devant le Tribunal administratif de Versailles.

Article 3 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Rivolier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10VE02336 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02336
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme COURAULT
Avocat(s) : LIENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-12-18;10ve02336 ?
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